Le français, une passion pour Mary Cruden

[LA RENCONTRE D’ONFR]

TORONTO – Mary Cruden a remporté en 2015 le Prix de la Francophonie de l’Ontario pour son dévouement à la cause du français. Pourtant, cette francophile est encore méconnue dans les cercles francophones. ONFR est allé à sa rencontre pour mieux connaitre sa vision de la francophonie.

« D’où vient votre passion pour le français?

Ça vient de mes parents, qui ont vécu à Montréal dans leurs jeunesses. Lorsqu’ils sont revenus à Toronto, ils ont réalisé qu’il y avait beaucoup d’injustices et m’ont poussé à apprendre le français. Mon père, qui était un dirigeant au sein d’un conseil scolaire anglophone, a dû se battre pour avoir des classes d’immersion en français. Il m’a fait réaliser que les francophones sont une partie importante du Canada et nous nous devons de respecter cela en créant des opportunités d’apprendre le français.

Est-ce que c’était difficile pour que vos trois enfants apprennent le français?

Mes enfants ont fait une partie de leur éducation à Ottawa où l’accès à des classes de langue française était plus facile. Après un séjour à l’étranger, nous sommes de retour à Toronto et la première chose que j’ai apprise est que si je voulais que ma fille aille dans une classe d’immersion, elle devait participer à une sorte de loterie. Ça a été un éveil. Comment se pouvait-il que les jeunes doivent passer par une loterie pour avoir accès à ces classes? Nous sommes au Canada et si les enfants veulent apprendre le français, ils devraient avoir l’opportunité. Rendu au tour de mon fils, on me disait que seule la moitié des postulants était acceptée et que l’immersion était seulement d’une demi-journée. Avec l’aide d’autres parents, nous avons réussi à faire ouvrir plus de classes par la suite et les choses ont commencé à bouger.

Qu’est-ce que vous voulez accomplir comme présidente du groupe Canadian parents for french pour l’Ontario?

En Ontario, nous voulons que chaque enfant qui fréquente une école de langue anglaise ait la chance d’apprendre le français. En ce moment, l’accès au programme d’immersion est encore limité dans plusieurs écoles. Nous voulons changer cela. Il faut qu’il y ait aussi une plus grande transparence avec les sommes que les gouvernements fédéral et provincial envoient aux conseils scolaires anglophones.

En 10 ans, le nombre d’élèves en immersion a doublé en Ontario. Qu’est-ce que vous pensez de ces chiffres?

On remarque que les parents sont toujours à la recherche de nouvelles opportunités pour leurs enfants et cherchent toujours de nouveaux outils pour parfaire leurs éducations. Nous savons que le français ouvre beaucoup de portes et les parents en sont de plus en plus conscients. En fin de compte, nous devons nous souvenir que nous avons deux langues officielles et que les jeunes doivent pouvoir participer pleinement à la vie canadienne.

Est-ce que vous croyez que le français est en danger en Ontario?

C’est sans contredit un défi d’être une minorité francophone dans une mer d’anglophones. Nous devons tous travailler ensemble, pas seulement les francophones, mais aussi les anglophones. C’est une partie importante de notre identité. C’est aussi un élément dont les Ontariens peuvent être fiers. N’oublions pas que le support en Ontario pour les langues officielles est phénoménal et nous devons pouvoir supporter ces statistiques en éduquant nos enfants à cette réalité.

Par contre, ce n’est pas tous les anglophones qui pensent de cette manière. Quel message voudriez-vous lancer à ceux qui n’ont pas la même perception du bilinguisme?

Nous vivons au Canada et ici, il y a deux langues officielles. Si vous ne pouvez pas parler français, vous ne participez qu’à 75 % de ce qui se trouve dans ce pays. Je crois qu’apprendre le français permette d’ouvrir plusieurs portes. Par exemple, les enfants qui apprennent le français peuvent écouter TFO ou visiter les communautés francophones. Ils font partie de la culture canadienne.

Vous croyez qu’il est temps que les Franco-Ontariens aient une université?

C’est très important de donner à nos enfants l’opportunité de poursuivre leur éducation postsecondaire en français. Les choix dans la grande région de Toronto sont très limités en ce moment, donc nous sommes très heureux de voir qu’il va y avoir une université de langue française dans la région. En fait, si tous les astres s’alignent comme nous l’espérons, notre association (Canadian Parents for French) espère pouvoir jouer un rôle clé dans ce nouveau carrefour de la francophonie. Il faut que les francophones et les francophiles travaillent ensemble pour assurer le succès de cette institution.

En 2015, vous avez gagné le Prix de la francophonie de l’Ontario. Qu’est-ce que cette distinction représente pour vous?

Ça a été un véritable honneur d’être reconnue pour cela. Notre organisation, puisque je considère avoir reçu cette distinction en son nom, a été très active au cours des dix dernières années pour rejoindre les organismes francophones avec des partenariats. Ce prix représente une consécration de ces unions.

Vous semblez très optimiste à propos du français au Canada et en Ontario, pourquoi?

Nous avons des structures en place pour protéger et promouvoir les opportunités en français. Par exemple, il y a quelques années, les conseils scolaires en Ontario ont élargi les règles d’admission sur les ayants droit pour accepter plus d’étudiants. Nous sommes en faveur de ces changements. Quand nous avons plus de jeunes dans les salles de classe qui apprennent le français, nous avons des communautés plus fortes. Par contre, il y a encore du travail à faire, notamment dans le domaine de l’immigration francophone.

Pour vous, quels sont les avantages de l’immigration en français?

Il y a un manque d’enseignants de français langue seconde dans les écoles anglophones de la province. Je crois qu’il n’y a pas assez de personnes parlant français qui arrivent en Ontario et qui pourraient combler ces postes. Nous devons travailler en partenariat avec les différents gouvernements pour arriver à notre cible.

En terminant, si vous étiez à la place de Justin Trudeau, quelle serait votre première mesure pour les francophones?

Je voudrais continuer de supporter les langues officielles. J’étais à un événement avec la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, cette semaine et elle disait que nous allions pouvoir avoir un nouveau plan d’action dans ce dossier prochainement. J’ai bien hâte de voir cela, car le financement est stagnant depuis plusieurs années. »


LES DATES-CLÉS DE MARY CRUDEN

2003 : Début de son implication dans le milieu associatif en éducation

2008 : Devient membre du conseil d’administration de la Canadian Parents for French

2013 : Présidente de la section ontarienne de la Canadian Parents for French

2015 : Reçoit le Prix de la francophonie de l’Ontario

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.