Les chefs des partis fédéraux restent vagues sur les langues officielles

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GATINEAU – Les chefs des principaux partis fédéraux s’affrontaient pour la dernière fois, ce jeudi, lors du débat en français du consortium des médias. À la veille du début du vote anticipé, cinq d’entre eux se sont engagés à moderniser la Loi sur les langues officielles, sans donner beaucoup plus de détails.

À la question de Marc Gravel, de Toronto, sur les services en français à l’extérieur du Québec et le manque de respect des recommandations du commissaire aux langues officielles, tous les chefs des principaux partis fédéraux, à l’exception du chef du Parti populaire du Canada (PPC) Maxime Bernier, se sont engagés à moderniser la Loi sur les langues officielles.

Le chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Andrew Scheer, a insisté sur « un engagement clair », quand celui du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, a demandé la même qualité de services pour les francophones que ceux que reçoivent les Anglos-Québécois. Pour Jagmeet Singh, du Nouveau Parti démocratique (NPD), l’important est de « mieux financer les services en français ».

« C’est une question de courage et de volonté politique! », a-t-il souligné.

 C’est toutefois la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, qui est allée le plus loin dans son engagement.

« Nous allons, dès la première année de notre mandat, donner plus de pouvoir de punir au commissaire pour exiger que toutes les agences gouvernementales fédérales offrent des services adéquats dans les deux langues officielles. »

L’occasion manquée de Justin Trudeau

Cet engagement des partis était toutefois déjà connu, tout comme celui du premier ministre sortant et chef du Parti libéral du Canada (PLC), Justin Trudeau, qui avait promis, en chambre, de moderniser la Loi.

Ce jeudi, M. Trudeau a raté une occasion d’en dire davantage, estime le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand.

« Le Parti libéral est celui qui a la liste de mesures la plus étoffée en matière de langues officielles dans son programme. Ça aurait été une bonne occasion pour M. Trudeau de mettre de l’avant ce que son parti propose, alors qu’il n’en parle jamais. Pour l’instant, on a entendu uniquement Mona Fortier [coprésidente du comité de rédaction de la plateforme libérale] et Mélanie Joly [ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie]. C’est une occasion ratée de la part de M. Trudeau qui a une nouvelle fois préféré comparer Andrew Scheer à Doug Ford et nous parler de son Plan d’action pour les langues officielles qui date de 18 mois. »

M. Normand note toutefois quelques points positifs.

« Mme May est allée plus loin que les autres chefs sur la modernisation et M. Singh a rappelé que la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles est avant tout une question de volonté politique. C’est un geste important qu’un chef de parti dise ça. »

La FCFA veut aller plus loin

Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, aurait aimé en entendre davantage. Mais à la sortie du débat auquel il assistait, il se dit satisfait.

« Nous sommes ravis de voir les chefs prendre position sur la place publique pour une modernisation de la Loi sur les langues officielles. C’est un engagement solennel qu’ils ont pris. »

Le président de l’organisme porte-parole des francophones en situation minoritaire veut désormais aller plus loin.

« On veut les entendre se prononcer sur l’idée d’une agence centrale pour mettre en œuvre la Loi, d’un tribunal administratif, de la nomination de juges bilingues à la Cour suprême du Canada… Ce sont des éléments fondamentaux qui sont cruciaux pour nous. S’ils sont aussi hésitants, c’est peut-être parce que les chefs ont oublié la raison d’être de la Loi sur les langues officielles qui est de protéger les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il faut nous outiller! »

M. Johnson espère entendre les différents chefs se prononcer sur ces enjeux précis avant le jour du scrutin.

Les francophones ont compté

Si les réponses des candidats n’ont donc pas livré autant d’enseignements que voulu, ce débat en français aura toutefois été une réussite, selon M. Normand, après une édition 2015 controversée où les francophones de l’extérieur du Québec s’étaient sentis oubliés.

« Même si ça n’a pas été long, les langues officielles ont fait partie des thèmes principaux, pas juste d’une sous-question, ce qui a obligé tous les chefs à se prononcer. C’est une victoire pour la FCFA, ses partenaires et les communautés francophones en situation minoritaire qui peuvent se réjouir d’avoir été représentés et entendus par le consortium des médias. Les critiques ont semble-t-il été entendues », dit-il, soulignant le fait que parmi les questions du public, deux d’entre elles provenaient de l’extérieur du Québec, à Toronto, puis à Dieppe.

Les débats ont toutefois souvent ciblé en priorité le Québec, notamment sur la question de la laïcité ou des pipelines, oubliant que plusieurs communautés du nord de l’Ontario s’étaient elles aussi opposées à Énergie est, par exemple. Mais le président de la FCFA reste satisfait de la place accordée aux francophones en contexte minoritaire.

« J’ai adoré la question de Moncton sur un enjeu de politique internationale, car cela normalise la présence des francophones de tout le pays au débat et montre qu’ils s’intéressent à toute la politique canadienne. »