Le Québec veut en finir avec les deux solitudes

Le ministre québécois responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie, Jean-Marc Fournier. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – De passage à l’Université d’Ottawa, le lundi 15 janvier, le ministre québécois responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie, Jean-Marc Fournier, a présenté sa Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes, une vision du futur pour un pays bilingue et plurinational.

BENJAMIN VACHET
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Déjà présentée dans d’autres parties du pays, la vision du Québec et du Canada du gouvernement libéral de Philippe Couillard vise à établir un dialogue avec le Canada, en vue de « lever le tabou constitutionnel », estime le ministre Fournier.

« Mais pas seulement! », insiste-t-il. « Nous voulons susciter un dialogue pour nous amener à mieux nous comprendre. (…) Lorsqu’on aura convenu, sans crise constitutionnelle, que ce n’est pas si compliqué de reconnaître que le Québec est une nation dans le Canada, on pourra le mettre dans la constitution, sans se déchirer. »

Pour le ministre du Parti libéral du Québec, l’équation n’est pas difficile à résoudre.

« Avant les années 30, l’interprétation donnée à la fédération était à peu près commune à tout le monde : les gens étaient unis dans le respect de leurs différences. Après les années 30, s’est développée une façon de voir le Canada comme un one nation. Le Québec, lui, n’a jamais abandonné sa vision d’être un peuple fondateur. Il y a donc eu une séparation dans l’interprétation donnée à la fédération. Aujourd’hui, il faut se parler. »

Québec-Ontario comme exemple

Le ministre québécois insiste sur les liens qui unissent la Belle province avec sa voisine de l’ouest comme dépasser le concept des deux solitudes.

« Longtemps on s’est défini comme deux solitudes, mais quand on regarde, par exemple, les relations Québec-Ontario, on voit les rapprochements qui se produisent. On est la quatrième zone économique en Amérique du Nord, nos économies sont intégrées… Il y a des aspects particuliers, ce qu’on peut appeler nos solitudes, mais nos relations ne se limitent pas à ça! »

Promouvoir la francophonie

Quant à la question de la langue, le ministre Fournier invite la francophonie à se faire entendre et le Canada à saisir sa chance.

« Il me semble important que les francophones et les francophiles s’adressent aux Canadiens qui ne parlent pas le français pour leur dire à quel point la connaissance de cette langue est une richesse pour eux également. Le Canada détient un avantage comparatif que peu de pays partagent. Il a une fenêtre sur le monde francophone et une fenêtre sur le monde anglophone. Il est de notre intérêt d’en bénéficier. »


« Le présent siècle sera multinational et multilingue. Le Canada sera-t-il à la traîne des autres ou devant les autres? » – Jean-Marc Fournier, ministre québécois


Pour le ministre québécois, le contexte actuel est favorable.

« Les francophones du pays le disent : de manière générale, au cours des 50 dernières années, l’évolution se fait vers une acceptation de la francophonie, une ouverture de la majorité anglophone beaucoup plus grande que ce qui existait avant. Évidemment, il y a encore des défis et des revendications, mais il y a un terreau beaucoup plus fertile. »

M. Fournier en veut pour preuve la cible de 5 % d’immigration francophone à l’extérieur du Québec, que se sont donnés les premiers ministres des provinces et territoires en 2016, poussée notamment par la Saskatchewan pour répondre à ses besoins en la matière d’enseignement en français.

« Il y a quelque chose qui se passe. Je n’ai pas de lunettes roses et ne dis pas que tout est parfait, mais le Québec et le Canada ont changé et sont prêts à un rapprochement. »

Pas d’échéancier

S’il ne se donne pas d’échéancier précis pour parvenir à cette « compréhension mutuelle » qui permettrait de régler la question constitutionnelle, M. Fournier pourrait toutefois voir son objectif se heurter à la réalité électorale. Comme en Ontario, le Québec connaîtra des élections en 2018.

« Si on ne devait faire les choses qu’en pensant à la prochaine échéance électorale, alors il faudrait abandonner la démocratie! Cette vision, on l’offre à toute la société et je suis convaincu qu’elle sera étudiée dans les milieux universitaires et que les gens recommenceront à réfléchir à cette question. Je pense que j’aurais raison dans plusieurs années, parce que le dialogue est le seul chemin que nous avons à suivre. »