Salaire minimum à 15 dollars : les petites entreprises craignent le pire

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Depuis le 1er janvier, le salaire minimum au sein de la province est passé à 15 $. Bataille de longue date de plusieurs organismes communautaires, cette augmentation doit permettre à la population d’avoir un revenu proportionnel à l’indice de consommation. Tout de même, avec les pertes de revenus engendrées à cause de la pandémie, beaucoup d’entrepreneurs risqueraient de fermer leurs portes en raison de ce coût financier supplémentaire. 

Annoncé dans le cadre de la mise à jour économique de la province, le salaire minimum est passé à 15 $ pour tous les travailleurs de la province, incluant les employés des bars et des restaurants ayant un permis d’alcool. Les employés de moins de 18 ans quant à eux gagnent maintenant au moins 14,10 $ l’heure, soit 60 cents de plus qu’auparavant.

« Pour de nombreux Ontariens, les salaires n’ont pas suivi le coût de la vie. Nous leur rendons la vie plus abordable », avait déclaré en novembre dernier Doug Ford, pourtant opposé à une telle hausse au moment de son élection en 2018.

Ceci représente une augmentation de 4,5 % du salaire minimum général qui était auparavant à 14,35 $ et une augmentation de 19,5 % pour les serveurs de boisson alcoolisés. Un travailleur à temps plein qui gagne le salaire minimum général verra ses revenus annuels augmenter de 1 350 $ cette année.

Chloé Brideau, élève au Collège Notre-Dame à Sudbury. Gracieuseté

Chloé Brideau, élève au Collège Notre-Dame à Sudbury, ne cache pas que cette augmentation aura une incidence positive sur sa qualité de vie.

« Je dois postuler pour les universités et m’apprêter à payer des frais de scolarité. Avec 1 $ supplémentaire par heure, cela me va me permettre d’économiser au moins un 10 $ par semaine. Cette somme sera allouée au règlement de mes frais de scolarité. C’est quelque chose que je ne tiens pas pour acquis. Cela m’aidera énormément », explique-t-elle.

Selon elle, beaucoup de jeunes peinent grandement à joindre les deux bouts depuis des années. Entre l’augmentation constante des prix et la crise sanitaire qui a rendu les jeunes en situation d’extrême précarité, cette augmentation salariale permettra de réduire le stress financier auquel ils sont confrontés en ce moment.

Mathieu Lalonde, élève au centre de formation pour adultes de Windsor. Gracieuseté

Cette opinion est partagée par Mathieu Lalonde. D’après cet élève du centre de formation pour adultes de Windsor, cette augmentation va augmenter son pouvoir d’achat.

« Je ne possède pas de voiture en ce moment. Quand tu vis dans une ville métropolitaine, tu peux prendre le métro, mais, pour moi, cela est un peu plus complexe. Avoir cette augmentation salariale me permettra de faire plus d’économie pour m’offrir une voiture à un moment donné », explique-t-il.

Une hausse salariale qui pourrait mettre les PME à risque

Dans un communiqué de presse publié le 4 novembre, le conseil canadien du commerce de détail (CCCD) déplorait déjà le projet de loi visant l’augmentation du salaire minimum.

Selon l’organisme, cette augmentation aura un « effet inflationniste sur les coûts de main-d’œuvre » et les prix de la consommation. Pourtant, cette hausse de 4,5 % reste inférieure face au taux actuel de l’inflation.

« Nous savons fort bien que cette augmentation constituera un défi pour les détaillants qui peinent déjà à se remettre de la pandémie de COVID-19. Le CCCD aurait ainsi préféré un plus long préavis. Nous avons fait part de ces deux points au gouvernement de l’Ontario plutôt aujourd’hui, puisqu’il n’a pas cru bon de consulter les parties prenantes avant de faire son annonce. Nous lui avons rappelé que les principaux enjeux, de notre point de vue, ont toujours été la prévisibilité et les délais, lesquels permettent aux détaillants de se préparer », a déclaré l’organisme.

Jean-Pierre Centeno, propriétaire du restaurant Bicyclette Food and Wine à Toronto. Gracieuseté

Pour Jean-Pierre Centeno, propriétaire du restaurant Bicyclette Food and Wine à Toronto, la hausse du salaire minimum aura un impact mitigé quant à l’organisation de son restaurant.

« Cela aura une incidence sur les prix, car il faudra que je revisite tout mon principe de tarification pour être en mesure de m’en sortir. Les marges de profits sont tellement infimes, une légère augmentation aura un impact certain sur les prix à la consommation », explique-t-il.

Pour l’instant, Jean-Pierre Centeno ne planifie pas de licenciement, car il ne souhaite pas altérer l’expérience de sa clientèle. Il reconnait que seule une augmentation des tarifs lui permettrait d’assurer l’augmentation salariale et générer assez de profit pour payer ses créanciers.

« La hausse des salaires est normale. Si mes employés ont juste assez pour acheter à manger, se vêtir et payer leur loyer, ils n’auront pas assez d’agents pour se payer d’autres produits comme des grille-pain et autres. Cela va diminuer le pouvoir d’achat de la population générale et à long terme, cela aura un impact sur le revenu des petites entreprises comme la mienne. Si on avait maintenu les salaires à 14 $, cela aurait créé une fausse sécurité », ajoute-t-il.

Des aides gouvernementales mal adaptées aux besoins des entreprises

En plus de l’augmentation salariale, la COVID a causé d’énormes pertes pour de nombreuses entreprises locales. Malgré la mise en place de plusieurs programmes d’aides pour permettre aux PME de rester à flot, ces dernières n’arrivent pas à garantir une sécurité financière suffisante.

Pour Jean-Pierre Centeno, ces aides semblent être mal adaptées aux besoins des entreprises et parfois discriminent les PME qui ont été créées juste avant la pandémie.

« Il y a des employeurs qui ont reçu des aides qu’ils ne devaient pas recevoir et moi je n’ai rien reçu. Vu que mon entreprise a été créée en 2019, je n’avais pas de revenu avant cette date. Dès lors, on ne veut même pas me parler. Je souffre énormément et la pandémie n’améliore pas ma situation. Je suis au point où je ne peux même pas embaucher de nouveaux employés », déplore-t-il.