Les priorités du nouveau commissaire aux langues officielles

Le recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, Raymond Théberge. Crédit image: Université de Moncton

OTTAWA – Le gouvernement de Justin Trudeau a confirmé, jeudi 30 novembre, son choix de proposer le nom de Raymond Théberge comme nouveau commissaire aux langues officielles du Canada. Alors que sa candidature doit encore être confirmée par la Chambre des communes et le Sénat, l’actuel recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton est très attendu par les communautés francophones en situation minoritaire.

SÉBASTIEN PIERROZ
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BENJAMIN VACHET
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Se faire connaître

Actuel recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, Raymond Théberge connaît bien les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Avant de s’établir au Nouveau-Brunswick en 2012, ce Franco-Manitobain d’origine a travaillé au sein du Collège universitaire de Saint-Boniface. Il a également été sous-ministre adjoint en Ontario à la Division de l’éducation en langue française, de l’éducation des autochtones et de la recherche au ministère de l’Éducation et ministère de la Formation, des Collèges et Universités.

« Son expérience et sa compréhension des mécanismes gouvernementaux lui seront utiles en tant que chien de garde pour les communautés de langues officielles », explique la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

Il n’en demeure pas moins que le choix du gouvernement reste une surprise et que M. Théberge demeure peu connu du grand public.

« Je ne le connais pas personnellement ni de réputation », a d’ailleurs confié le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, à #ONfr. « Mais c’est un candidat avec un profil très intéressant. »

La politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, dresse un parallèle avec son prédécesseur.

« Graham Fraser était connu lors de sa nomination, ce n’est pas le cas de M. Théberge. Au-delà du Nouveau-Brunswick et du Manitoba, il aura un travail de crédibilité pour mieux se faire connaître. »

Lever les doutes

À côté des noms qui ont filtré pour le poste de commissaire aux langues officielles du Canada comme celui du commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, de la politologue de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, de l’avocat spécialiste des droits linguistiques, Michel Doucet ou encore de la commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Katherine d’Entremont, le nom de Raymond Théberge a soulevé des doutes quant à sa capacité à pouvoir s’opposer au gouvernement libéral.

« Nous avons besoin d’un chien de garde qui a des dents. M. Théberge n’aura pas le luxe du temps, il va falloir qu’il soit affirmatif, qu’il soit solide, qu’il fasse des déclarations fortes, qu’il soit présent », souligne d’ailleurs M. Johnson.

Autant dire que M. Théberge sera attendu au tournant.

« On va laisser sa chance au coureur », lance le porte-parole aux langues officielles du Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette.


« Le dossier des langues officielles est dans une situation très précaire et on ne peut se permettre d’avoir un commissaire qui n’a pas de mordant. » – François Choquette, député néo-démocrate


Pour Mme Chouinard, les doutes soulevés par cette nomination pourraient avoir des conséquences.

« C’est quand même surprenant que le gouvernement n’ait pas été plus transparent durant la controverse entourant Madeleine Meilleur. M. Théberge devra répondre probablement à des questions, car son nom ne semblait pas avoir été considéré. Je ne serais pas surprise s’il y a des demandes d’accès à l’information effectuées. »

Modernisation de la Loi sur les langues officielles

La Loi sur les langues officielles (LLO) fêtera ses 50 ans en 2019 et plusieurs voix s’élèvent pour demander sa modernisation.

« Ça sera le premier défi de M. Théberge. Il y aura beaucoup de pression afin de refondre la loi de part et d’autre. Le droit de travailler dans l’une des deux langues officielles n’est pas effectif, et il s’avère que de moins en moins de fonctionnaires travaillent en français », explique Mme Chouinard.

Le comité sénatorial sur les langues officielles travaille actuellement sur cette question, tout comme le Commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada, qui a entamé une étude de la LLO sous l’impulsion de la commissaire par intérim, Ghislaine Saikaley, et prévoit faire connaître les fruits de son travail à l’automne 2018.

« Le prochain commissaire va devoir développer son positionnement face à la modernisation de la Loi et rendre publique sa position par rapport à quel genre de changements, il voit », commente Mme Saikaley.

Un avis que partage le président de la FCFA.

« Il faut réfléchir à comment on peut renforcer le rôle du commissaire pour qu’il soit beaucoup plus déterminant que de simplement déposer des rapports. Il devrait y avoir des conséquences quand les ministères ne respectent pas leurs obligations linguistiques », juge M. Johnson.

Plan d’action sur les langues officielles

En avril prochain, le gouvernement libéral dévoilera les contours de son nouveau plan d’action pour les langues officielles. Une stratégie fédérale très attendue par les communautés francophones en situation minoritaire.

« Le commissaire devra veiller à ce que le nouveau plan d’action fasse vraiment une différence et contribue réellement au plein épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire », estime le député néo-démocrate, François Choquette.

 


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