Le style Jean Johnson un an après son élection

Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson. Crédit image: Étienne Ranger

[ANALYSE]

OTTAWA – Techniquement, il est le porte-voix des francophones en milieu minoritaire. Jean Johnson n’est d’ailleurs pas de ceux qui aiment se taire. Il y a quelques semaines, il a célébré son premier anniversaire à la tête de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Le 10 juin 2017, Jean Johnson n’avait pourtant pas reçu un blanc-seing de la part des organismes membres. D’une seule voix, celui qui était alors président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) l’emportait sur la présidente sortante, Sylviane Lanthier. Un scénario qui était loin d’être cousu de fil blanc.

Mais l’élection avait coïncidé avec le sommet de la « saga Madeleine Meilleur ». La décision de Justin Trudeau de nommer l’ancienne ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario comme commissaire aux langues officielles n’avait pas plu à tout le monde. La division des francophones sur la place publique, compilée aux hésitations manifestes de Mme Lanthier à prendre position, avaient déclenché une crise à la FCFA. Et c’est Jean Johnson, jamais avare de mots et de promesses, qui avait émergé du chaos.

Rapprochement avec les élus politiques

Le Franco-Albertain avait fait campagne sur le rapprochement de la FCFA avec les élus fédéraux. Un an plus tard, le train est en marche. La présence du directeur général Alain Dupuis, pondéré et respecté, assure à l’organisme porte-parole des francophones hors Québec une crédibilité renforcée sur la colline parlementaire.

Ce repositionnement politique des organismes porte-paroles est une tendance depuis plusieurs années. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a, par exemple, déjà commencé ce travail dès 2012 en multipliant les visites aux élus – peu importe la couleur politique – à Queen’s Park. Un exercice diplomatique intense mais ô combien nécessaire.

À la différence de ses deux prédécesseurs, Marie-France Kenny et Sylviane Lanthier, Jean Johnson peut se targuer d’être là au bon moment. À cet égard, la première partie de l’année 2018 a été encourageante avec le dévoilement du Plan d’action pour les langues officielles et la promesse par Justin Trudeau d’une refonte de ladite loi.

Reste que les 500 millions de dollars supplémentaires obtenus dans ce Plan d’action sur cinq ans sont sensiblement moins que ce qu’avait demandé Jean Johnson, à savoir 575 millions de dollars juste pour les francophones.

Certaines limites observables

Car le style Jean Johnson peut avoir aussi ses limites. En témoigne son ultimatum fracassant lancé en janvier dernier à l’encontre du gouvernement. Motif : le besoin de « gestes significatifs » de l’équipe Trudeau quant aux langues officielles. Une sortie publique alors très mal perçue dans les couloirs de Patrimoine canadien et par certains députés francophones.

Indélicatesse de M. Johnson? Susceptibilité du gouvernement? Il n’empêche, il y eut une époque où les leaders de la FCFA échangeaient fréquemment avec le premier ministre. Il est vrai qu’au niveau des provinces, le contact entre les organismes porte-paroles et le chef du parti au pouvoir est plus aisé.

En deux ans et demi, la FCFA est parvenue tout de même à arracher une rencontre avec M. Trudeau le 28 mars dernier.

Un brin idéaliste, M. Johnson a peut-être été confronté durant les quatorze derniers mois à cette réalité politique difficile : la francophonie apparaît bien souvent comme un joli concept, mais noyée dans l’idéal du multiculturalisme – assumé lorsqu’il n’est pas mis en scène – de Justin Trudeau. Tout n’est question que de volonté politique, et pour la FCFA, de travail de terrain et de patience.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 13 août