Médias francophones hors Québec : des solutions proposées

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OTTAWA – Dans un mémoire remis à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, dans le cadre des consultations pancanadiennes sur les langues officielles, une coalition de trois organismes représentant les médias en milieu minoritaire demande une intervention urgente du gouvernement fédéral.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

L’Association de la presse francophone (APF), l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARCC) et le Quebec Community Newspapers Association (QCNA) ont décidé de faire cause commune pour assurer l’avenir de leurs membres.

Les trois organismes demandent à Ottawa un investissement immédiat dans leur réseau afin de répondre à la situation. Sans évoquer une somme précise, ils proposent que ce fonds d’urgence soit constitué d’un pourcentage fixe de l’enveloppe des publicités gouvernementales ou de l’investissement 1,9 milliard de dollars sur 5 ans promis dans le secteur des arts et de la culture dans le dernier budget.

« Depuis 2006, l’ensemble des médias communautaires en situation minoritaire a été privé de revenus de publicités fédérales pour environ dix millions de dollars », souligne le président de l’APF, Francis Sonier, qui représente 22 journaux communautaires francophones en milieu minoritaire dans huit provinces et deux territoires. « L’impact a été majeur! »

Cette situation, les membres de l’APF la partagent avec leurs homologues anglophones de QCNA et les 27 radios communautaires de l’ARCC.

« Trois de nos stations n’ont plus d’employé, cinq ont un employé à mi-temps et quatre n’ont qu’un seul employé… Le manque de ressources financières est à l’origine de ce problème », explique le secrétaire général de l’ARCC, François Coté. « Si le gouvernement répond à notre demande, cette somme servira principalement à embaucher du personnel. »

Après leur passage devant le comité permanent du Patrimoine canadien en mars dernier, les trois organismes ont voulu aller plus loin dans leur réflexion et proposer des solutions à court, moyen et long terme.

« Ce que nous voulons, c’est collaborer avec le gouvernement pour trouver des solutions. Nous espérons des réponses dès le début de l’année 2017. Le dossier traîne depuis trop longtemps et beaucoup de nos membres survivent difficilement », insiste M. Sonier.

Le président de l’APF se dit toutefois optimiste, jugeant que « l’écoute est là » et que les demandes formulées « sont raisonnables ». M. Sonier indique d’ailleurs à #ONfr qu’il se rendra à Ottawa dans les prochains jours pour poursuivre son démarchage et ses discussions avec les élus et les ministères.

Virage numérique

Outre cet investissement immédiat qui permettrait de parer au plus pressé, l’APF, l’ARCC et le QCNA souhaitent également obtenir, à moyen terme, une aide pour réaliser le fameux « virage numérique » si cher à la ministre Joly.

« Nous sommes tout à fait d’accord avec ce virage, mais le gouvernement doit aussi respecter que nous le fassions à notre rythme. Certaines de nos communautés n’ont même pas l’internet à haute vitesse, donc il faut aussi tenir compte de cette réalité-là », souligne M. Coté.

Les trois signataires du mémoire proposent également, à plus long terme, la mise en place d’un fonds permanent pour le développement des médias communautaires en situation minoritaire qui serait évalué tous les cinq ans afin d’en vérifier l’efficacité. Le financement de ce fonds pourrait être réalisé via une taxe sur l’achat des produits électroniques ou par une réévaluation du Fonds du Canada pour les périodiques dans lequel serait prévu un pourcentage dédié aux médias qui desservent les communautés de langue officielle en milieu minoritaire.

L’APF, l’ARCC et le QCNA souhaitent également qu’un volet « carrières vouées aux médias communautaires en situation minoritaire » soit mis en place au sein du programme Jeunesse Canada au travail afin de pouvoir répondre aux besoins de relève et propose l’instauration d’un crédit d’impôt pour les entreprises qui achètent de la publicité dans les médias.

Tableau APF

« Nous sommes prêts à attendre la prochaine Feuille de route pour les langues officielles, en ce qui concerne nos solutions à long terme, mais en ce qui concerne une intervention urgente, on espère que quelque chose sera annoncée dès le prochain budget », précise M. Coté.

Particularisme

La situation évoquée par les trois organismes est commune à tous les médias à travers le Canada et le monde. Mais en contexte minoritaire, elle prend une proportion encore plus grande, selon M. Sonier.

« Notre mandat est unique, car nous sommes souvent la seule source d’information pour nos communautés. Nous sommes sur le terrain, parlons de leurs réalités et contribuons à leur essor et à leur vitalité. Notre rôle est complémentaire des grands médias, mais pour offrir du contenu et de l’information de qualité, cela prend des ressources! »

Un point de vue que partage le secrétaire général de l’ARCC.

« C’est difficile de répondre au mandat que nous donne le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de faire de l’information locale avec si peu d’employés. Nous ne pouvons pas compter que sur des bénévoles pour développer du contenu. »

Selon le président de l’APF, le gouvernement doit intervenir pour répondre à ses obligations contenues dans la Loi sur les langues officielles du Canada d’appuyer le développement et l’épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire.

Une plainte est d’ailleurs actuellement entre les mains du commissaire aux langues officielles (CLO) du Canada sur le financement des médias francophones hors Québec. Le rapport devrait être remis aux plaignants très prochainement, selon le CLO.