Des délais presque deux fois plus longs pour les vétérans francophones

Des vétérans canadiens. Crédit image: Archives TFO

OTTAWA – Dans un rapport publié ce mercredi, l’ombudsman des vétérans, Guy Parent, dénonce des délais de traitement trop longs pour les demandes de prestation d’invalidité des vétérans. Une situation encore plus difficile pour les francophones.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Les conclusions de son rapport, intitulé Répondre aux attentes : Décisions opportunes et transparentes pour les vétérans malades ou blessés du Canada, sont éloquentes. Au total, 70 % des demandes de prestation d’invalidité n’ont pas été traitées dans les limites fixées de 16 semaines.

« Les temps d’attente à Anciens Combattants Canada (ACC) sont beaucoup trop longs, les attentes établies par ACC ne sont pas réalistes vu son arriéré de travail, et des décisions favorables peuvent changer une vie », explique M. Parent. « Dans l’attente d’une décision, les vétérans vivent dans l’incertitude – ils ne sont pas sûrs d’être indemnisés pour leur blessure, que leurs traitements seront couverts ou qu’ils seront en mesure d’accéder à d’autres prestations. II est important de reconnaître que ces retards signifient que les vétérans peuvent vivre des mois, voire des années, d’inquiétude, de stress et d’incertitude. »

En 2016-2017, l’ombudsman rapporte que 20 % des plaintes reçues portaient sur les temps d’attente relatifs à ces décisions. Et les choses ne semblent pas s’améliorer puisque du 1er avril au 31 août 2018, son bureau a déjà reçu 184 plaintes à ce sujet, soit 30 % de toutes les plaintes reçues au cours de cette période.

En moyenne, la durée de traitement observée est de 24 semaines pour les vétérans anglophones. Elle atteint 45 semaines pour les francophones.

« Tous les vétérans méritent de recevoir des décisions opportunes, indépendamment de facteurs comme la langue et le sexe », souligne l’ombudsman.

Manque de personnel bilingue

Les causes de cette différence demeurent difficiles à identifier, selon l’ombudsman. AAC a assuré à l’ombudsman que 18 % des infirmières évaluatrices possèdent les compétences linguistiques requises pour prendre des décisions sur les demandes rédigées en français, tout comme 28 % des arbitres des prestations qui travaillent sur des dossiers moins complexes.

« Il semble donc que les ressources sont en place pour répondre à la demande et pourtant, il y a encore un écart. Il n’est pas clair si les ressources en personnel sont suffisantes ou si les personnes les plus compétentes en français sont affectées en priorité aux demandes rédigées en français », note M. Parent.

Pour le sous-ministre adjoint du Secteur de la prestation des services à ACC, Michel Doiron, la situation s’explique par une hausse importante des demandes.

« D’une certaine manière, nous sommes victimes de notre succès. Nous avons mis en place de nouveaux programmes, notamment en matière en santé mentale, et simplifié le processus, ce qui fait que de plus en plus de vétérans appliquent. »

En quatre ans, le nombre de demandes serait passé de 30 000 à 52 000. En 2018, ACC s’attend à recevoir plus de 60 000 demandes.


« Cette hausse des demandes s’est traduite par une hausse des demandes en français. Notre capacité à traiter cette augmentation était insuffisante faute de personnel bilingue » – Anciens Combattants Canada


Sur 400 employés chargés de traiter les demandes, un tiers serait capable de le faire en français, et pour certains d’entre eux, cela prendrait plus de temps à cause de l’utilisation de termes médicaux francophones spécifiques.

Sept recommandations

Pour régler la situation, l’ombudsman dresse une liste de sept recommandations. Il propose, par exemple, de trier les demandes à la réception en fonction de l’état de santé et des besoins financiers, mais aussi de rembourser tous les frais de soins de santé des vétérans pour les affections approuvées 90 jours avant la date de leur demande.

« Les vétérans méritent d’obtenir des décisions en temps opportun et d’accéder en temps opportun aux prestations dont ils ont besoin. Cependant, pendant qu’ils attendent, ils méritent de recevoir des renseignements plus utiles sur l’état d’avancement de leur demande et une prévision réaliste du moment où une décision sera prise », conclut l’ombudsman.

ACC assure que des mesures ont été prises depuis un an, notamment pour simplifier et accélérer le traitement des demandes. Le ministère aurait également obtenu des ressources financières additionnelles de la part du gouvernement fédéral.

« Nous allons embaucher cent employés de plus par année, pour les deux prochaines années. On a déjà commencé, notamment en recrutant des employés francophones formés en français, pour accélérer le traitement des demandes des vétérans francophones. Ça va nous aider. Est-ce que cela sera suffisant? Pas sûr, mais on travaille aussi à rendre plus efficaces nos pratiques et on espère parvenir à des délais de traitement similaires avant la fin de l’année fiscale », explique M. Doiron.

Dernière mise à jour le mercredi 12 septembre à 16h.