Les garderies franco-ontariennes demandent de l’aide

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Plusieurs centres de la petite enfance franco-ontariens s’inquiètent de la durée des mesures sanitaires mises en place pour lutter contre la COVID-19 qui les obligent à rester fermés. Ils demandent de l’aide aux différents paliers de gouvernement.

Depuis plus d’un mois, les huit centres de l’organisme sans but lucratif franco-ontarien, Rayon de Soleil, répartis entre Kapuskasing, Iroquois Falls, Hearst, Moonbeam et Timmins, ont fermé leurs portes aux 625 familles qu’ils desservent habituellement.

« J’ai dû congédier nos 60 employés. Je suis la seule personne encore en poste », témoigne la directrice générale, Ann Parker.

La situation est pratiquement la même pour le Centre éducatif Les Petits trésors, dans l’Est ontarien, même si deux de ses dix sites restent ouverts pour les familles qui travaillent dans les services essentiels.

« Nous avons une centaine d’employés qui ont été mis à pied temporairement. Ce qui m’inquiète à long terme, c’est que, selon les normes provinciales, après 13 à 20 semaines, ce ne seront plus des mises à pied temporaires, mais ça deviendra des licenciements. Nous n’avons pas les moyens de payer des indemnités pour 100 employés », explique la directrice générale Nancy Kelly.

Le risque de perdre une expertise

Dans le comté de Simcoe, la Clé d’la Baie a développé un réseau de six garderies, toutes fermées aujourd’hui. Les 32 éducatrices et membres du personnel de soutien ont été mis à pied et Sylvia Bernard, directrice générale de l’organisme, craint de perdre ces précieuses ressources humaines.

« Il y a une pénurie de personnel en petite enfance, notamment d’éducatrices qualifiées. C’est encore plus vrai en milieu francophone. J’aimerais garder mon personnel, mais je crains que certains employés rejoignent les conseils scolaires, via le programme PAJE [Programme d’apprentissage des jeunes enfants], qui offrent des salaires compétitifs et qui, eux, peuvent toujours embaucher, car ils reçoivent encore leur financement. »

Mme Parker confirme cette possibilité puisque déjà trois de ses anciens employés ont retrouvé un emploi.

« Ce n’est pas facile de trouver du monde qualifié », souligne-t-elle. « Avant la fermeture, j’avais un réseau de superviseures avec lesquelles nous avions développé une relation de confiance. Je ne voudrais pas perdre tout ce qu’on a construit. »

Des projets en pause

Dans la région de York, la fermeture des centres de petite enfance est intervenue au moment où le deuxième site administré par l’Association des francophones de la région de York (AFRY), à Richmond Hill, devait accueillir ses premiers enfants dans les nouveaux locaux de l’Académie de la Moraine.

« Les parents étaient tellement contents », rapporte la directrice générale de l’AFRY, Nadia Martins. « La situation actuelle nous oblige à mettre nos projets en pause. Nous ne sommes plus dans une logique d’expansion, mais de survie. » 

La directrice générale de l’AFRY, Nadia Martins. Gracieuseté : journal Le Métropolitain

Tous les intervenants interrogés le disent, l’activité reprendra, tôt ou tard. Aucun n’envisage pour le moment de fermeture définitive.

« Nous préparons déjà un plan de reprise. On évalue plusieurs scénarios, en fonction de quand nous pourrons rouvrir, notamment pour les camps d’été », dit Mme Martins.

Des impacts sur d’autres projets

Pour l’heure, l’absence d’activités se traduit par des pertes financières importantes.

« Les subventions sont versées pour nous aider à avoir des salaires compétitifs et par journée d’opération, donc nous n’avons rien en ce moment. Sans inscription dans nos garderies, nos pertes de revenus équivalent à 90 000 $ par mois », évalue Mme Bernard.

Et ces pertes affectent directement La Clé d’la Baie, poursuit-elle. L’organisme avait développé un audacieux plan d’affaires avec trois entreprises sociales – des services de garde, un service de traiteur et des camps d’été – qui lui assuraient jusqu’ici des revenus additionnels confortables. Mais aucune ne fonctionne actuellement.

« Ça permet de financer certains postes supplémentaires et des projets, surtout ceux pour lesquels les gouvernements nous demandent de trouver une partie de la somme par nous-mêmes. Là, on n’a plus de marge de manœuvre. »

Aide gouvernementale demandée

Si la situation est partout la même en Ontario, elle revêt un caractère particulier pour la communauté franco-ontarienne. Dans un rapport publié en 2016, le commissaire aux langues officielles de l’époque, Graham Fraser, insistait sur l’importance des services en français dès la petite enfance pour conserver les élèves dans le système scolaire francophone en milieu minoritaire.

Les regards se tournent donc vers les gouvernements desquels les organismes espèrent des mesures adaptées.

« La subvention salariale fédérale de 75 %, ce n’est pas assez pour un organisme qui n’a aucun revenu », souligne Mme Kelly.

Mme Bernard propose une solution.

« Pourquoi est-ce que le gouvernement provincial ne paierait pas les 25 % restants en utilisant les fonds d’opération des garderies qu’il n’utilise pas actuellement? Ça nous permettrait de réembaucher notre personnel qui pourrait travailler sur un plan de reprise, la planification d’activités ou d’autres services, comme nos centres On y va qui restent en opération avec des activités virtuelles. »

La directrice générale de La Clé d’la Baie en Huronie, Sylvia Bernard. Montage ONFR+

La région de York songerait déjà à une façon de maintenir les services en place, souligne Mme Martins. Elle propose que, de leur côté, les gouvernements provincial et fédéral paient les charges fixes des garderies.

La Clé d’la Baie fait partie des organismes franco-ontariens qui ont tiré la sonnette d’alarme, en réponse au sondage réalisé par l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) du 19 au 27 mars. Mme Bernard compte sur l’AFO pour relayer ces inquiétudes auprès des gouvernements.

Un message que le président de l’AFO, Carol Jolin, a résume ainsi, mardi, par voie de communiqué : « Les gouvernements devront faire preuve de flexibilité. (…) La pérennité de plusieurs de nos organismes ne tient qu’à un fil. (…) À la sortie du confinement, nous souhaitons un réseau franco-ontarien tel qu’il était avant la crise. »