Le gel des embauches de Doug Ford

Doug Ford, premier ministre. Crédit image: Archives ONFR+.

[ANALYSE]

TORONTO – Les mandats des nouveaux chefs de gouvernement commencent souvent par des mesures symboliques fortes. Preuve avec l’ultime décision du premier ministre désigné, Doug Ford, la semaine dernière : le gel des embauches dans la fonction publique.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

En gros, il n’est désormais plus possible pour tout ministère ou organisme gouvernemental de recruter à l’externe. Le tout s’applique pendant une période indéterminée. Quelques exceptions tout de même : les travailleurs de première ligne, comme les infirmières, les pompiers et les agents correctionnels.

Fidèle à son crédo de trouver des « efficacités », M. Ford l’affirme haut et fort : son équipe prendra le temps d’eplucher les comptes gouvernementaux. Un exercice en somme long et fastidieux.

Faut-il s’inquiéter? Les plus optimistes rappellent que cette technique est courante lorsqu’un nouveau gouvernement prend le pouvoir. L’absence d’une annonce quant au nombre de fonctionnaires coupés ou non remplacés laisse croire qu’il ne s’agira que d’une mesure temporaire. Quelques semaines, au pire quelques mois…

Pour les autres, ce gel des embauches version Doug Ford n’augure rien de bon. À la volonté de vérification des finances publiques s’ajoute un argument idéologique profond. Celui de faire des « efficacités » à tout prix. La promesse de Doug Ford de n’abolir aucun emploi serait donc un leurre.

Sur le terrain, la situation n’est pas la meilleure pour les employés de la fonction publique ontarienne. D’abord, le gel des embauches représente un casse-tête juridique et administratif. Comment comprendre les subtilités du « mémo » envoyé par le nouveau gouvernement? Quelle marge de flexibilité dans ce règlement ou encore comment justifier une embauche d’urgence?

Ensuite, le gel d’embauche peut, s’il dure, saper la productivité des entreprises, et donc la croissance de la province. C’est du moins l’argument du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO). Ne plus recruter de travailleurs sur une longue période, c’est aussi le risque que certains « partent relever des nouveaux défis », sans pouvoir les remplacer.

M. Ford a probablement raison de voir des gaspillages à certains endroits de la fonction publique. Mais cette théorie ne peut s’appliquer à tous les étages des ministères.

Le cas de l’Université de l’Ontario français

L’Université de l’Ontario français reflète cette inquiétude. La présidente du Conseil des gouverneurs, Dyane Adam, a beau se montrer rassurante pour l’embauche de futurs administrateurs pour l’établissement, le gouvernement élu a refusé de donner plus de détails à #ONfr sur ce cas précis.

La semaine dernière, le premier ministre désigné a même fait dans la symbolique pour illustrer la baisse des dépenses. À partir de maintenant, plus de repas ni d’alcool payé pour les fonctionnaires et élus ontariens. Une cure d’amaigrissement qui s’est traduite par de la pizza offerte par M. Ford aux élus présents lors de son annonce.

L’environnement sacrifié

Difficile à savoir si les quatre ans de Doug Ford marqueront véritablement une époque de vaches maigres. Les six milliards de dollars d’économie qu’il veut trouver tout en réduisant les impôts des Ontariens s’annoncent comme un vrai défi. Outre la fonction publique, c’est l’environnement qui en a déjà fait les frais : retrait de la province du marché du carbone, et fin du Fonds vert de l’Ontario, qui aidait les contribuables à payer des thermostats « verts ».

L’assermentation du nouveau cabinet ce vendredi devrait nous en dire plus sur les intentions de Doug Ford. Avec en prévision, le pire comme le meilleur.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 26 juin.