Les coupes à la Fondation Trillium inquiètent les organismes francophones

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Carol Jolin.

TORONTO – Alors que Doug Ford continue de viser coûte que coûte l’équilibre budgétaire, les coupes se poursuivent. Parmi l’une des dernières en date : celle à la Fondation Trillium de l’Ontario dont le budget aurait été raboté de 15 millions de dollars.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Ce chiffre avancé depuis plusieurs semaines par le groupe Ontario Nonprofit Network, qui défend les 58 000 organismes de bienfaisance et à but non lucratif de la province, inquiète du côté des Franco-Ontariens.

Destinées habituellement aux organismes et aux municipalités, ces subventions provinciales permettent bien souvent le financement de « projets spéciaux ». Jusqu’alors, quelque 115 millions de dollars annuels étaient consacrés à des centaines de projets en tout genre à travers la province.

L’Association des francophones de la région de York (AFY) sait de quoi elle parle. En 2014, l’organisme avait reçu de Trillium 155 000 $ sur deux ans pour l’élaboration d’un annuaire des services en français et des trousses d’accueil pour les nouveaux résidents. Deux ans plus tard, l’AFRY avait de nouveau obtenu 74 500 $ pour la mise sur pied de « L’Oasis des petits », un service gratuit de deux heures par semaine pour parents et enfants de zéro à six ans à Vaughan.

« Il y a toujours une inquiétude, car ça veut dire qu’il va y avoir plus de compétition », explique sa directrice générale, Nadia Martins.

Mieux encore, la Fondation Trillium offrirait un volet « subvention de démarrage » particulièrement apprécié des organismes francophones. « Il y a quelques années, nous avions eu un fonds de démarrage pour des camps d’immersion en français en été. Nous avons pu ainsi continuer l’aventure en 2017 et en 2018, bien que nous n’ayons pas eu les fonds. »

Sylvia Bernard de La Clé d’la Baie en Huronie abonde dans le même sens. « Dans les demandes de fonds tant au provincial qu’au fédéral, il y a très peu de demandes de fonds capables de rénover une bâtisse. La Fondation Trillium est l’une des rares vers qui on peut se tourner dans ce cas. »

L’organisme porte-parole des francophones du comté de Simcoe vient d’ailleurs d’avoir la confirmation que sa demande pour retaper les fenêtres, le toit et la cheminée de son édifice patrimonial est approuvée. L’équivalent d’un coup de pouce financier de 73 500 $.

« Nous avons eu des réponses positives de Trillium, mais nous avons eu d’autres projets qui ont été refusés », poursuit la directrice générale. « Tout organisme francophone comme le nôtre a besoin d’argent pour pouvoir démarrer des projets. »

Une subvention parmi d’autres

Un mois, douze mois, voire plusieurs années, les subventions obtenues de la part de la Fondation Trillium sont parfois échelonnées sur une longue période. En 2017, la Passerelle-I.D.É recevait 631 600 $ sur trois ans pour « élargir un programme offrant de la formation aux immigrants et nouveaux arrivants francophones dans le secteur hôtelier ».

« Je pense que comme toute coupure, on est toujours un peu inquiet de l’impact que cela aura au sein des communautés, mais c’est trop tôt encore pour le déterminer », croit Léonie Tchatat.

La fondatrice de la Passerelle-I.D.É., Léonie Tchatat. Archives #ONfr

La directrice emblématique de l’organisme dédié à l’accueil des immigrants dans la région de Toronto l’admet tout de même : la Passerelle-I.D.É a utilisé les fonds de Trillium « depuis les dix dernières années ».

Malgré les craintes, les trois groupes interrogés par #ONfr sont d’avis que les coupes ne font pas planer une menace sur leur existence. « Nous avons un fonds fédéral fixe, puis des fonds obtenus via les entreprises sociales, qui nous permettent déjà de rouler sans Trillium », laisse entendre Nadia Martins de l’AFRY. « Mais chaque organisme fonctionne très différemment. »

Un manque à gagner de 750 000 $, estime l’AFO

Difficile d’évaluer en tout cas la perte occasionnée pour les francophones. Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, sort, lui, sa calculatrice. « Ça fait une différence pour tout le monde, et pas seulement les francophones. Mais si l’on calcule 5 %, c’est-à-dire la proportion de francophones, des 15 millions de dollars de subventions, ça peut donner environ 750 000 $ de manque à gagner. »

Beaucoup d’organismes francophones ont d’ailleurs recours aux services de l’AFO pour les appuyer dans leurs demandes à la Fondation Trillium.

« Des décisions difficiles », affirme le gouvernement

En début de soirée, le gouvernement de l’Ontario a bel et bien confirmé à #ONfr cette coupe de 15 millions de dollars, affirmant que le budget était revu à 100 millions de dollars. Une différence donc de 15 millions de dollars en comparaison à l’année précédente.

« La gestion irresponsable des finances de la province par le gouvernement libéral précédent nous a laissé un déficit de 15 milliards de dollars, ce qui nous a obligé à prendre des décisions difficiles », fait savoir le bureau du ministère du Tourisme, de la Culture, et du Sport dans un échange de courriels.

« Notre gouvernement reste déterminé à soutenir les collectivités ontariennes et fournira à la Fondation Trillium de l’Ontario un financement de base de 100 millions de dollars pour l’exercice 2018-2019, afin qu’elle puisse continuer à renforcer les capacités de ce secteur. »