« Le virus est entré dans Greenstone »

L'Hôpital de Geraldton, à Greenstone. Crédit image: Maxime Delaquis, Archives ONFR+

GERALDTON – La petite municipalité de Greenstone, qui regroupe notamment les communautés de Geraldton et de Longlac, compte un premier citoyen atteint du coronavirus. L’individu aurait contracté la maladie sur son lieu de travail : une mine à proximité de Thunder Bay. Isolée et à 1 200 kilomètres de Toronto, la ville est sur un pied d’alerte.

« La Santé publique du district de Thunder Bay confirme un premier cas de la COVID-19 dans la municipalité de Greenstone. Il s’agit d’un homme dans la quarantaine qui réside à Greenstone et qui a contracté le virus sur son lieu de travail, la mine du Lac Des Îles », confirme l’Hôpital du district de Geraldton.

Les mines ont eu l’autorisation par le gouvernement ontarien de demeurer ouvertes depuis le début de cette crise. La mine du Lac Des Îles, située au nord de Thunder Bay, s’est finalement transformée en incubateur du virus. Depuis trois semaines, au moins une quinzaine d’employés de la mine ont contracté le virus.

La mine de Lac des Îles, à 90 kilomètres au nord, de Thunder Bay. Crédit image : groupe Impala

Face à cette éclosion, le groupe Impala, propriétaire de la mine, a décidé, il y a 10 jours, d’interrompre temporairement ses opérations. Entre temps, l’employé est revenu à Greenstone et aurait développé des symptômes. Un test a finalement confirmé, la semaine dernière, sa contamination.

Un hôpital en alerte

L’Hôpital du district de Geraldton a lancé son plan d’urgence « épidémie » en apprenant l’existence de ce premier cas.

« Notre zone de triage a été éliminée pour limiter le trafic dans l’urgence. Le personnel demeure aussi dans des zones désignées. Puis, on fait de la prévention extrême pour protéger la résidence pour aînés qui est dans le même immeuble », insiste Caroline Rocheleau, porte-parole de l’établissement.

Geraldton a vu le jour grâce aux mines il y a plusieurs décennies. Ces premières vagues de travailleurs se sont installées dans la ville et sont aujourd’hui âgées.

« On a une population très âgée et sensible », admet Mme Rocheleau. Et l’hôpital pourrait facilement être sous pression, dit-elle. « Nous avons un respirateur artificiel, mais aucun département de soins intensifs. Donc, notre plan est d’envoyer rapidement un cas plus complexe à Thunder Bay où ils ont tout l’équipement nécessaire », explique-t-elle.

Un maire face à l’inconnu

Lorsqu’il a été décidé de fermer les écoles, les bureaux municipaux et d’interdire aux employés de la Ville de voyager sans autorisation hors de Greenstone, le maire Renald Beaulieu a été la cible de critiques de la part de certains citoyens, il y a un mois.

Mais sa municipalité de 4 600 âmes est isolée et n’a qu’un seul respirateur artificiel dans son petit hôpital, ce qui impose une prudence extrême, affirme le premier magistrat.

« Jusqu’à maintenant, tout le monde était détendu. Là, le virus est entré dans Greenstone. On a mis en place le plan pour les épidémies avec l’hôpital et la santé publique », confie Renald Beaulieu, au bout du fil.

Il a demandé à ses citoyens de faire preuve de compassion et de respect à l’endroit du citoyen touché.

« On est dans une petite place, tout le monde se connait. Les gens sont nerveux. Mais comme maire, je veux envoyer un message clair : ça peut nous arriver à nous aussi. Il faut être diplomate, mais ce n’est pas à nous de faire la police. Il ne faut pas faire sentir les autres comme du poison », dit-il, en invitant chacun à respecter à la lettre les consignes de distanciation sociale.

Le maire de Greenstone Renald Beaulieu. Archives ONFR+

Mère nature a d’ailleurs fait sa part, se réjouit Renald Beaulieu. « Ça fait 3-4 jours qu’il y a des tempêtes de neige. Le bon dieu nous protège, il nous envoie du mauvais temps pour garder le monde en dedans », lance le maire de la municipalité nordique.

Le Québec a imposé la fermeture des mines, dès le 23 mars. Des régions éloignées ont aussi été protégées par l’imposition de barrages policiers interdisant les voyages inter-régionaux. L’Ontario aurait-elle dû faire de même?

« On aurait dû, on auraît dû, on auraît dû… on peut dire bien des choses, mais les compagnies minières ont forcé les gens à rester à Thunder Bay et ont posé des gestes de protection. Le gouvernement ne peut pas prendre tout le monde par la main. C’est aux gens à décider de leurs actions et ce n’est pas tout le monde qui peut arrêter de travailler », réplique le maire de Greenstone.

La rue principale. Archives ONFR+

Le citoyen atteint par le coronavirus a été placé en isolement volontaire à la maison. Les personnes avec qui il a été en contact sont aussi en isolement et leur situation étudiée par les autorités de la santé publique.

« Face à ce nouveau développement, j’invite tout le monde à respecter avec diligence les consignes du ministère de la Santé, en lavant ses mains et en misant sur l’isolement volontaire lorsque nécessaire. Notre équipe est mobilisée à l’hôpital et ceux qui en auront besoin recevront les soins nécessaires », a indiqué la présidente de l’hôpital de Geraldton, Lucy Bonanno.

La minière dit avoir suivi les consignes

Lundi soir, la minière Impala a indiqué que 16 mineurs étaient maintenant atteints de la maladie, dont 2 à l’hôpital. L’entreprise dit avoir appris l’existence d’un premier cas le 7 avril. Un employé, dont on ne connait pas la ville d’origine, était présent au camp minier entre le 29 mars et le 4 avril. Il n’avait aucun symptôme lorsqu’il a quitté la mine. Cinq collègues immédiats ont néanmoins été placés en isolement. On ne sait pas si le cas de Geraldton est lié à ces individus.

Selon certains médias, l’ensemble des employés de la mine ont été invités à s’isoler dans un hôtel après la découverte des premiers cas. Le groupe Impala apporte néanmoins un éclairage différent dans une déclaration envoyée à ONFR+.

« La décision du lieu de l’isolement volontaire a été déterminé par la santé publique de Thunder Bay, selon leur capacité à le faire à la maison ou pas. La décision a été prise dans le meilleur intérêt, afin de protéger leur famille et la communauté », affirme la minière. « Pour les individus qui ont été envoyé à la maison, on leur a ordonné de s’isoler immédiatement et de ne pas quitter leur demeure », ajoute-t-on. La minière affirme avoir respecté toutes les consignes de la santé publique depuis le début de la pandémie.