L’heure du rapprochement pour le Québec et la francophonie canadienne

La ministre québécoise responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel. Archives ONFR+

OTTAWA – Les décisions du gouvernement ontarien de Doug Ford qui ont touché les Franco-Ontariens rendent le moment opportun pour un rapprochement entre le Québec et les communautés francophones minoritaires, estiment plusieurs universitaires. Pour la ministre Sonia LeBel, ce rapprochement souhaitable pourrait bénéficier à toute la francophonie canadienne.

« J’ai l’ambition d’atténuer l’opposition entre les francophones du Québec et les francophones en situation minoritaire. S’il y a un endroit où on doit transcender les barrières, c’est bien en francophonie si on veut assurer la pérennité du français au Canada! Le contexte actuel est une occasion à saisir et je souhaite que l’élan de solidarité se poursuive et produise des actions concrètes », a lancé la ministre québécoise responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel.

La ministre était l’invitée d’une journée d’étude intitulée La francophonie canadienne et le Québec : un avant et un après Doug Ford. Réunis à l’Université d’Ottawa, plusieurs universitaires ont réfléchi à l’impact des manifestations de solidarité contre les décisions controversées des progressistes-conservateurs à travers le pays, notamment dans la Belle Province, sur la francophonie canadienne.

« La crise a permis de réactiver certains ressorts qui étaient peut-être enfouis, mais qui n’avaient pas disparu », estime l’historien de l’Université d’Ottawa, Michel Bock. « Le traumatisme dont on a beaucoup parlé des États généraux du Canada français s’est dissipé. La nouvelle constitution de 1982 a plus fait pour éloigner le Québec des communautés francophones minoritaires que les États généraux en mettant sur un même point d’égalité les minorités francophones hors Québec et les Anglo-Québécois. Le Québec s’est trouvé entre l’arbre et l’écorce pour savoir comment défendre les francophones minoritaires sans reculer sur son propre projet de construire une société francophone dans ses frontières. »

Depuis, les relations entre le Québec et les communautés francophones minoritaires ont parfois été compliquées, rappelle la politologue du Collège militaire royale du Canada, Stéphanie Chouinard, notamment lorsque le Québec est intervenu contre ces communautés devant les tribunaux.

Mais pour l’ancien ministre libéral québécois et professeur à l’Université d’Ottawa, Benoît Pelletier, « M. Ford a réussi, malgré lui, a réveillé une sensibilité des Québécois francophones à l’égard des autres francophones du pays. »

La francophonie, c’est politique

Pour le sociologue de l’Université d’Ottawa, E-Martin Meunier, cette décision a également rappelé l’aspect politique de la francophonie canadienne.

« La claque qu’ont reçu tous les francophones, c’est de s’apercevoir que l’idée d’un Canada post-national où on pourrait vivre en français ou en anglais sans problème n’existait pas. Et que si on ne prend pas les moyens pour nous unir, il est possible de voir diminuer la place de la francophonie au Canada. »


« Il y a un devoir moral du Québec par rapport à la francophonie canadienne. Le Québec a le pouvoir de fédérer les élans de solidarité observés » – Benoît Pelletier, ex-ministre québécois


Pour le professeur Meunier, l’union de la francophonie est donc souhaitable et nécessaire.

« Il faut consolider notre force de frappe, un rapport de pouvoir qui va pouvoir affirmer sa place dans l’espace canadien et empêcher que des gens comme Doug Ford puissent annihiler ce qui est très fragile. »

États généraux

Pour canaliser ce mouvement, la tenue d’États généraux du Canada français, qu’envisage la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada comme le révélait récemment #ONfr, pourrait être une bonne option, estime M. Meunier.

« C’est une discussion longue et ardue, mais je pense qu’elle est nécessaire. Il va peut-être falloir se doter de quelque chose d’établi, comme d’une assemblée à la grandeur du Canada, pour avoir un rapport de force qui pourrait peser de tout son poids. Il faut être imaginatif! »


« On convoque généralement des États généraux en moment de crise. Est-ce que la crise actuelle le justifie? Peut-être! » – Michel Bock, historien 


Et le Québec aura un rôle important à jouer, estime l’ancien ministre libéral québécois et constitutionnaliste de l’Université d’Ottawa, Benoît Pelletier.

« Pourquoi le Québec ne profite pas de l’occasion pour réunir le maximum de francophones du pays pour élaborer un plan d’action pour savoir où aller à l’avenir? Cela pourrait envoyer un message que les francophones en situation minoritaire ne sont pas laissés à eux-mêmes et que le Québec est prêt à collaborer, à planifier et à financer des projets avec eux. »


« Le Québec peut utiliser son atout d’être une province francophone et en faire bénéficier toute la francophonie canadienne » – Sonia LeBel, ministre québécoise


Sans s’engager dans cette direction, la ministre LeBel assure que si un tel rassemblement est organisé, le Québec y participera.

« Comme nous sommes une province francophone, on a un rôle important à jouer, mais sans prendre le contrôle des communautés qui connaissent leur réalité », reconnaît-elle.

Le fédéral interpellé

Pour M. Pelletier, le gouvernement fédéral a lui aussi un rôle à jouer dans le contexte actuel.

« La dualité linguistique doit faire partie du discours de tous les ministres et pas seulement de la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie [Mélanie Joly]. On doit aussi entendre le premier ministre! »

La ministre Joly assure des bonnes intentions du gouvernement.

« J’ai été très contente de voir qu’au Québec, les gens reconnaissent la cause des Franco-Ontariens. Dans ma circonscription, il y a eu plusieurs de mes citoyens qui sont venus me voir pour me parler de l’importance de maintenir la pression et c’est ce que nous allons faire. Ce n’est pas une question de partisanerie, c’est une question de principe! »