Les propos de Denise Bombardier sur les francophones hors Québec font réagir

La journaliste et romancière Denise bombardier, aux côtés de l'ancien premier ministre du Canada, Jean Chrétien, sur le plateau de l'émission Tout le monde en parle. Capture d'écran

MONTRÉAL – De passage à la très populaire émission québécoise, Tout le monde en parle, diffusée le dimanche 21 octobre, la journaliste et romancière Denise Bombardier a provoqué un tollé sur les médias sociaux auprès des communautés francophones de l’extérieur du Québec.  

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« On ne peut pas dire que c’est le Canada qui a fait que les Québécois parlent encore français. À travers le Canada, toutes les communautés francophones ont à peu près disparu. Il en reste encore un peu en Ontario. Au Manitoba, je suis allée encore au mois de janvier, chez les Métis, on ne parle plus le français. C’est parce que le nationalisme québécois, ça a été le vecteur qui a permis au français d’exister et de persister », a lancé Mme Bombardier dans un échange avec l’ancien premier ministre du Canada, Jean Chrétien.

Ses propos lors du rendez-vous hebdomadaire québécois Tout le monde en parle, à l’antenne de Radio-Canada, ont rapidement suscité des réactions indignées sur les médias sociaux, qui se sont poursuivies encore ce lundi.

« Madame, 2,7 millions de francophones vous écoutent et comprennent. Peut-être devriez-vous aller visiter le Centre de la francophonie des Amériques ou rencontrer la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada », a réagi sur son compte Twitter l’Acadien d’origine, Ricky Richard.

« C’est en effet choquant de voir comme des vieux clichés basés sur des préjugés continuent d’alimenter la profonde ignorance des Québécois sur ce qui se passe hors Québec concernant la francophonie », a poursuivi Bruno Lagacé. Et de s’interroger : « Denise Bombardier s’est rendue où au Manitoba? De toute évidence, elle n’a visité aucune institution francophone dans la province… ni de multiples autres organismes très actifs dans la communauté. »


« Ces commentaires sont d’une ignorance crasse, indignes de Rad-Can! » – Françoise Sigur-Cloutier, ancienne présidente de l’Assemblée communautaire fransaksoise


L’animateur et chroniqueur Hugues Beaudoin-Dumouchel, à Ottawa, n’en revenait pas.

« Sur les francophones hors Québec, Madame Bombardier qui dit à #tlmep : « y’en a un petit peu en Ontario ». Y’en a 600 000, calvaire. Je lui suggère d’en rester à l’écriture parce que les mathématiques, c’est clairement pas son domaine. »

Le directeur des communications de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Serge Quinty a partagé son agacement.

« Cette propension qu’ont certains dans les médias québécois à parler des francophones hors Québec (le plus souvent pour proclamer leur fin) sans *leur* parler m’agace profondément. »

Encore du chemin à faire

Pour la politologue du Collège militaire royal du Canada, à Kingston, Stéphanie Chouinard, la sortie de Mme Bombardier prouve qu’il reste du travail à faire.

« Il y a 1 000 000 de francophones hors Québec – autant qu’il y a d’anglophones au Québec. 1 000 000 à se battre au quotidien pour la survie du français – dans des conditions plus difficiles qu’au Québec. Vos propos d’hier démontrent que leur lutte n’est pas finie… »

Selon Martin Normand, stagiaire post-doctoral à la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques à l’Université d’Ottawa, les propos de Mme Bombardier traduisent une certaine ignorance.

« Ses propos traduisent une méconnaissance regrettable de la #frcan. Tout aussi regrettable : les invités qui opinent autour de la table et les producteurs qui ont conservé cet extrait au montage. »

Interrogée par #ONfr, la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly a également réagi dans une déclaration écrite.

« La langue française est au cœur de l’histoire de notre pays. Elle fait partie de notre ADN, de qui nous sommes.‎ En tant que gouvernement, nous allons toujours promouvoir et défendre les intérêts des communautés de langue officielle en situation minoritaire, comme celles d’expression française que l’on retrouve d’un bout à l’autre du pays. Notre gouvernement est fermement engagé à promouvoir et à soutenir la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, dont les contributions à notre société sont inestimables. »

Invitations

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a invité Mme Bombardier à participer à son congrès de la fin de semaine prochaine, à Toronto.

« L’AFO vous invite à rencontrer près de 350 de ses leaders à notre congrès, qui se déroule en fin de semaine à Toronto. Vous verrez que la francophonie est loin d’être morte! »

Même son de cloche du côté de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) qui propose à Mme Bombardier d’assister au Tintamarre du 15 août prochain, à Caraquet, « pour qu’elle puisse voir en personne la vitalité des francophones hors Québec ».

Une invitation également lancée par la FCFA et le Centre de la francophonie des Amériques à l’intention de la journaliste.

« Naturellement, nous sommes en désaccord avec cette interprétation des choses. @DeniseBombardi3, venez nous rencontrer. Ça nous fera plaisir de jaser francophonie avec vous. »

Dany Turcotte, qui tient le rôle de fou du roi aux côtés de l’animateur Guy A. Lepage dans l’émission Tout le monde en parle a réagi à la controverse dans un gazouillis, soulignant : « Y a aussi de fiers francophones au Canada! »

Précédent

Les critiques envers les propos de Mme Bombardier ne sont pas sans rappeler celles adressées au chroniqueur du Journal de Montréal, Mathieu Bock-Côté, pour sa chronique parue en 2017.

« Le Canada officiel a besoin des francophones comme bibelots pour se différencier des États-Unis. Longtemps, il a travaillé à les faire disparaître culturellement. Maintenant, il tient les francophones hors Québec sous respirateur artificiel », écrivait le chroniqueur.

Sa chronique lui avait valu plusieurs critiques, dont celle du député fédéral franco-ontarien, Francis Drouin.


POUR  EN SAVOIR PLUS :

Le long soupir des francophones supposément « sous respirateur artificiel » [CHRONIQUE]

« Nous ne sommes pas sous respirateur artificiel », affirme Drouin