Le traitement des plaintes en langues officielles jugé trop long

Le commissaire aux langues officielles du Canada,

OTTAWA – Plusieurs citoyens ayant porté plainte auprès du Commissariat aux langues officielles du Canada trouvent que le délai de traitement est trop long. Le commissaire Raymond Théberge dit comprendre ces critiques, mais assure qu’il y a des progrès.

Ils sont plusieurs, ces derniers mois, à avoir signalé à ONFR+ leur frustration de voir leurs plaintes pour des manquements à la Loi sur les langues officielles prendre trop de temps à être traitées. Un plaignant ayant requis l’anonymat cite un rapport d’enquête préliminaire reçu en janvier 2018, pour lequel il n’a toujours pas obtenu de rapport final.

L’ancien député néo-démocrate, Yvon Godin, qui occupait le poste de porte-parole aux langues officielles, fait le même constat.

« Je n’ai jamais vu ça à ce point-là », lance-t-il, soulignant avoir fait de nombreuses plaintes ces dernières années. « J’ai quitté la politique en 2015 et je reçois encore des réponses, car mes plaintes ne sont pas réglées! »

Le cas qui le « frustre le plus »? Sa plainte de 2015 contre le manque de personnel bilingue de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur la colline parlementaire pour lequel il a reçu un rapport final en 2017.

« Ça a pris deux ans et la situation n’est toujours pas réglée! J’ai encore reçu récemment un rapport préliminaire de suivi et je constate que la situation ne s’est pas améliorée et que les recommandations du Commissariat, de 2017,  n’ont toujours pas été suivies. Ce n’est pourtant pas compliqué de faire en sorte que la GRC déploie du personnel bilingue sur la colline parlementaire! »

L’ancien élu acadien dit avoir plusieurs exemples similaires dans ces dossiers et estime qu’il y a un ralentissement du traitement des plaintes depuis 2015.

« C’est vrai que c’est un peu long », déplore Adeline Jérôme, une Franco-Ontarienne qui a elle aussi déposé quelques plaintes. « Mais ce que je déplore, c’est surtout l’impression que ça ne sert à rien! Le commissaire fait des recommandations et celles-ci dépendent ensuite de la bonne volonté de l’institution. »

Hausse des plaintes

En matière de traitement des plaintes, le Commissariat s’est doté pour la première fois de normes en 2011, afin de remettre un rapport préliminaire aux plaignants dans les six mois suivants le dépôt de leur plainte. Ces normes n’ont été rencontrées que dans seulement 40 % des cas en 2016-2017, puis 39 % en 2017-2018.

Des résultats qui s’expliquent en partie par une hausse régulière des plaintes recevables ces dernières années, explique le Commissariat. Celles-ci approchent désormais 1 000 par année, sans oublier les plaintes non recevables qu’il faut également évaluer.

Tableau des plaintes recevables enregistrées par le Commissariat.

Basées sur les chiffres de 2012, où on en comptait plutôt de 400 à 500 par année, hormis 2009-2010 à cause des compressions budgétaires de CBC/Radio-Canada à Windsor, la mise en place de ces normes partait également du principe que les citoyens feraient davantage appel au processus facilité, moins formel et plus rapide que celui nécessitant une enquête.

Un problème de budget?

En mai 2016, devant le comité permanent des langues officielles, l’ancien commissaire Graham Fraser s’inquiétait de son manque de ressources pour répondre à cette hausse des plaintes.

Le budget du Commissariat a augmenté de 7 % en dix ans, passant de 19,9 millions de dollars en 2008-2009 à un budget prévisionnel de 21,3 millions de dollars en 2018-2019. Ses effectifs ont augmenté de 155 à 163 personnes, selon les chiffres planifiés cette année.

Amélioration notable toutefois : c’est désormais le gouvernement qui prend à sa charge les hausses de salaire prévues dans la convention collective, alors que sous le gouvernement conservateur, elles étaient prises à même le budget du Commissariat.

« Avec les ressources que l’on a, nous sommes capables de faire le travail », assure le commissaire Raymond Théberge, qui sera devant le comité permanent des langues officielles, début avril, pour présenter son budget. « Nous avons dû trouver des efficacités et prioriser certains de nos travaux, mais sans négliger notre mandat de protection et de promotion des langues officielles. »

Le commissaire précise que son équipe s’est concentrée à traiter les dossiers plus anciens, et qu’aujourd’hui, elle travaille principalement sur des plaintes de 2017-2019. Sans remettre en doute les critiques, il avance que les sondages menés auprès des plaignants démontrent un taux de satisfaction de 78 % quant aux délais de traitement des dossiers d’enquête.

« Nous avons mis en place plusieurs améliorations à notre processus, dont un nouveau système de gestion des plaintes en 2016. Mais je peux comprendre que certains trouvent les délais encore trop longs. On peut toujours s’améliorer et nous essayons de répondre le plus rapidement possible. »

D’autres causes

Si le manque de ressources ne serait donc pas en cause, M. Théberge donne quelques raisons pour expliquer les délais de traitement des plaintes.

« Nous ne contrôlons pas tous les paramètres, notamment lorsqu’on attend des réponses des institutions ou des documents qui sont importants pour la qualité de nos enquêtes. Et puis, certains cas sont plus complexes et prennent du temps. »