Le revue Liaison tire sa révérence

De jeunes lecteurs de Liaison, en 1984: en ordre de gauche à droite, Marie-Eve Martin, Bernadette Sarazin, Andréanne Sarazin et en haut, Cora-Andrée Martin.

OTTAWA – Dans un communiqué de presse ce matin, les Éditions L’Interligne ont annoncé la dernière édition de leur revue culturelle, Liaison. Le 179e numéro, qui paraîtra le 21 mars, sera le dernier, mettant ainsi terme à 40 ans de publications. L’annonce est tombée comme un couperet, suscitant de fortes réactions de la communauté culturelle franco-ontarienne.

DIDIER PILON
dpilon@tfo.org | @DidierPilonONFR

« Depuis huit ans, la revue luttait pour sa survie », explique le communiqué. « Une baisse des revenus publicitaires conjuguée à des coupes budgétaires, à un déclin persistant du nombre d’abonnés et à une faible présence en librairie, ont finalement eu raison des efforts des Éditions L’Interligne en vue de maintenir Liaison à flot. »

Les compressions budgétaires dans le domaine des arts et de la culture ont pesé lourd sur la maison d’édition ottavienne. « Globalement, nous avons subi une baisse de financement de l’ordre de 24 % depuis 2010 », explique Lisanne Rheault-Leblanc, agente de communication des Éditions L’Interligne. « Puisque les ventes ne constituent que 1 % de notre budget, nous dépendions largement de subventions publiques. »

Les revues à l’âge numérique

Selon Mireille Groleau, présidente du conseil d’administration des Éditions L’Interligne, cette décision « difficile » s’explique d’abord par la pénurie d’abondements.

« Le grand problème, c’est que le lectorat n’est plus là », explique-t-elle. « Pour avoir le financement, il faut un tirage de 1 000 exemplaires, mais nous n’avions plus que 240 abonnés, dont seulement 160 étaient payants. Le besoin n’est simplement plus là. Les gens s’alimentent maintenant autrement sur les arts et la culture. »

La revue avait pourtant tenté de s’adapter à l’ère des médias sociaux. En plus de vendre une version numérique, elle avait lancé une campagne d’abonnement en 2006 afin de recruter un lectorat plus jeune. Quoique nombreux soient ceux qui l’ont partagé sur les médias sociaux, la campagne ne s’est pas traduite par le montant d’abonnements souhaités.

Un défi à quiconque souhaite le relever

« C’est vrai qu’il y aura un vide, du moins auprès de notre lectorat, mais c’est un pas résolument moderne », explique Mme Groleau. « On peut déplorer que la revue touche à sa fin, mais on peut aussi le voir comme défi, qui invite quelqu’un à prendre la relève. Si la revue ne trouvait plus sa place, alors il faudra trouver autre chose que répondra mieux aux besoins actuels. »

Mme Rheault-Leblanc avoue que l’équipe d’Interligne n’est pas la mieux placée pour relever ce défi et invite de nouveaux acteurs à prendre le flambeau. « Nous n’avons ni les ressources humaines ni les ressources financières pour lancer un site web qui représenterait les arts et la culture des diverses francophonies canadiennes. Le mandat est important et nos ressources sont limitées. »

Les trois employés des Éditions L’Interligne réorienteront maintenant leur énergie vers la programmation littéraire, qui continuera de publier 12 à 15 livres par année.

Une communauté sous le choc

À l’extérieur des employés de bureau et du conseil d’administration, peu de gens étaient à l’affût de cette décision.

« C’est clairement un gros choc pour tout le monde en ce moment, particulièrement à Ottawa où l’on vient d’apprendre que la Librairie du Centre fermera ses portes », regrette Ariane Brun del Re, doctorante en littérature franco-canadienne et collaboratrice de longue date à la revue. « Nous sommes tous pris par surprise », ajoute-t-elle.


« Liaison nous a permis de nous présenter à nous même pour que nous puissions nous reconnaître. »
– Mireille Groleau


Pénélope Cormier, critique des arts franco-canadiens et professeure au campus d’Edmundston de l’Université de Moncton, se dit « consternée à la nouvelle de la disparition de Liaison ». « C’est une institution qui tissait des liens importants entre l’Acadie, l’Ontario et l’Ouest francophone. C’est une lourde perte pour le discours critique sur les arts franco-canadiens et pour la visibilité médiatique des artistes franco-canadiens. »