Les Jeux de la Francophonie à Moncton-Dieppe compromis

Crédit image: Organisation internationale de la francophonie

OTTAWA – L’organisation des 9èmes Jeux de la Francophonie au Nouveau-Brunswick est compromise par une hausse importante des coûts que le gouvernement provincial ne veut assumer. Fredericton laisse jusqu’au 30 janvier pour trouver une solution.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Candidat déclaré en 2015 pour accueillir les Jeux de la Francophonie en 2021, le Nouveau-Brunswick avait emporté la mise en avril 2016, devant la Guadeloupe et Sherbrooke. Du 23 juillet au 1er août 2021, plus de 3 500 athlètes et artistes de la francophonie internationale sont attendus à Moncton et à Dieppe.

Mais à deux ans de l’événement, rien n’est encore fait. Selon des informations révélées par Radio-Canada en décembre, la facture prévue pour ces Jeux est passée de 17 millions $ à 130 millions $.

De quoi menacer la tenue de l’événement, car le gouvernement de Blaine Higgs a déjà prévenu qu’il ne débourserait pas plus que 10 millions $, expliquant que la situation économique de la province ne permet pas d’en faire davantage.

Dans un échange de courriels avec #ONfr, Comité national organisateur des Jeux de la Francophonie (CNJF) 2021 reste évasif sur les raisons de cette hausse de la facture.

« La candidature préparée et déposée par le gouvernement du Nouveau-Brunswick en 2015 comprenait une estimation de coût qui reposait sur le budget conventionnel prescrit par le Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF). Le plan d’affaires qui a été élaboré en 2018 par le CNJF de 2021, en collaboration avec des experts de renommée internationale, comprenait une analyse approfondie et des renseignements détaillés. »

Mardi, le vice-premier ministre du gouvernement progressiste-conservateur néo-brunswickois, Robert Gauvin, a donné jusqu’au 30 janvier pour trouver une solution, sans quoi la province annulera sa candidature.

LeBlanc dénonce l’ultimatum

Le financement des Jeux de la Francophonie repose sur plusieurs partenaires. Outre la province, les villes hôtes et la communauté francophone comptent parmi les bailleurs de fonds, tout comme le gouvernement fédéral. Le ministre des Affaires intergouvernementales et du Nord et du Commerce intérieur, Dominic LeBlanc, regrette l’ultimatum lancé par Fredericton.

« Bien que nous avons eu une bonne rencontre avec le vice-premier ministre Robert Gauvin la semaine dernière pour discuter des Jeux, nous n’avons toujours pas reçu de proposition concrète du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Au lieu de recevoir un plan du gouvernement provincial, nous n’avons reçu qu’un ultimatum. Nous avons clairement exprimé notre engagement : le gouvernement fédéral versera une contribution équivalente à celle des provinces et des municipalités. C’est une politique de longue date du gouvernement du Canada, qui remonte au gouvernement conservateur précédent. Si les conservateurs [du Nouveau-Brunswick] sont sérieux quant à leur volonté d’accueillir les Jeux de la Francophonie, on s’attend à ce qu’ils présentent un plan formel qui ne laisse pas d’argent fédéral sur la table. »


« Les Néo-Brunswickois méritent que leur gouvernement provincial fasse preuve d’honnêteté si ce dernier a l’intention d’annuler ces jeux » – Dominic LeBlanc, ministre fédéral


Du côté du CNJF, on dit « comprendre que les coûts sont une source de préoccupation » et être « déterminé à travailler avec ses partenaires fédéraux, provinciaux et municipaux pour explorer toutes les possibilités ». Le comité se dit encore confiant.

Sortir de l’argument économique

Dans une lettre diffusée le 14 janvier, le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Robert Melanson, invite la province à voir au-delà du simple argument financier, insistant sur les avantages diplomatiques d’une telle organisation.

« Si le gouvernement du Nouveau-Brunswick se limite à la question financière pour analyser les coûts et les avantages des Jeux, ce sera le début de l’effritement non seulement de la place de l’Acadie sur la scène internationale, mais également de la place du Nouveau-Brunswick, et par extension des provinces atlantiques à l’intérieur de notre fédération canadienne. Est-ce que notre statut en tant que « province pauvre » signifie que nous ne serons jamais dignes d’accueillir des événements d’envergure internationale sur notre territoire? Vivons-nous dans un Canada à deux vitesses : un Canada où les provinces fortunées peuvent jouer sur la scène internationale et s’épanouir alors que les provinces dites « pauvres » sont condamnées à une éternelle gestion de décroissance? », interroge-t-il.

Pour la SANB, l’accueil d’un tel événement constitue une occasion à ne pas manquer.

Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, se dit très préoccupé.

« C’est une question de fierté pour la francophonie canadienne qui n’a pas accueilli ces jeux depuis ceux d’Ottawa-Gatineau en 2001. C’est aussi une question de l’impact qu’aurait une annulation des Jeux sur le Canada et sur sa réputation. Si on croit à la dualité linguistique canadienne, si on croit aux occasions de rayonnement et de retombées économiques que représentent ces Jeux pour notre pays, on trouvera une solution. J’exhorte les partenaires autour de la table à travailler ensemble pour cette solution. »

Des prévisions à revoir

Les derniers Jeux de la francophonie, à Abidjan, en 2017, auraient coûté un peu plus de 50 millions de dollars, selon les chiffres rendus publics. De quoi faire réfléchir le CIJF.

« Jusqu’à présent, et dans les guides de candidature précédents, le budget conventionnel était fixé à 10 millions d’euros [soit 15,1 millions de dollars]. Ce plafonnement visait à contenir le budget des Jeux, et ce notamment par souci de solidarité avec les pays du Sud pour que tout pays puisse être en mesure de les organiser, les Jeux étant organisés en alternance Nord/Sud. Récemment, une réflexion a été initiée sur ce sujet par les États et gouvernements membres du Conseil d’orientation du CIJF et celle-ci est actuellement en cours notamment pour les Jeux 2025. Il a été reconnu que, prenant en compte l’évolution des Jeux, ce budget conventionnel de 10 millions d’euros était désormais sous-estimé », explique le Directeur par intérim du CIJF, Thomas Gil, à #ONfr.