Les 100 premiers jours de Doug Ford riches en rebondissements

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford. Gracieuseté.

[ANALYSE]

TORONTO – D’habitude, Doug Ford fait beaucoup plus parler de lui. L’absence de travaux parlementaires à Queen’s Park, la semaine dernière, a quelque peu éteint les projecteurs braqués sur le gouvernement progressiste-conservateur. Ironie du sort, c’est mardi dernier que l’équipe du premier ministre célébrait ses 100 premiers jours au pouvoir.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Au cœur de la Ford Nation à Toronto, le premier ministre n’a pas manqué de faire référence à ses « 100 jours formidables » ajoutant, confiant, qu’il y en aura « beaucoup d’autres à venir ». Depuis des décennies, la tradition d’un premier bilan à 100 jours pour le gouvernement est particulièrement importante en Amérique du Nord.

Une idée qui remonte à 1933, lorsque le nouveau président américain, Franklin D. Roosevelt, avait promis exactement 100 jours pour redresser la situation économique catastrophique du pays.

L’Ontario de 2018 n’est probablement pas dans le même pétrin que les États-Unis de 1933, même si Doug Ford aime voir le verre à moitié vide lorsqu’il dresse le bilan économique de la province. Une manière de blâmer les 15 ans de règne des libéraux et mieux s’ériger en sauveur.

Marquer au maximum la rupture par rapport à l’équipe de Kathleen Wynne, c’est le défi auquel le premier ministre s’est affairé depuis le jour de son assermentation le 29 juin.

Faire les choses rapidement

On ne s’attendait pas à ce que les choses aillent si vite avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Retrait du marché du carbone, abolition du programme d’éducation sexuelle ou encore, bière à un dollar, Doug Ford n’a pas perdu de temps, quitte à imposer une session parlementaire d’été aux députés. Dans la forme, le gouvernement progressiste-conservateur a réussi ses débuts.

Sauf que sur le fond, le bilan après 100 jours est plus contestable. M. Ford a su se montrer pragmatique en mettant fin au monopole de la Régie des alcools de l’Ontario sur la vente de cannabis. Beaucoup d’observateurs ont salué que cette vente soit confiée au secteur privé.

En revanche, les progressistes-conservateurs ont mis la hache dans le financement des initiatives environnementales. Retrait du marché du carbone, opposition farouche à la taxe sur le carbone, ou encore annulation des subventions pour les autos électriques, autant de mesures prouvant le manque de sensibilité de Doug Ford à une question aussi cruciale que l’environnement.

Annonces surprises et opposition affaiblie

Autre point important de ces 100 premiers jours : l’annonce de mesures que M. Ford s’était bien gardé de dévoiler durant la campagne électorale. L’épisode de la réduction du nombre de conseillers municipaux à Toronto en est une. En invoquant la cause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés pour parvenir à ses fins dans le dossier, M. Ford n’a pas franchement soigné son image de rassembleur.

En cas de possibles coupes dans la fonction publique ontarienne dans quelques semaines, le gouvernement reviendrait aussi sur l’une de ses promesses.

Quid des autres partis à Queen’s Park? Malgré une dernière campagne électorale très dynamique, la néo-démocrate Andrea Horwath a aujourd’hui du mal à enfiler le costume de leader de l’opposition. Réduits à sept députés seulement, les libéraux sont moins audibles et devront faire face à une longue période de purgatoire. En somme, l’opposition est émiettée et incapable de s’organiser face au nouveau pouvoir.

Techniquement, les progressistes-conservateurs seront encore au pouvoir un peu moins de quatre ans, soit l’équivalent d’environ 1 300 jours. Difficile d’augurer les annonces des prochains mois, même si ces 100 premiers jours ont donné au moins le ton : à toute vitesse, et à droite toute.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 15 octobre.