Les clés de Marie-France Lalonde

La ministre déléguée aux Affaires francophones de l'Ontario, Marie-France Lalonde. Archives, #ONfr

[ANALYSE]

TORONTO – La session parlementaire de l’automne commencera pour la première fois depuis treize ans sans Madeleine Meilleur. Lundi, Marie-France Lalonde représentera officiellement pour la première fois les francophones sur les bancs de Queen’s Park.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La députée d’Ottawa-Orléans peut-elle réussir? Oui, même si il y a fort à parier que Mme Lalonde n’aura pas le même ascendant sur la première ministre, Kathleen Wynne, que pouvait l’avoir Madeleine Meilleur du fait de son expérience. Élément unique dans un conseil des ministres exclusivement anglophone, le (ou la) ministre délégué aux Affaires francophones doit bien souvent redoubler de conviction.

Mais un détail pourrait jouer en faveur de Mme Lalonde : les difficultés de son propre gouvernement illustrées par la prorogation des travaux. Plus que jamais, l’équipe libérale a besoin de séduire les Franco-Ontariens, tant les « circonscriptions francophones » détenues dans l’Est d’Ottawa (Glengarry-Prescott-Russell, Orléans, Ottawa-Sud) ou encore celle de Sudbury sont menacées en vue des élections de 2018.

L’ascension du leader progressiste-conservateur, Patrick Brown, capable de bien s’exprimer en français, et la détermination de la néo-démocrate, France Gélinas, n’arrangent pas les affaires des libéraux.

Si beaucoup de dossiers francophones inaboutis sont aujourd’hui sur le bureau de Marie-France Lalonde, un coup de pouce du gouvernement dans le court ou moyen terme n’est pas à exclure.

Le projet d’une université franco-ontarienne est de ceux-là. Soucieuse de ménager la chèvre et le chou, Kathleen Wynne n’avait jusqu’à maintenant jamais donné un geste d’ouverture pour le projet. Sauf que la mise sur pied imminente d’un comité de planification concernant le futur établissement sera un pas en avant. Devant la pression des militants francophones, les libéraux n’ont effectivement plus le choix, mais se garderont probablement d’effectuer « une annonce » trop vite. Il s’agira sans doute de conserver l’effet de surprise avant les élections.

Dans ce contexte difficile pour l’équipe Wynne, d’autres cadeaux restent possibles. En novembre, la Loi 8 sur les services en français célébrera son 30e anniversaire. Les critères d’adhésion sont de plus en plus contraignants pour les régions, obligeant les territoires candidats à user de patience. À cet égard, les francophones d’Oshawa en savent quelque chose.

Mme Lalonde pourrait profiter de cet anniversaire pour donner un nouveau souffle à la loi référentielle pour les 611 500 Franco-Ontariens, ou bien annoncer une 27e région désignée.

Revoir la loi n’est pas une fin en soi. Pour les 85% de Franco-Ontariens vivant dans une région désignée, les alertes existent encore. À Penetanguishene, la quasi-fermeture du campus de l’Hôpital général de la baie Georgienne (HGBG) oblige les francophones de l’endroit à être transférés vers l’autre campus de l’HGBG, à Midland, qui n’est cependant pas désigné en vertu de la Loi sur les services en français.

Dans ce cas précis, la symbolique avec l’Hôpital Montfort interpelle forcément, même si la contestation a été discrète. Elle rappelle que les libéraux ne sont pas à l’abri d’une soudaine tempête.

De symbole, il en a justement été question lorsque le 22 février dernier, Mme Wynne offrait des excuses au Franco-Ontariens pour le Règlement XVII. Un autre pourrait être annoncé très prochainement si l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) répond favorablement à la demande de reconnaissance de l’Ontario à titre de membre. Un projet à priori pas si coûteux, mais qui permettrait au gouvernement de séduire les Franco-Ontariens. Assez pour les convaincre?

C’est en cela que la mission de Marie-France Lalonde comme « ambassadrice francophone » du gouvernement est précieuse. La native d’Ottawa possède sans doute l’une des clés de la survie d’un gouvernement usé.