La ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly. Crédit image: Stéphane Bédard

OTTAWA – Alors que Justin Trudeau devrait dévoiler l’identité de son cabinet dans quelques semaines, l’avenir de la ministre Mélanie Joly reste incertain. Conservera-t-elle son portefeuille des Langues officielles ou sera-t-elle promue à de nouvelles fonctions? Plusieurs acteurs du milieu francophone souhaitent qu’elle reste à ce poste.

La semaine dernière, La Presse rapportait que la ministre pourrait se voir offrir une promotion en raison de son travail au Québec au cours des dernières semaines, à titre de coprésidente de la campagne électorale nationale. Le Parti libéral n’a perdu qu’un seul siège au Québec au profit du Bloc Québécois. Les libéraux avaient obtenu 35 sièges en 2019.

Pour la politologue Stéphanie Chouinard, avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles en vue, il serait étonnant que la ministre quitte son poste à ce moment-ci.

« Je n’ai pas l’impression qu’elle va vouloir qu’on lui enlève les langues officielles après six ans et aussi près du but. Elle va vouloir que la modernisation de la loi fasse partie de son legs ou de son bilan. Il se pourrait qu’elle quitte les langues officielles lors d’un prochain remaniement ministériel mais, pour le moment, je suis assez certaine qu’elle va vouloir garder ce dossier-là. »

« C’est un atout d’avoir quelqu’un qui gère les langues officielles et qui est proche du premier ministre » – Stéphanie Chouinard

On souhaite aussi son retour dans le monde universitaire à un moment où on demande plus de soutien financier du gouvernement fédéral, notamment pour le Campus Saint-Jean, l’Université de Moncton et à Sudbury.

L’arrivée de nouveau soutien financier, dans le dernier budget fédéral, au milieu postsecondaire démontre « sa compréhension de l’ampleur des enjeux qui sont multiples et complexes », croit Lynn Brouillette, présidente de l’Association des collèges et université de la francophonie canadienne (ACUFC).

« On a eu l’impression d’avoir été entendus et compris quand on nous a donné 121 millions et maintenant qu’il décide de le doubler, c’est encore plus favorable. »

Dans le Nord, l’Université de Sudbury prône justement la stabilité à Ottawa avec plusieurs dossiers qui doivent être rapidement réglés, selon son recteur Serge Miville.

La ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, avec le président de l’AFO, Carol Jolin (à sa gauche). Crédit image : Archives ONFR+

« C’est clair que lorsqu’on a quelqu’un qui connaît le dossier, ça fait accélérer les choses. Quand on parle de la Loi sur les langues officielles et du postsecondaire, c’est important que ça l’avance le plus vite possible. »

Il y a aussi le dossier de l’immigration francophone qui est une clé pour certains organismes, alors que la pénurie de main-d’œuvre, notamment en français, se fait sentir à l’extérieur de la Belle Province. Alors que de plus en plus d’ententes pour les garderies et la petite enfance sont signées avec les provinces, les organismes veulent aussi avoir leur mot à dire, notamment avec des clauses linguistiques.

« Ça serait plus facile. La relation est déjà là et son retour simplifierait les choses. Elle connaît bien nos dossiers comme tels », soutient Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

Une promotion tout en conservant le dossier?

Pour le professeur de l’Université Simon Fraser Rémi Léger, il est probable que la députée d’Ahuntsic-Cartierville obtienne une promotion sans nécessairement perdre le portefeuille des langues officielles.

« Depuis quelques années, elle est responsable du développement économique et des langues officielles. Je suis dans la spéculation, mais elle pourrait obtenir le titre de ministre des Transports ou des Affaires étrangères tout en gardant les Langues officielles. Une promotion pour Mélanie Joly ne veut pas nécessairement dire la perte des langues officielles. »

Son bilan au sein du cabinet Trudeau se fait en deux temps selon Stéphanie Chouinard. Tout d’abord, ces trois premières années à la tête du ministère du Patrimoine canadien, des Langues officielles et de la Francophonie.

« Elle était arrivée à un moment où l’on préparait le 150e anniversaire de la confédération, un dossier qui avait été sous-financé par le gouvernement Harper, ce qui signifiait faire des petits miracles en deux ans. C’est aussi un dossier qui avait été vivement critiqué par les communautés autochtones. Il y a eu toute l’affaire Netflix qui a été une tâche à son dossier à la tête du ministère du Patrimoine canadien. Donc, elle en avait beaucoup dans son assiette. »

Ensuite, son mandat comme ministre du Développement économique et des Langues officielles de 2018 à aujourd’hui.

« Elle a été en mesure de livrer la marchandise lors du Plan d’action en 2018 où on a vu un retour à la normale pour les langues officielles après des années sous le régime conservateur. On l’a vue depuis ce temps-là refaire ses armes dans le cabinet et on a l’impression que c’est quelqu’un qui a la confiance et l’oreille du premier ministre. C’est un atout d’avoir quelqu’un qui gère les langues officielles et qui est proche du premier ministre », analyse Mme Chouinard.

Pour M. Léger, dans l’éventualité que l’élue québécoise soit remplacée, l’expérience politique de son remplaçant sera importante.

« Si elle est remplacée par quelqu’un qui n’a jamais siégé ou qui n’a jamais été au cabinet, ça enverrait un mauvais signal car on rétrograderait les langues officielles qui ne seraient plus une priorité au Parti libéral, estime le politologue de l’Université Simon Fraser.

« Et si elle est remplacée, la question sera par qui? Si c’est par un ou une ministre solide, quelqu’un qui a une expérience comme aux Transports, aux Finances ou aux Affaires étrangères, ça signifierait que ça serait une priorité au gouvernement. »