Le milieu artistique francophone espère plus du fédéral

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OTTAWA – Les arts et la culture sont quasiment absents de la campagne électorale fédérale. Mais cela n’empêche pas le milieu artistique francophone d’avoir des attentes et de surveiller de près les propositions des partis.

« C’est sûr qu’on s’intéresse à ce qui se dit en terme de financement des arts et de la culture. J’ai regardé les différentes plateformes. Je n’ai pas vu grand-chose dans celle du Parti conservateur du Canada. Le Nouveau Parti démocratique ne chiffre pas ses propositions. En revanche, je trouve intéressant le crédit de 200 $ offert pour les enfants de 12 ans [le laissez-passer culturel] que proposent les libéraux. Mais de manière générale, ça manque de concret », regrette Chantal Nadeau.

La directrice générale de La Nouvelle Scène, à Ottawa, aimerait voir les partis s’engager davantage, notamment en proposant un financement plus élevé, stable et à long terme pour la programmation et le fonctionnement des lieux culturels comme le sien.

« L’aide du fédéral est essentielle pour nous permettre de fonctionner et un financement plus élevé nous permettrait de proposer des productions un peu plus coûteuses », dit-elle.

Compenser les coupures en Ontario

Cette aide est d’autant plus importante, selon le coordonnateur de l’Alliance culturelle de l’Ontario (ACO), Denis Bertrand, que l’Ontario a coupé une partie du financement du Conseil des arts de l’Ontario.

« Beaucoup d’organismes culturels vivent avec peu de moyens, alors quand un des deux paliers en fait moins, ça devient difficile. C’est aussi vrai pour les centres culturels qui diffusent, qu’individuellement pour les artistes. On espère donc au moins le maintien du financement du Conseil des arts du Canada. »

En 2016, le gouvernement libéral avait annoncé un réinvestissement de 550 millions de dollars sur cinq ans pour le Conseil des arts du Canada.

« Sous le gouvernement Harper, la culture n’avait pas la cote. On salue donc ce geste du gouvernement Trudeau. Il a fait ce qu’il fallait faire, car la culture a un rôle très important comme moteur économique du Canada et vecteur d’identité. Dans les communautés francophones en situation minoritaire, ce rôle est même décuplé. La part la plus importante que nous recevons vient du fédéral et c’est très important pour offrir des spectacles à un coût raisonnable », explique le directeur artistique du Théâtre du Trillium, Pierre Antoine Lafon Simard.

Aller plus loin

Le coordonnateur de l’ACO insiste également sur la contribution du secteur des arts et de la culture à l’économie canadienne. Pourtant, juge le président de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM) et membre du groupe franco-ontarien Règlement 17, Daniel Sauvé, le secteur continue d’être délaissé.

« L’industrie musicale est un engin économique qui génère énormément de retombées financières, mais on continue d’oublier que les artistes sont des entrepreneurs. Les partis n’ont aucune vision d’ensemble. »

Le président de l’APCM, Daniel Sauvé. Gracieuseté : APCM

Pour M. Sauvé, Ottawa doit aller plus loin que le seul réinvestissement dans le Conseil des arts du Canada.

« Cela reste un pansement qui n’adresse pas les changements de l’industrie. Les artistes ont de plus en plus de mal à faire une carrière et de vivre de leur art. C’est inquiétant! Les revenus tirés de la musique enregistrée et des redevances se sont évaporés. Il faut trouver un juste milieu pour rémunérer adéquatement les créateurs en améliorant la réglementation. »

M. Sauvé trouve intéressante l’idée de taxer les géants du web, qui semble faire consensus dans les principaux partis fédéraux. Il espère que l’argent amassé sera réinvesti dans le contenu canadien. Pour M. Lafon Simard, il sera également important de financer la rénovation des infrastructures culturelles.

La FCCF demande un cadre national

La Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) milite pour que le Canada se dote d’un cadre national d’action pour la culture.

« On ne demande pas que ce soit une promesse, mais plutôt qu’on entame un dialogue incluant toutes les instances culturelles du pays, les Premières Nations, les francophones et les anglophones. Ce serait un moyen pour le Canada de soutenir, de développer et de promouvoir la culture ici et à l’étranger avec une stratégie plus cohérente pour encadrer ses programmes, ses investissements et ses politiques », explique le président de la FCCF, Martin Théberge.

Le président de la FCCF, Martin Théberge. Source : Facebook

Ce dernier observe plusieurs lacunes dans la stratégie actuelle.

« On appuie, par exemple, les artistes pour créer et être connus localement et à l’international, mais pas forcément au niveau national. Avoir un cadre national permettrait que le Canada se démarque et de protéger sa souveraineté culturelle qui est menacée, notamment avec le numérique, par nos voisins américains. »

Mais dans leur quotidien, tous les artistes francophones ne surveillent pas uniquement l’enjeu des arts et de la culture.

« Cet enjeu me passe un peu au-dessus de la tête, même si bien sûr, les subventions fédérales sont un élément appréciable et comme artiste, nous en sommes tributaires », reconnaît l’artiste franco-ontarien Mehdi Hamdad, qui s’intéresse davantage au contexte socio-politique de la campagne et à ce qu’il considère être une droitisation de la vie politique canadienne.