Le défi de la justice pour les Franco-Ontariens

Palais Justice Ottawa
Le Palais de justice d'Ottawa. Crédit image: Archives #ONfr

OTTAWA – Des juges non bilingues, des procès bien souvent retardés, une obligation d’accepter l’anglais pour éviter des frais additionnels : les difficultés s’accumulent bien souvent pour les justiciables francophones en Ontario.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Une situation illogique du fait que la province bénéficie pourtant d’un régime de bilinguisme officiel dans le domaine de la justice depuis 1984. Les articles 125 et 126 de la Loi sur les tribunaux judiciaires accordent alors le droit de plaider une cause en français sans l’aide d’un interprète, et ce, tant en matière criminelle que civile.

Le hic, c’est que la situation diffère sur le terrain. « Dans la majorité des régions, le français demeure l’exception. Le justiciable doit être patient », déplore le président de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) Me François Baril.

Des plaintes et un rapport

Ces manques se sont bien souvent transformés en plaintes lesquelles se sont accumulées sur le bureau du commissaire aux services en français François Boileau. Bilan : un pic atteint de 47 plaintes pour l’année 2011-2012. Bien souvent des récriminations provenant d’Ottawa.

La même année, la publication du rapport Rouleau/Le Vay, du nom du juge Paul Rouleau et l’avocat Paul LeVay, et intitulé Accès à la justice en français rappelait l’urgence de faciliter l’accès à la justice en temps réel pour les plus de 500 000 francophones de l’Ontario.

Parmi les principales recommandations : la nécessité d’avoir des avocats capables d’informer le public de leurs droits linguistiques dans le système judiciaire, plus d’avocats bilingues pour répondre aux besoins de représentation des francophones ou encore un contact plus aisé entre les justiciables et ces mêmes avocats.

« Concrètement, le rapport soulignait qu’obtenir un procès en français coûtait du temps et de l’argent, explique Me Boileau. La plupart des revendications de l’étude n’ont pas été mises en œuvre. »

Projet pilote à Ottawa

À défaut de connaître un coup d’accélérateur, la justice francophone a malgré tout effectué de menus progrès depuis la publication du document. À commencer par le lancement prévu au printemps 2015 d’un projet pilote au Palais de justice d’Ottawa visant à assurer l’accès à la justice dans les deux langues.

La ministre déléguée aux Affaires francophones et procureure générale de l’Ontario Madeleine Meilleur l’admet : « J’ai toujours cru auparavant que c’était facile d’avoir un procès en français à Ottawa. Ce n’était pas le cas. Dorénavant, on ne veut plus entendre que la personne, par exemple un juge, est absente. »

Le même déroulement dans les autres régions de la province est « vivement souhaité » selon la procureure générale qui désire miser pour cela sur l’emploi de juges et de procureurs de la Couronne.

Centre d’information

Outre l’application stricto sensu de la loi, la solution peut aussi être éducative soutient l’AJEFO. En témoigne le lancement le 15 janvier du Centre d’information juridique d’Ottawa pour les citoyens de la région désireux de se familiariser avec les procédures judiciaires.

« Notre rôle est de renseigner au maximum les justiciables, et même si possible encourager les avocats bilingues à plaider en français », conclut Me Baril.