Les visions multiples de la francophonie internationale

Le drapeau de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Crédit image: Archives #ONfr

OTTAWA – Alors que le 20 mars marque la Journée internationale de la francophonie, plusieurs visions existent sur celle-ci. Mais il n’en demeure pas moins que, pour les francophones en milieu minoritaire, des célébrations comme celle d’aujourd’hui permettent de se sentir moins isolés, estiment plusieurs intervenants.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Le président de la France, Emmanuel Macron, a jeté un pavé dans la mare, en cette 30e Journée internationale de la Francophonie. Dans une vidéo diffusée sur Twitter, le politicien français estime que « la francophonie, ça ne marche plus du tout. (…) Les jeunes, ça ne leur parle pas! »

Une vision que nuance la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, qui se montre toutefois ouverte à la démarche du chef d’État français qui a notamment dévoilé, ce mardi, une stratégie pour faire passer le français de la cinquième à la troisième place des langues les plus parlées dans le monde.

« Je crois qu’il faut toujours être vigilant et faire preuve d’originalité et d’ambition pour la francophonie. C’est bien de vouloir sortir des vieux modèles et trouver des façons d’intéresser des jeunes à la francophonie, surtout quand on sait que le nombre de francophones va exploser grâce à la démographie en Afrique. C’est important que les jeunes voient l’intérêt et l’importance d’apprendre la langue française. »

Pour la politologue de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, la lecture française de la francophonie n’est pas toujours juste.

« La francophonie est dans un angle mort pour M. Macron. Il ne comprend pas toujours, ni ne voit, le dynamisme de la francophonie internationale, qui outre l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), compte un réseau important dans la société civile et parlementaire. »

Quel rôle pour l’OIF?

Des visions différentes opposent parfois la France au Canada sur la francophonie internationale, ajoute Mme Cardinal.

« Il y a un débat pour savoir si l’OIF doit être là pour défendre la langue française ou pour se prononcer sur de grands débats de société. Le projet de la francophonie internationale, porté par les pays africains, le Québec et le Canada, voit l’OIF comme une assemblée des peuples de la francophonie avec une volonté d’entraide. La France aborde la question plutôt comme un projet colonisateur rattaché à sa politique étrangère. »

La politologue juge que le Canada pourrait prendre davantage de place dans la francophonie internationale.

« Le Canada est un peu silencieux sur la francophonie, alors qu’il est l’un des plus importants bailleurs de fonds de l’OIF et qu’il peut compter sur sa présence, mais aussi celle du Québec, du Nouveau-Brunswick mais aussi de l’Ontario. »

La ministre Bibeau défend l’approche du gouvernement.

« On s’implique beaucoup au niveau de la francophonie internationale et de l’OIF en particulier. D’ailleurs, toute la question de l’égalité homme-femme, l’entrepreneuriat chez les jeunes et les femmes qui sont poussés par l’OIF s’enlignent avec notre politique. »

Pour le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, il en va de l’intérêt du Canada.

« La capacité bilingue du Canada lui donne accès à des marchés importants. »

Une analyse vraie aussi pour l’Ontario, insiste le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin.

« La participation de notre province à l’OIF est encore récente, mais il y a des gains à faire au sein d’un réseau de 84 états. Le potentiel économique est énorme dans des pays où on n’est pas toujours présent. Et cela peut profiter à la communauté franco-ontarienne et à ses entrepreneurs. »

Une journée pour se rassembler

La Journée internationale de la francophonie fêtait, cette année, ses 30 ans. À la Chambre des communes, les députés néo-démocrates avaient choisi de marquer l’événement en s’exprimant uniquement en français lors de la période des questions.

Si l’impact d’une telle journée peut être questionné, elle est de plus en plus célébrée, souligne Mme Cardinal.

« C’est une journée qui n’était pas aussi célébrée dans le passé, mais qui l’est de plus en plus depuis le début des années 2000 au Canada. La francophonie s’y est institutionnalisée, mais c’est aussi parce que l’international est devenu à la mode. La francophonie permet d’avoir une porte ouverte sur le monde. »

Pour la politologue, il s’agit aussi d’une bonne occasion pour la francophonie minoritaire.

« La francophonie minoritaire a souvent un réflexe défensif vis-à-vis de sa langue et de sa sauvegarde, une telle journée lui rappelle qu’elle fait partie de quelque chose de plus grand. L’immigration et la diversité des communautés francophones de l’extérieur du Québec ont contribué à leur ouverture sur le monde. »

Un avis que partage le président de l’organisme porte-parole des francophones en contexte minoritaire, M. Johnson.

« Une journée comme celle-ci place la langue française partout à travers le monde. »

Pour M. Jolin, il s’agit « d’une occasion de célébrer et de se retrouver autour des différentes activités », mais aussi de se faire voir. L’AFO a d’ailleurs profité de l’occasion pour organiser un brunch avec des élus fédéraux.

Des souhaits pour la Journée de la francophonie

Le président de la FCFA, qui répète espérer entendre davantage le premier ministre appuyer les langues officielles, en profite pour lancer un message au gouvernement.

« Il faut célébrer, mais pas seulement! On doit aussi penser à comment augmenter la francophonie au Canada, notamment en développant une politique nationale sur l’immigration francophone et en investissant directement dans les communautés pour permettre le recrutement, l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants francophones. »