« Les francophones hors Québec vont devoir être vigilants »

Le nouveau conseil des ministres ne comporte qu'un francophone hors Québec. (Photo: Courtoisie)
Le nouveau conseil des ministres à Ottawa ne comporte qu'un francophone hors Québec. Courtoisie

OTTAWA – Le dévoilement du conseil des ministres de Justin Trudeau, mercredi 4 novembre, n’est pas un bon signe a priori pour les francophones hors Québec, selon le professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, Claude Denis.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

À peine assermenté, le nouveau conseil des ministres a fait réagir la communauté francophone en situation minoritaire. La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Sylviane Lanthier, s’est étonnée que « pour la première fois en plus d’une décennie, personne au cabinet ne porte le titre de ministre responsable des langues officielles. (…) Ça envoie un drôle de message ».

L’ancien poste de ministre du Patrimoine canadien et des langues officielles, autrefois occupé par Shelly Glover sous le gouvernement de Stephen Harper, a échu à la députée québécoise, Mélanie Joly, sans toutefois que la mention de « langues officielles » n’y soit encore attachée.

« Notre priorité, c’est que quelqu’un au cabinet puisse avoir l’autorité nécessaire pour veiller à la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles et coordonner l’élaboration du plan amélioré en matière de langues officielles que le parti s’est engagé à développer avec les communautés », souligne Mme Lanthier.

Pour le professeur Claude Denis, la question mérite d’être posée : « Plusieurs noms ont changé et on en saura davantage dans les prochains jours sur comment les ministères vont s’organiser et se répartir les dossiers. Mais il est vrai que ce n’est pas un bon signe a priori. Effacer une partie dans le titre d’un ministère, ce n’est pas anodin, ça a été réfléchi et décidé consciemment et ce, même s’il n’y a aucun contrepartie évidente pour s’occuper des langues officielles ».

La ministre du Développement international et de la Francophonie, la députée québécoise Marie-Claude Bibeau, pourrait récupérer davantage de responsabilités, imagine M. Denis, à moins que le dossier des langues officielles ne soit réparti entre plusieurs ministères.

« Ce qui est intéressant, c’est que le ministère de la francophonie reste attaché à celui du Développement international. Cela peut contribuer à hausser le profil du Canada français à l’extérieur. »

Ces deux postes d’importance pour les communautés francophones en situation minoritaire seront occupés par deux députées venues du Québec, ce qui pourrait ne pas faciliter la bonne compréhension des enjeux de ces communautés.

« Il y a toujours un risque car souvent les Québécois oublient la présence des francophones hors de leur province. Il faudra voir comment sont réparties les responsabilités spécifiques et peu importe qui sera en charge, il faudra que les francophones hors Québec mettent de la pression et se fassent entendre », pense M. Denis.

Une francophonie sous-représentée

La francophonie hors Québec reste très peu représentée au conseil des ministres, avec la seule nomination de l’acadien Dominic LeBlanc, au poste de leader du gouvernement à la Chambre des communes. Un constat que regrette de faire l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC).

« La sous-représentation de la francophonie hors Québec est à déplorer dans ce nouveau gouvernement. Toutefois, nous nous réjouissons du choix de l’honorable Dominic LeBlanc comme leader du gouvernement à la Chambre des communes et nous espérons qu’il sera un soutien important pour les enjeux des communautés francophones et acadiennes » a déclaré Blandine Ngo Tona, présidente de l’AFFC.

M. Denis partage cette analyse, mais tempère : « Ce n’est effectivement pas très réjouissant. Toutefois, on constate que ce conseil des ministres abrite beaucoup de gens bilingues. C’est sans doute le conseil le plus bilingue de l’histoire du pays ce qui est encourageant pour les francophones hors Québec qui appuient la dualité linguistique du pays. »

Les ministres ontariens Bill Morneau et Catherine McKenna et le néo-écossais, Scott Brison, font partie de cette cohorte de députés bilingues, cependant leurs mandats respectifs ne sont pas directement liés à la question des langues officielles.

Selon le professeur M. Denis, les francophones vont donc devoir rester sur leurs gardes.

« Historiquement les libéraux sont plus favorables à la question des langues officielles. C’est un héritage de Pierre Elliott Trudeau. Mais il y a toujours un danger à baisser la garde en pensant que ce sont les amis des minorités francophones qui sont au pouvoir et que donc, tout ira bien. Mais je ne suis pas inquiet, les francophones ont compris qu’il fallait toujours se battre, c’est dans leur culture. »