Les bénéfices de la mobilisation franco-ontarienne

La manifestation à Ottawa, le 1er décembre 2018. Archives ONFR+

[ANALYSE] 

À deux jours de la Journée des Franco-Ontariens, réécrivons un peu l’histoire. Imaginons qu’au lendemain des compressions aux services en français du « jeudi noir », les réactions ne se fassent pas entendre. Que la déception de la fin du commissaire aux services en français et du projet d’université franco-ontarienne s’exprime uniquement par la voix des députés.

En somme, pas de critiques virulentes de la part des citoyens sur les médias sociaux, aucune lettre ouverte des politologues dans les médias, et surtout pas de manifestations massives sous l’impulsion des organismes le 1er décembre. Un scénario qui aurait vraisemblablement amenuisé les réactions politiques de toutes parts, avec une autre conséquence : le premier ministre, Doug Ford, n’aurait jamais bougé d’un pouce.

Ne soyons pas dupes. Sans l’approche des élections fédérales, la ministre des Affaires francophones ontarienne, Caroline Mulroney, et son homologue à Ottawa, Mélanie Joly, n’auraient pas conclu il y a deux semaines une entente sur l’Université de l’Ontario français (UOF). Mais autre fait indéniable : cet accord n’aurait jamais vu le jour sans la mobilisation franco-ontarienne.

Grâce au travail en coulisses mené au cours des derniers mois, le mouvement de La Résistance, porté par l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), a obtenu gain de cause sur l’UOF. Le règlement politique de cette crise est la preuve éclatante que la mobilisation peut payer, surtout lorsqu’elle est bien organisée et rapide.

Mais il ne faut pas crier victoire trop vite. L’indépendance du Commissariat aux services en français, l’autre point noir des compressions du 15 novembre dernier, n’a pas été encore rétablie.

De plus et depuis le départ du commissaire par intérim, Jean-Gilles Pelletier, en août, il n’y a toujours pas provisoirement de « chien de garde » aux services en français intégré au bureau de l’ombudsman.

L’AFO espère trouver une solution dans le court terme. L’organisme porte-parole des Franco-Ontariens aimerait inclure cette mention à l’indépendance dans un projet pour revitaliser la Loi sur les services en français. Ce document serait justement soumis au gouvernement ontarien dans les prochaines semaines.

Revitaliser la LSF

Donner un souffle à la Loi sur les services en français (LSF) est bien le second objectif qui mérite une mobilisation. Laissé de côté par les précédents gouvernements, ce dépoussiérage est plus que nécessaire.

Quelque 100 000 Franco-Ontariens n’ont par exemple pas encore l’obligation d’être servi dans leur langue quand ils vont à ServiceOntario renouveler leur permis de conduire ou demander une carte Santé. C’est le cas à Vaughan, Waterloo, Peterborough, Thunder Bay ou encore Sarnia.

Un contexte politique favorable

Outre les célébrations, la Journée des Franco-Ontariens doit être l’occasion de réfléchir sur d’autres dossiers brûlants. À commencer par l’immigration francophone dont le chiffre est toujours bloqué à environ 2 % du nombre total de nouveaux arrivants en Ontario.

L’autre idée serait aussi une meilleure répartition de l’enveloppe gouvernementale destinée aux organismes. Entre les millions de dollars de certains, et les peanuts donnés à d’autres, il y a un débat à engager.

À l’inverse du gouvernement progressiste-conservateur intransigeant de Mike Harris à la fin des années 90, celui de Doug Ford semble moins idéologique, et plus enclin à changer son fusil d’épaule. Côté fédéral, Mélanie Joly a su faire preuve d’une empathie appréciable, ces derniers mois. Le contexte est donc favorable aux revendications, quitte à parler fort et faire du bruit. La victoire sur le dossier de l’UOF n’est peut-être qu’un début. Il faut le croire.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 23 septembre.