Le nouveau rappel de la vérificatrice générale

Bonnie Lysyk, vérificatrice générale de l'Ontario.
Bonnie Lysyk, vérificatrice générale de l'Ontario. Archives ONFR+

[ANALYSE]

L’exercice est une habitude du côté de Queen’s Park. La vérificatrice générale de l’Ontario a encore épinglé les comptes du gouvernement, la semaine dernière.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Ce rapport annuel de Bonnie Lysyk intervenait à un moment crucial du calendrier : celui des six mois quasiment jour pour jour avant les élections de juin. Une sorte de dernière ligne droite dans laquelle les troupes libérales n’ont plus le droit à l’erreur.

On ne peut pas dire que les chiffres annoncés par la vérificatrice générale soient mirobolants. Les 1 119 pages du document sont mêmes assez sévères pour le gouvernement de Kathleen Wynne.

Le thème de l’électricité, le talon d’Achille des libéraux depuis deux ans, se retrouve de nouveau dans les pages du rapport. On apprend par exemple que neuf exploitants de centrales au gaz ou au charbon ont demandé le remboursement de frais de l’ordre de 260 millions de dollars de 2006 à 2011.

La vérificatrice jette par ailleurs un pavé dans la mare lorsqu’elle parle des conseils scolaires. La somme de 32 milliards de dollars que se partagent les 72 institutions éducatives n’est pour elle pas exempt de gaspillages. L’augmentation des jours de congés de maladie des enseignants peine de ce fait à être financé.

L’immigration, sujet cher à la communauté francophone, n’échappe pas à la loupe de la vérificatrice. Le gouvernement aurait renouvelé des contrats d’organismes qui accompagnent les immigrants, sans même vérifier s’ils méritaient un nouveau financement.

L’exercice de relation publique consistant à ce que le gouvernement accepte les recommandations de la vérificatrice, pendant que l’opposition grince, n’a pas échappé à la règle. Mais la sortie de Mme Lysyk confirme ce que beaucoup d’Ontariens pensent à tort ou à raison depuis des mois : le gouvernement libéral est dépensier et tarde à faire des suivis sur la gestion financière.

Querelle sur les chiffres

Toujours est-il que le malaise entre Bonne Lysyk et le gouvernement est aujourd’hui plus profond. L’agente parlementaire et les libéraux ont passé les derniers mois à s’écorcher sur l’ampleur du déficit, la première parlant d’un budget déficitaire de 2,4 milliards de dollars, quand le parti au pouvoir indique avoir ramené celui-ci à moins de 1 milliard. Dans le même temps, la dette provinciale a dépassé les 300 milliards de dollars.

Difficile de trancher dans cette passe d’armes. D’un côté, Kathleen Wynne et son ministre des Finances, Charles Sousa, ont les mains sur les feuilles de compte pour lesquelles la vérificatrice doit souvent lutter pour obtenir l’obtention. Reste que Mme Lysyk, de par sa fonction d’agente parlementaire, représente une neutralité.

Le souvenir présent de 2003

Ce genre de bisbille a son historique dans les couloirs de l’Assemblée législative. En 2003, le vérificateur général de l’époque avait découvert un « déficit caché » de 5,6 milliards de dollars, laissé par les progressistes-conservateurs de Earnie Eves. S’il remporte les élections en juin prochain, Patrick Brown pourrait aussi grincer des dents dans le cas où Mme Lysyk dit vrai. D’autant que la plateforme dévoilée par le Parti PC il y a quinze jours table sur un déficit de 2,8 milliards en 2018-2019… le tout en se fiant aux chiffres des libéraux.

Le parti de Kathleen Wynne n’a plus que quelques semaines pour éteindre les nombreux soupçons pesant sur leur administration. Un défi de plus, dans une élection, qui s’annonce chaque semaine un peu plus compliquée.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 11 décembre.