Le dernier cri de plusieurs journaux en situation minoritaire

SUDBURY – De nombreux journaux francophones en situation minoritaire pourraient disparaître au cours des prochains mois. Rassemblés en Congrès, à Sudbury, les membres de L’Association de la presse francophone (APF) ont une fois de plus sonné l’alarme et tenté de se positionner pour demeurer pertinents dans un contexte de crise aiguë.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« Cri d’alarme », « Diminution des annonceurs », « Baisse des revenus », « Multiplier les initiatives pour survivre »,… le rapport annuel de l’APF est bourré de phrases inquiétantes sur l’avenir des journaux présents depuis des décennies dans les communautés francophones du pays.

« Il y a des journaux auxquels il va falloir donner un coup de main bientôt. Sinon, c’est la fin », dit Francis Sonier

« Au sein de nos membres, il y en a 3-4 qui pourraient ne pas finir l’année. Il y a une poignée de radios aussi. Il faudra leur trouver un fond d’urgence », confie Francis Sonier, président de l’APF.

Le gouvernement fédéral a dévoilé ce printemps son Plan d’action pour les langues officielles. Les médias avaient accueilli de manière mitigée les annonces de fonds. Et encore à ce jour, le flou demeure sur la manière dont l’argent sera partagé entre les journaux faisant de l’information locale. « On nous a dit qu’on aurait les critères pour avoir l’argent d’ici 9 à 12 mois. Mais c’est beaucoup trop long! Certains ne se rendront pas là », réplique Francis Sonier.

Une somme de 10 millions de dollars a aussi été annoncée à l’intention des médias en situation minoritaire dans le Plan sur les langues officielles. Là encore, l’argent n’est toujours pas entre les mains des journaux. « Au moins, un 4,5 millions est aussi prévu pour des stagiaires dans nos journaux et ça, on devrait pouvoir y avoir accès autour du mois de septembre. Mais n’oublions pas que tous ces montants doivent être partagés entre des dizaines de médias », souligne M. Sonier.

Il rappelle que le nerf de la guerre demeure la publicité. Et les journaux demeurent choqués de constater la baisse des achats de publicités dans leurs pages par le gouvernement fédéral, qui se tourne bien souvent vers des géants du web américains comme Facebook et Google.

« Le gouvernement donne un drôle d’exemple. C’est décevant de constater que notre argent va ailleurs plutôt que de rester pour nous. Il n’y a même pas de taxe qui est imposée et qui pourrait revenir ici », dénonce Francis Sonier.

Le choc des générations

Le constat est sans appel : les jeunes ont tourné le dos aux journaux locaux distribués sur papier. Les journaux en situation minoritaire ont réfléchi pendant leur Congrès aux moyens pour redevenir pertinents pour la nouvelle génération.

« Ça passe par le virage numérique », rappelle Francis Sonier. Plusieurs journaux en situation minoritaire n’ont pas les moyens, les outils et le savoir pour s’imposer sur les réseaux sociaux et le web. « Avec l’argent fédéral pour le numérique et les stagiaires à venir, on aura au moins les outils et les ressources pour aller de l’avant », ajoute-t-il.

La solution trouvée par l’APF est de lancer un nouveau portail : CanadaLocal.Media. La plateforme verra le jour d’ici la fin de l’année et regroupera le contenu de l’ensemble des journaux francophones de l’APF et des journaux de l’association des journaux anglophones communautaires du Québec. « On veut faire un portail moderne qui sera pensé pour les jeunes aussi. Il y aura des notifications pour nos différents contenus, comme le veut le jeune public », affirme le président de l’APF. « Ce sera un agrégateur. Ça nous ouvre toute grande les portes en matière de promotion, de visibilité et sur les médias sociaux. Ça donnera une meilleure visibilité pour le contenu franco-canadien », ajoute-t-il.


POUR EN SAVOIR PLUS :

Une Charte pour clarifier le rôle des journaux francophones

Plan d’action : accueil mitigé dans les secteurs menacés