Les francophones à l’épreuve d’un nouveau chef unilingue

Victor Fedeli, député progressiste-conservateur de Nipissing.

TORONTO – L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) avait fait de la « culture bilingue » des chefs des partis l’un de ses chevaux de bataille. L’arrivée de Vic Fedeli à la tête du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario, le vendredi 26 janvier, change la donne.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Le nouveau chef intérimaire pourrait mener le parti pendant la campagne électorale, si les militants en décident ainsi. Avec cette hypothèse et en cas de victoire en juin prochain, M. Fedeli resterait normalement chef de son parti.

Capable de poser quelques questions dans la langue de Champlain, comme la semaine dernière lors des consultations prébudgétaires à Ottawa, le député de Nipissing ne possède pas la même fluidité que son prédécesseur, Patrick Brown. Loin de là.

« Si le Parti PC a fait du chemin en matière de francophonie, c’est beaucoup grâce à Patrick Brown », analyse le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand. « Patrick Brown était ouvertement le plus francophile des députés progressistes-conservateurs. Il va être difficile de trouver quelqu’un de sa trempe. »

Un avis nuancé par l’AFO. Pour l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens, le mérite est avant tout collectif. « Je pense que tout le parti a changé », soutient le président, Carol Jolin. « Ils ont réalisé, avec le 400e anniversaire de présence française en Ontario, qu’il y a une communauté vibrante qui parle le français, que le français a un pouvoir politique. »

Peu de changements à priori, sous Fedeli

Depuis plusieurs années, l’AFO soigne sa relation avec les progressistes-conservateurs, et le Nouveau Parti démocratique (NPD), l’autre parti d’opposition à Queen’s Park. Un travail sur la base de rencontres régulières et de « sensibilisation » avec les députés des différentes couleurs de parti.

« C’est sûr que je vais demander à rencontrer M. Fedeli », poursuit M. Jolin. « Ce que l’on souhaite d’un chef, c’est qu’il ou elle soit bilingue, francophile ou qu’il s’engage à appendre le français. »

Vic Fedeli se démarquera-t-il pour autant de M. Brown? La réponse est non pour M. Normand. « Il n’a pas les coudées franches. La plateforme en vue des élections est déjà établie. On se souvient qu’elle comportait des mentions à l’université francophone et aux services en français. Il ne peut pas la modifier maintenant. »

Autre argument pour l’universitaire : la possible ouverture de Vic Fedeli aux Franco-Ontariens. Dans les coulisses de Queen’s Park, le député de Nipissing ne serait pas réfractaire aux enjeux de la seconde langue parlée en Ontario. « Il vient d’une circonscription où les francophones sont tout de même présents. Mais remarquez, l’ancien premier ministre, Mike Harris, venait aussi de ce secteur. »

Débat des chefs en français?

Le maintien éventuel de Vic Fedeli pourrait aussi mettre fin au projet d’un débat des chefs en français durant la campagne électorale. L’idée lancée en juin dernier par l’AFO avait été acceptée par la libérale Kathleen Wynne, et par M. Brown. Trop faible en français, la néo-démocrate, Andrea Horwath, avait refusé l’offre.

« Ce sont à nos amis de Radio-Canada et de TFO (les co-organisateurs du débat) de voir ce qu’il en est. Difficile de se prononcer », croit M. Jolin.

Première petite entorse sous l’ère du nouveau chef intérimaire : pour le parti, Patrick Brown restait toujours, vendredi en fin d’après-midi, le chef sur leur site internet. La mise à jour en français n’ayant pas été effectuée.

Le site du Parti progressiste-conservateur dans sa version française, au lendemain de la démission de Patrick Brown. Capture écran site du Parti PC de l’Ontario.