Le dossier d’Ottawa bilingue rebondit au Sénat

La ville d'Ottawa. Source: Pixabay

OTTAWA – Deux professeurs de l’Université d’Ottawa et militants pour le bilinguisme officiel de la capitale nationale souhaitent l’inclure dans la Loi sur les langues officielles (LLO).

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Le dossier du bilinguisme de la capitale nationale n’a peut-être pas encore fini de faire parler. Près d’un an après l’adoption du projet de loi provincial de la députée libérale d’Ottawa-Vanier, Nathalie Des Rosiers, à Queen’s Park, c’est au tour du comité sénatorial des langues officielles d’être sollicité sur la question.

« Le bilinguisme d’Ottawa et de la région de la capitale nationale n’a jamais été abordé jusqu’ici dans les discussions sur la modernisation de la Loi [sur les langues officielles]. Pourtant, le gouvernement fédéral a de nombreuses responsabilités à ce titre. Il est temps de compléter le travail de la commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme », plaide la politologue de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, en entrevue avec #ONfr.

Cosigné avec le professeur de droit, François Larocque, le mémoire présenté ce lundi par Mme Cardinal suggère d’ajouter une partie à la LLO consacrée à la reconnaissance de l’égalité des langues officielles sur le territoire de la région de la capitale nationale et de la Ville d’Ottawa. Une démarche appuyée par l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO).

Clarifier pour améliorer

Car si le gouvernement fédéral a des obligations à ce titre, aux côtés de la municipalité qui possède ses propres politique et règlement de bilinguisme et de la province, puisqu’Ottawa est désignée en vertu de la Loi sur les services en français, celles-ci gagneraient à être clarifiées.

« Le gouvernement fédéral a beaucoup d’instruments, mais ils sont éparpillés. Ajouter un article dans la Loi sur les langues officielles permettrait de consacrer le rôle du gouvernement fédéral en matière de bilinguisme à Ottawa et de confirmer clairement ses obligations dans la promotion du français et de l’anglais dans la capitale nationale. »

La politologue Linda Cardinal. Archives #ONfr

Une clarification qui pourrait permettre d’éviter certains problèmes récurrents.

« Les commissaires aux langues officielles ont successivement remarqué des manques dans les édifices fédéraux à Ottawa. On le voit aussi dans le Marché By qui fait partie du territoire de la Commission de la capitale nationale, mais où les commerces ont du mal à s’afficher dans les deux langues officielles… Et c’est la même chose à l’aéroport d’Ottawa! En réaffirmant et en clarifiant le rôle du fédéral, on peut espérer des améliorations à ces problèmes et plus de leadership de la part du gouvernement. »

Ottawa, une ville symbolique

L’article de Loi prévoirait la mise en place d’une politique linguistique fédérale sur cette question, rappellerait l’importance du fédéral pour promouvoir l’offre active des services bilingues, et soulignerait l’importance d’un travail de coordination avec les deux autres paliers de gouvernement qui ont eux aussi leur mot à dire en ce qui concerne la promotion et l’épanouissement des deux langues officielles dans la capitale nationale.

« La Loi votée à Queen’s Park a renforcé le règlement de bilinguisme de la ville d’Ottawa, mais actuellement, il y a un manque d’engagement du fédéral dans le dossier. »

Dans le plus récent Plan d’action pour les langues officielles, le gouvernement libéral avait annoncé une enveloppe de 2,5 millions de dollars sur cinq ans pour soutenir des initiatives qui favoriseront le caractère bilingue de la capitale nationale. Mais sans direction claire, cet investissement risque de faire peu de différences, craint la politologue.

Pour Mme Cardinal, cet ajout dans la Loi est d’autant plus important qu’Ottawa tient une place symbolique pour les Canadiens et à l’échelle internationale.

« Il faut valoriser le visage bilingue d’Ottawa qui a une dimension symbolique très importante aujourd’hui. C’est la capitale nationale, ce que le premier ministre avait peut-être oublié quand il s’est prononcé sur le dossier… À Gatineau, ce sont juste les services fédéraux qui doivent être bilingues », rappelle-t-elle. « J’espère que notre recommandation sensibilisera les sénateurs et qu’elle se retrouvera dans leur rapport. »

La dernière modification de la LLO est intervenue en 2005, mais les derniers changements majeurs datent de 1988. Les sénateurs devraient dévoiler leurs recommandations pour les 50 ans de la LLO, en 2019.