Les poètes franco-ontariens réunis à Ottawa contre les coupes de Ford

Les poètes lors de l'événement, mercredi soir. Crédit image: Sébastien Pierroz

OTTAWA – Six mois après la manifestation franco-ontarienne à l’hôtel de ville, un autre vent de résistance soufflait à Ottawa, mercredi soir. Les poètes franco-ontariens s’étaient donné rendez-vous à la Librairie du soleil. Avec l’objectif de présenter le recueil collectif Poèmes de la résistance en réponse aux compressions du gouvernement Ford.

Des 37 auteurs qui ont participé à l’ouvrage, quasiment la moitié – tous de la région d’Ottawa – s’est succédé au micro installé au cœur de la librairie. Ballons verts et drapeaux franco-ontariens déployés au-dessus des étagères de livres, on comprend que l’objectif était un thème et une langue, beaucoup plus qu’un ouvrage.

« Je suis l’ohm de la situation, l’ohmbudsman de la résistance électrique et du bilinguisme en conduction. Je suis fil-de-fériste grimpant le long des murs », fait part Éric Charlebois au moment de son passage. « Nous sommes nous serons, et nous savons nous battre pour notre place », scande un peu plus tard Daniel Groleau Landry.

Le poète Daniel Groleau Landry lors de sa lecture. Crédit image : Sébastien Pierroz

Pourquoi avoir accepté de faire partie du recueil? Les poètes le disent à ONFR+, la main sur le cœur, et les mots poétiques jamais loin. « Il s’agit de faire prendre conscience d’une situation inacceptable. Ce gouvernement est arrivé avec le sabre à la main, et il faut marquer le moment », laisse entendre Jean Boisjoli.

L’auteur de La mesure du temps, sacré meilleur livre francophone provincial en 2017 – le fameux prix littéraire Trillium – était revenu à la poésie par l’intermédiaire de ce recueil.

À côté de lui, Sonia-Sophie Courdeau abonde dans le même sens. « On vient de différents endroits, on a nos différentes réalités, mais il y a quelque chose de rassembleur. »

Genèse du projet

Si le recueil a été lancé ce mercredi, son idée serait née tout de suite après les coupes du « jeudi noir » le 15 novembre dernier. Ce jour-là, le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford annonçait la fin du projet de l’Université de l’Ontario français et la disparition du poste de commissaire aux services en français occupé par François Boileau.

« Un poème spontané Dire la lumière de notre colère avait circulé sur internet », raconte l’un des instigateurs du projet, Stéphane Cormier des Éditions Prise de parole.

Les auteurs Jean Boisjoli, Michel Ouellette et Sonia-Sophie Courdeau. Crédit image : Sébastien Pierroz
 
« C’était un poème rapaillé de plusieurs poètes, une idée lancée par Andrée Lacelle dès l’annonce des coupes. Ça m’a donné l’idée de poursuivre l’aventure, mais dans un recueil. »

Et de poursuivre : « Nous avons déjà fait des contes et des ouvrages scientifiques collectifs, mais c’est la première dans une histoire récente que la maison cordonne un collectif de poésie. »

L’intérêt de le dire en poésie

Essais universitaires, articles de journaux ou même, romans, les écrits sont souvent utilisés pour la défense d’une cause. La poésie un peu moins. Un fait qui ne la rendrait pas du tout moins utile.

« La poésie permet par des images de dire les choses autrement », avance Jean Boisjoli. « Si on compare à la pensée universitaire qui est peut-être trop aride, la poésie permet de faire bercer, ce qu’on ne peut pas faire dans un essai. »

« On laisse à nos lecteurs le soin de s’approprier le texte, c’est plus possible en poésie », soutient Sonia-Sophie Courdeau.

Pour Michel A. Thérien, « la poésie reste avant tout l’origine de l’expression ». Pour l’auteur de La fluidité des heures, elle demeure « une force philosophique et intellectuelle ».

Et de conclure : « C’est maintenant le moment de l’affirmation par groupe, car l’affirmation individuelle, on la fait depuis l’école primaire. »