Le piège de la partisannerie

Toronto (Crédit image: Archives, #Onfr)

[ANALYSE]

TORONTO – Le gouvernement de Justin Trudeau envoie de bons signaux aux Canadiens depuis son arrivée au pouvoir. Il s’est empressé, par exemple, de rétablir le formulaire long du recensement, essentiel pour mesurer les progrès ou les reculs de la francophonie minoritaire. Mais il doit faire attention de ne pas tomber, comme beaucoup d’autres avant lui, dans le piège de la partisannerie.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Le refus par le ministre Marc Garneau, aux Transports, de permettre les jets à l’aéroport Billy-Bishop du centre-ville de Toronto, a bien les allures d’une décision partisane.

Il faut l’appui unanime du gouvernement fédéral, du conseil municipal de Toronto et de l’autorité portuaire de la métropole pour modifier une entente tripartite qui règlemente, entre autres, le type d’avions qui est permis au petit aéroport insulaire.

Le transporteur aérien Porter milite depuis quelques années déjà pour qu’Ottawa, Toronto et l’autorité portuaire autorisent l’utilisation d’avions plus gros et plus performants à Billy-Bishop. C’est la pierre angulaire d’un important plan d’expansion de la compagnie, qui attire chaque année plus de 2 millions de voyageurs à l’aéroport secondaire de la métropole, le neuvième plus achalandé au pays.

Porter, qui s’est imposé comme un bon transporteur régional avec ses bimoteurs Q400 de Bombardier, rêve d’ajouter des avions à réaction C-Series du même constructeur canadien à son parc aérien. Ces avions long-courrier pourraient rejoindre sans escale des nouvelles destinations comme Calgary, Vancouver et Los Angeles.

Il y a de bons arguments pour et contre l’arrivée des jets à l’aéroport Billy-Bishop. D’un point de vue économique, il est évident qu’une plus grande offre de vols à quelques minutes de Bay Street serait bénéfique pour Toronto. Mais d’un point de vue citoyen, il y a lieu de s’inquiéter du bruit et de la pollution qu’occasionneraient ces plus gros avions, de même que de la circulation aux abords du petit aéroport qui demeure pour l’instant très mal desservi par les transports en commun.

Le hic, c’est que le ministre Marc Garneau n’a cité aucune de ces objections lorsqu’il a annoncé, sur Twitter de surcroît, qu’il n’allait pas permettre les jets à Billy-Bishop. « Je confirme que la position du gouvernement est celle promise par le parti : nous n’ouvrirons pas l’accord tripartite concernant l’aéroport », a-t-il simplement gazouillé… quelques instants après s’être dit heureux « d’apprendre (ses) dossiers don’t (sic) celui de l’aéroport de l’île de Toronto ».

Mais voilà. L’allégeance conservatrice de Robert Deluce, le grand parton de Porter, est de notoriété publique. Son réseau d’amis est composé d’anciens ministres, de conseillers politiques et de collecteurs de fonds de la formation. Sa fille, Justine Deluce, a porté les couleurs du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario dans la circonscription torontoise de St. Paul’s en 2014.

Une question se pose.

Marc Garneau a-t-il pris une décision éclairée dans le meilleur intérêt économique et social de Toronto, ou a-t-il cédé aux intérêts singuliers de son collègue l’argentier Bill Morneau, élu dans Toronto-Centre par un grand nombre des propriétaires riverains opposés aux projets d’expansion de Porter? Ou pire encore, le ministre est-il sciemment venu contrecarrer les plans d’un homme d’affaires influent dans le camp politique opposé?

Un simple gazouillis ne suffit pas. Ça laisse l’impression que ce nouveau gouvernement libéral élu dans un courant de transparence est vite tombé dans le piège de la partisannerie.