Le français sur la sellette au Parlement, avertissent les interprètes

Parlment Ottawa, gouvernement fédéral
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OTTAWA – Les activités parlementaires dans les deux langues officielles risquent de peser sur l’accélérateur anglophone, croit une majorité des interprètes du Parlement.

Dans un sondage mené auprès de ses membres, l’Association internationale des interprètes de conférence au Canada (AIIC-Canada) 97 % des répondants disent s’inquiéter d’une récente directive qui pourrait nuire à la présence de la langue de Molière au sein du Parlement.

Au mois de mai, le Bureau de régie interne avait approuvé un plan pour avoir recours à des services d’interprétation externes ou à distance pour l’interprétation simultanée. Ces personnes à l’externe seraient toutefois non qualifiées selon les normes du Bureau de la traduction, proteste AIIC-Canada. Le gouvernement répond que le tout a pour but de tenter de répondre à la pénurie d’interprètes au sein du Parlement et que le Bureau de la Traduction ne lésine pas sur la qualification des personnes appelées.

« On est sur une pente glissante » – Nicole Gagnon

Mais le projet va diluer ou éliminer les normes de qualité associées à l’accréditation du Bureau de la traduction en faisant fi de cette obligation ainsi que de la qualification des interprètes professionnelles, spécialisées et chevronnées, dénonce Nicole Gagnon, porte-parole de l’AIIC-Canada.

« Si du jour au lendemain, les élus ou le grand public ne font plus confiance au service d’interprétation, car ce ne seront plus des professionnels en place, ça va être un dialogue de sourds. Ça va nuire au bilinguisme bien sûr. Ça va même aller dans le sens de l’unilinguisme et on s’entend, l’anglais, parce qu’on aura plus confiance aux interprètes », pense Nicole Gagnon.

Contre la LLO

La Loi sur les langues officielles (LLO) et la Constitution canadienne garantissent un accès en tout temps aux débats parlementaires dans les deux langues officielles, rappelle l’organisme.

« Si on fait appel à des gens qui ne sont pas accrédités et qui n’ont pas fait leurs preuves, on ne sait pas quelle sera la qualité de leur travail. Il y a fort à parier que la qualité de leur travail n’égalera pas la qualité du travail qu’ils ont accrédité. Là, à ce moment-là, ça porte atteinte à la qualité du service que l’on offre, qui au terme de la Constitution doit être de la même qualité en anglais et en français », dit Mme Gagnon.

« On est sur une pente glissante avec de plus en plus de séances tenues en anglais », ajoute cette dernière rappelant au passage un briefing technique du ministère de l’Environnement seulement en anglais sur un plan de réduction des GES de 9 milliards de dollars.

Ce projet pilote doit durer pendant six mois et un rapport doit être fourni en septembre pour s’assurer que les normes de qualité soient respectées.

La crise pourrait être accentuée par le fait que 49 % des interprètes disent songer à partir ou prendre leur retraite d’ici cinq ans.

« Il ne faut pas recourir à des gens qui n’ont pas été accrédités. Il faut investir dans la relève », demande Nicole Gagnon qui souligne que 65 % des répondants accepteraient des affectations parlementaires si le Bureau de la traduction leur en faisait l’offre.

Ce sondage a été réalisé auprès de 92 interprètes indépendantes et accréditées, ce qui correspond à un taux de réponse de 79 %, affirme AIIC-Canada.