Légalisation du cannabis : l’inquiétude des maires grandit

TORONTO – À quelques mois de la légalisation du cannabis, les voix se multiplient pour demander plus de temps avant la mise en place des mesures. Les inquiétudes sont d’autant plus grandes dans les petites municipalités de l’Ontario.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

Roger Sigouin, maire de Hearst, ne cache pas son inquiétude grandissante face à la légalisation de la marijuana à des fins récréatives.

« Nous avons assez de problèmes à bien des niveaux dans la société, sans qu’un premier ministre mette sur pied un projet comme celui-là à la grandeur du pays », lance-t-il.


« Oui, on va collecter des taxes, mais si on le fait aux dépends des gens, j’ai de la misère avec ça. » – Roger Sigouin


Le maire de Hearst estime que la légalisation se fait trop rapidement sans que tous les détails ne soient réglés.

« Notre système de santé est déjà chargé et si les gens qui ont déjà des troubles sont exposés au cannabis, ça va créer encore plus de problèmes », souligne-t-il.

D’ailleurs, le maire de Hearst est catégorique, il ne veut pas voir de dispensaire gouvernemental s’installer dans sa ville.

Malgré les promesses du gouvernement, M. Sigouin déplore le manque de transparence du gouvernement fédéral. Il espère encore qu’Ottawa accepte de repousser la date butoir de juillet.

« C’est une inquiétude des municipalités. Nous voyons que la date de la légalisation arrive à grands pas, mais le gouvernement reste vague sur plusieurs de ces points », explique, pour sa part, le maire de Timmins, Steve Black.

Contrairement à Hearst, le maire de Timmins ne ferme pas entièrement la porte à un dispensaire gouvernemental sur son territoire. M. Black espère seulement qu’Ottawa et Queen’s Park couvriront les frais qui y sont rattachés.

Différence avec le cannabis thérapeutique

Alan Spacek, maire de Kapuskasing, travaille depuis plusieurs années afin de voir la construction d’une usine de cannabis thérapeutique sur son territoire. Si le projet débouche, 60 emplois seront créés, ce qui est vu d’un bon oeil par le maire Spacek.

« Le cannabis médical n’est pas le même produit et les consommateurs sont complètement différents », explique-t-il.

Tout comme Hearst et Timmins, le maire de Kapuskasing n’est pas enchanté de voir la légalisation du cannabis récréatif au pays.

« Ce que j’entends des autres maires est que les nouvelles lois sont adoptées trop rapidement », lance également celui qui est président de la Fédération des municipalités du Nord de l’Ontario (FMNO).

Il souhaite que le gouvernement travaille plus activement pour répondre aux inquiétudes des villes.

« Le problème est le temps qu’il reste. Chaque jour qui passe, il y a de nouvelles inquiétudes qui grandissent et qui naissent », se désole toutefois M. Spacek.

L’aspect économique

En plus des inquiétudes sur la sécurité publique, le maire de Hearst craint que la facture des services policiers n’explose avec la légalisation.

Hearst, qui a recours au service de la Police provinciale de l’Ontario (PPO) sur son territoire, paie environ 1,4 million de dollars annuels pour la protection de son territoire. 

« Ce n’est pas juste de payer la facture, mais il faut penser à tous les problèmes que ça va créer dans la société », martèle-t-il.

Ces craintes sont partagées par le maire de Timmins, Steve Black.


« Il y a encore des inquiétudes à savoir qui va devoir payer la formation et l’équipement pour les forces policières. C’est d’autant plus inquiétant que ça arrive rapidement. » – Steve Black


Bien que le gouvernement promet des fonds pour couvrir ces coûts, M. Black craint que ça ne soit pas suffisant

Le gouvernement se veut rassurant

Un porte-parole pour le Procureur général de l’Ontario, Yasir Naqvi, a assuré que les mesures mises de l’avant par le gouvernement ont été adoptées dans le but d’assurer la sécurité de tous.

« Les municipalités sont un partenaire clé dans ce processus et le gouvernement travaille en collaboration avec elles pour les informer des derniers développements », a-t-il assuré.

Dernièrement, le gouvernement a demandé au public des commentaires sur la loi qui a été adoptée en décembre dernier.

« C’est normal de demander les commentaires alors que la loi est mise en place. Nous voulons pouvoir clarifier le langage au besoin », a-t-il dit.


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