Le défi des élections scolaires

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OTTAWA – En marge des élections municipales du 22 octobre prochain se tiendront les élections des conseillers scolaires. Un rôle méconnu, mais ô combien important pour l’éducation en français, assurent les associations francophones. 

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Les conseillers scolaires, ce sont ceux qui vulgarisent et transmettent l’information des conseils scolaires et du ministère de l’Éducation aux parents. Ce sont eux qui revendiquent auprès du gouvernement et font comprendre nos besoins spécifiques comme francophones et qui font entendre la voix du secteur qu’ils représentent auprès du conseil scolaire. Enfin, ce sont les conseillers scolaires qui choisissent quelle direction doit prendre le conseil pour le bien-être et la réussite des élèves », résume Denis Chartrand, président de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO).

Également conseiller scolaire au Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) depuis 1991, il estime que les conseils scolaires représentent un quatrième niveau de gouvernement.

Conseiller scolaire depuis 1985 au sein du Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien (CSDCEO), le président de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), Jean Lemay, explique que la fonction a évolué.

« Avant, on était dans la cuisine, on décidait tout. Aujourd’hui, il y a des administrateurs qui s’en chargent. Nous, on fixe les objectifs, on fait les choix, notamment en infrastructure, en suivant leurs recommandations. »

Et ces choix sont parfois difficiles, reconnaît M. Chartrand, notamment lorsqu’il faut privilégier la construction ou la rénovation d’une école plutôt que d’une autre ou bien encore, quand il faut en fermer certaines. D’où l’importance de disposer de bonnes capacités d’analyse, de prendre le temps de bien lire les documents et d’avoir une vue d’ensemble, ajoute-t-il. À ces qualités, M. Lemay ajoute l’importance de bien connaître sa région et d’être à l’écoute des gens.

Des candidats difficiles à trouver

Les candidats ne sont pas légion. Pour preuve, beaucoup d’entre eux n’auront pas eu à attendre le 22 octobre prochain pour remporter leur siège, ayant été élus par acclamation.

« C’est encore plus difficile qu’avant de trouver des candidats. Avant, comme on se battait pour avoir des écoles et des conseils scolaires, la communauté était dernière nous. Aujourd’hui, on a nos conseils scolaires, nos écoles… Ça va assez bien. On en voudrait plus, mais on ne sent pas une volonté de se battre pour plus », note M. Chartrand.

Pourtant, le contexte politique rend le travail des conseillers scolaires d’autant plus important, souligne le président de l’AFOCSC.

« Il y a un nouveau gouvernement à Queen’s Park, de nouveaux ministres… Cela suppose d’établir des contacts et de travailler à faire connaître nos revendications, en tant que représentants des contribuables que sont les parents. »

Un poste exigeant

Pour expliquer ce manque d’intérêt, il y a aussi les exigences qui entourent le poste de conseiller scolaire, que la perspective d’une indemnité d’environ 6 400 $ pour les conseillers scolaires francophones – l’allocation variant de 6 000 $ à 26 000 $ dans la province – et d’un remboursement des dépenses ne suffit pas à compenser, reconnaît M. Lemay.

« C’est un poste qui peut être exigeant quand on commence à s’impliquer comme moi au niveau provincial, dans les comités, à rencontrer les députés, les ministres, les municipalités… Je reçois régulièrement des appels des parents et suis très sollicité. Alors, disons que le salaire ne justifie pas le travail qui est fait. C’est majoritairement du bénévolat. »


« Si on se compare avec un conseiller municipal, on couvre un plus grand territoire et on représente plus de gens » – Jean Lemay, président AFOCSC


Devenir conseiller scolaire nécessite de la disponibilité, un intérêt marqué pour le domaine de l’éducation, de la motivation, mais aussi… une bonne dose de l’altruisme, sourit M. Chartrand.

« Car on a peu de remerciements! En fait, on nous appelle surtout quand ça va mal. »

Selon les calculs de l’ACÉPO, le poste de conseiller scolaire représente entre 20 et 30 heures de travail par mois.

Un tremplin vers la politique?

Si certains se servent de ce passage comme d’un tremplin vers la politique, comme l’ancienne première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, qui siégeait au Toronto District School Board, les cas sont plus rares pour les francophones, explique M. Chartrand, même si quelques-uns existent, principalement au niveau municipal.

« Dans le système scolaire anglophone, c’est une première étape qui permet de se faire connaître. Mais pour les francophones, comme nous sommes très minoritaires, ce n’est pas la même chose. Les personnes qui deviennent conseillers scolaires le font surtout pour la cause. »

D’autant que peu d’électeurs s’intéressent à ces élections, note M. Lemay qui rappelle pourtant que les budgets des conseils scolaires proviennent de leurs taxes.

« Dans mon conseil scolaire, nous avons un budget annuel de 185 millions de dollars et 1200 employés à temps plein. On est un des plus gros employeurs de la région! Les électeurs pensent qu’ils ne sont pas directement affectés, surtout quand ils n’ont pas d’enfant, mais cet argent, ce sont leurs taxes et les conseillers scolaires sont ceux qui décident où il sera dépensé. »