L’immigration francophone en hausse, mais toujours loin de la cible

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OTTAWA – Stimulée par le programme Entrée express, l’immigration francophone à l’extérieur du Québec a connu une augmentation en 2019. Mais beaucoup reste à faire pour atteindre la cible fédérale de 4,4 %, en 2023, primordiale pour les communautés francophones.

Selon les données obtenues par ONFR+, 2,82 % des nouveaux résidents permanents à l’extérieur du Québec étaient francophones en 2019, soit 8 470 personnes.

Alors que le dossier est, depuis longtemps, prioritaire pour les communautés francophones en situation minoritaire, il s’agit d’un bon signe puisque ce pourcentage restait inférieur à 2 % ces dernières années. Cela reste toutefois loin de l’objectif de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec, fixé pour 2023.

« On peut dire que c’est un pas dans la bonne direction, mais qui arrive 15-20 ans trop tard », analyse Guillaume Deschênes-Thériault, doctorant en sciences politiques à l’Université d’Ottawa dont le sujet de thèse porte sur l’immigration francophone.

« Cette cible de 4,4 % existe depuis 2003. Elle devait initialement être atteinte en 2008! Aujourd’hui, on veut plus de résultats. L’immigration francophone doit être une priorité du ministère. »

Guillaume Deschênes-Thériault, doctorant en sciences politiques à l’Université d’Ottawa. Gracieuseté

Raison pour laquelle le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, ne se montre guère enthousiaste, rappelant qu’en 2018, le gouvernement fédéral a déjà raté une première cible en immigration francophone.

« On joue avec les chiffres pour montrer des gains. Je veux bien reconnaître des avancements, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Il faut que le gouvernement fasse davantage confiance aux communautés pour développer une stratégie « par et pour », au lieu d’appliquer la même recette à l’immigration francophone qu’à celle de la majorité. »

Ces dernières années, plusieurs initiatives ont toutefois été mises en place comme l’ajout de points pour les candidats francophones qui passent par le programme Entrée express, le retour d’un programme spécifique, Avantage significatif francophone (ASF), l’initiative des communautés francophones accueillantes ou encore, l’ajout d’annexe francophone dans les ententes entre le fédéral et certaines provinces, comme l’Ontario et le Nouveau-Brunswick.

Le Nouveau-Brunswick encore loin du compte

En annonçant cette entente en 2017, le gouvernement néo-brunswickois espérait se rapprocher rapidement de son objectif de 33 % d’immigration francophone en 2020. Il n’était pourtant qu’à 14,58 %, en 2019.

Et même si le premier ministre Blaine Higgs a repoussé l’atteinte de cet objectif à 2024, la coordonnatrice par intérim du Réseau en immigration francophone du Nouveau-Brunswick (RIFNB), Véronic Thériault juge qu’il reste encore beaucoup à faire.

« 33 %, ce serait juste le statu quo pour la communauté francophone et acadienne et on ne l’atteint même pas! Il n’y a pas de cible spécifique dans les programmes ni aucune obligation de l’atteindre… Même si on sent qu’il y a un effort de fait pour mettre de l’avant le fait français dans les démarches pour attirer de nouveaux arrivants, le Nouveau-Brunswick reste encore méconnu. Il y a un travail de promotion et de recrutement à faire, mais on sait aussi que l’emploi reste un défi : nous avons une pénurie de main d’œuvre, mais ce ne sont pas toujours des emplois qualifiés susceptibles d’intéresser de nouveaux arrivants. »

Le resserrement des critères d’immigration au Québec offre, selon Mme Thériault, une bonne occasion pour sa province. Mais la COVID-19 inquiète le président de la FCFA.

« C’est important que l’immigration francophone ne soit pas oubliée dans la situation actuelle alors que tout est à l’arrêt », dit-il.

Le président de la FCFA, Jean Johnson. Crédit photo: Archives
Le président de la FCFA, Jean Johnson. Archives ONFR+

Car au-delà des cibles, se joue une question très importante pour la francophonie en milieu minoritaire.

« Chaque année que l’objectif n’est pas atteint correspond à un recul pour les communautés francophones en situation minoritaire qui perdent de leur poids démographique. Or ce poids démographique est important, car beaucoup de programmes et services, comme en éducation, y sont liés », explique M. Deschênes-Thériault.

Même si cet enjeu semble être sur le radar du gouvernement libéral, dit-il, le dossier manque toujours de leadership politique.

« La preuve, c’est que l’immigration francophone ne figure même pas sur la lettre de mandat du ministre [de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] Marco Mendicino. »

Sensibiliser le gouvernement

La FCFA continue donc d’insister auprès des élus. L’organisme dit avoir parlé avec M. Mendicino et avec sa secrétaire parlementaire, Soraya Martinez Ferrada.

« On sent qu’il y a de l’intérêt. On leur demande d’être proactif et de nous inclure dans les discussions. On a un réseau pancanadien en immigration, on sait qu’il y a des francophones qui veulent venir, il faut donc penser à une nouvelle approche », dit M. Johnson.

Pour M. Deschênes-Thériault, il est essentiel d’en faire un enjeu politique.

« Il faut aussi que les ministres et secrétaires parlementaires issus des communautés francophones en milieu minoritaire, comme Mona Fortier ou René Arseneault, par exemple, ainsi que les députés, fassent un travail de sensibilisation auprès du ministre Mendicino et du gouvernement. »

Taux de nouveaux résidents permanents francophones depuis 2015 (hors Québec) :

2015 : 1,33 % (2 975 personnes)

2016 : 1,6 % (3910 personnes)

2017  : 1,77 % (4 135 personnes)

2018  : 1,82 % (4 920 personnes)

2019  : 2,82 % (8 470 personnes)

Article écrit avec les données recueillies par Sébastien Pierroz