Les radios francophones font front contre la COVID-19

Le studio de radio d'Unique FM, à Ottawa. Archives ONFR+

Moins d’événements, moins de publicités, des coûts supplémentaires pour réorganiser les studios… Les temps sont durs pour les radios francophones en milieu minoritaire, dont la situation était déjà précaire avant la COVID-19. Mais contre vents et marées, elles font face et peuvent compter sur le soutien de leurs auditeurs.

« C’est assez déroutant, mais ce sont finalement les grosses radios qui souffrent le plus de la situation actuelle. La baisse des revenus publicitaires et l’absence d’événements locaux les affectent davantage », explique Alexandre Schmitt, président de l’Alliance des radios communautaires (ARC) du Canada qui regroupe 28 stations de radios francophones dans sept provinces et deux territoires.

Pour les stations implantées dans une région où la démographie francophone est moindre, la publicité locale n’est souvent pas la source principale de revenus, ce qui explique ce paradoxe.

« On a des réalités vraiment différentes selon les provinces. Et puis, la COVID-19 n’a pas frappé et paralysé l’économie de la même manière partout », poursuit le président de l’ARC.

Au départ de la pandémie, plusieurs radios ont dû se résoudre à mettre à pied leurs employés, mais la subvention salariale d’urgence du gouvernement fédéral a permis à beaucoup d’entre elles de les réintégrer.

« La pandémie a mis en exergue la précarité des radios », analyse Marie Gaëtane Caissie, directrice générale du Mouvement des intervenants en communications radio de l’Ontario (MICRO), qui compte cinq radios francophones en Ontario.

L’intervention salvatrice de Caroline Mulroney

Dans ce portrait guère encourageant, quelques rayons de soleil sont venus toutefois percer la grisaille. À Casselman, la radio FM 92,1 a dû reporter ses projets d’expansion, initialement prévus au printemps. Mais elle a aussi pu compter sur le soutien bienvenu du gouvernement ontarien, non sans une intervention décisive de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, explique Mathieu Manning.

« Depuis longtemps, nous demandons au gouvernement provincial de diffuser ses messages dans les radios. Pour la campagne contre la COVID-19, nous avons été entendus. Mais au départ, l’agence qui gère le placement publicitaire gouvernemental avait décidé de diffuser les messages en français uniquement dans les radios de Gatineau. Nous avons écrit un courriel à la ministre Mulroney et une semaine plus tard, c’était réglé », raconte le directeur général qui espère que le gouvernement ontarien continuera d’utiliser les radios pour toutes ses campagnes.

« Nous sommes en mode économie » – Mathieu Manning, FM 92,1

Ce coup de pouce salutaire ne permet pas à la station de l’Est ontarien de rouler sur l’or, mais il aide à compenser les pertes publicitaires.

« Avec ça et notre campagne de levées de fonds hebdomadaire, ça nous permet de maintenir le personnel en place. Tout est sous contrôle, même si on ne roule pas sur l’or. Notre budget reste très serré. En fait, nous ne sommes pas mieux ni pire qu’avant la COVID-19. »

Soutien communautaire

À Kapuskasing, le directeur de la radio CKGN garde le moral.

« Malgré une baisse de la publicité, ça se passe quand même bien. Nous avons peu de cas de COVID-19 dans la région et la vie reprend tranquillement. On commence à récupérer un peu de ce qu’on avait perdu », indique Claude Chabot, qui évalue les pertes liées à la pandémie à environ 20 000 $.

La radio locale a pu compter sur le soutien des auditeurs.

« Le mois dernier, notre radiothon a dépassé notre objectif. Nous avons amassé 15 000 $! », sourit-il.

La radio a même pu se permettre d’embaucher deux nouveaux animateurs au tout début de la pandémie c’est dans des locaux aménagés selon les normes sanitaires que la petite équipe est de retour au bureau depuis mi-juin.

En Atlantique, Jason Ouellette a lui décidé d’innover. Pour convaincre les annonceurs, il travaille à l’installation de panneaux d’affichage électroniques bilingues sur le bord de la route qui leur offriront une meilleure visibilité en plus des publicités à la radio.

« C’est une manière de diversifier nos revenus et de ne pas dépendre uniquement du financement gouvernemental. Un panneau électronique, ça attire l’attention et ça permettra d’afficher du français dans des communautés très minoritaires », explique celui qui est directeur général des radios néo-brunswickoises CHQC, à Saint-Jean, CJPN, à Fredericton et CKMA, à Miramichi, ainsi que de OUI FM à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Jason Ouellette, directeur général de CHQC, CJPN, CKMA et OUI FM. Gracieuseté

Le premier panneau devrait être installé à Saint-Jean d’ici huit à 12 semaines et plusieurs annonceurs ont déjà fait part de leur intérêt.

« C’est l’avenir! », assure-t-il.

La crainte des coupures

Toujours est-il qu’avec la seconde vague qui touche actuellement le Canada, les inquiétudes demeurent à moyen-long terme.

« Mes radios me disent qu’elles fonctionnent un mois à la fois. Elles ne peuvent pas voir plus loin et avancent dans l’inconnu », remarque Mme Caissie.

« On n’est pas sorti de l’auberge, mais on y croit, car on sait à quel point on est nécessaire localement » – Alexandre Schmitt, président de l’ARC

Un constat qui est aussi celui de M. Schmitt à l’échelle nationale.

« On n’est pas mal, mais on n’est pas bien. Disons qu’on vivote comme avant », indique-t-il, craignant d’éventuelles restrictions budgétaires à moyen terme. « Si le fédéral baisse son financement, ce sera une catastrophe! »