L’importance du Parti vert à Queen’s Park

Le chef du Parti vert de l'Ontario, Mike Schreiner, lors du lancement de la campagne de son parti en mai 2018. Crédit photo: Rozenn Nicolle

[ANALYSE]

TORONTO – On ne dira jamais assez à quel point l’élection ontarienne du 7 juin dernier fut historique. D’un côté, le premier changement de couleur politique à Queen’s Park depuis 15 ans, de l’autre, la débâcle du Parti libéral réduit à sept députés. C’est presque oublier aussi l’arrivée du premier député du Parti vert sur les bancs de l’Assemblée législative.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Une petite performance qui a permis à l’Ontario d’emboîter le pas au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. Les deux provinces maritimes avaient élu elles-aussi leur premier député du même parti respectivement en 2013 et 2015. Le phénomène s’est même amplifié du côté de la Colombie Britannique lors des élections l’an passé, les verts obtenant trois sièges.

Pour décrocher son droit d’entrée à Queen’s Park en juin, l’infatigable Mike Schreiner a eu besoin de quatre tentatives électorales. Élu chef du Parti vert en 2009, le nouveau député de Guelph a cette fois bénéficié de la volonté de changement des Ontariens.

Évidemment, Mike Schreiner est un soldat bien esseulé sur les bancs de l’Assemblée législative. Pas de statut officiel pour son parti, et un temps de parole considérablement diminué en comparaison des 76 députés progressistes-conservateurs et des 40 néo-démocrates. Mais c’est un début. L’élu de Guelph bénéficie pour le moment d’une visibilité appréciable, et peut répondre directement aux sollicitations des médias dans le couloir de la fameuse galerie de presse.

La démocratie sort gagnante de la présence d’un parti supplémentaire à Queen’s Park. Pour la première fois depuis 1951, il y’a quatre partis représentés. Bien que le rapport de force soit déséquilibré entre les formations, le débat en sort tout de même grandi.

Moment charnière pour les questions environnementales

Mais l’élection intervient surtout à un moment charnière de l’histoire de l’Ontario sur les questions environnementales. Car ce sont bien ces mêmes dossiers qui ont été les premières victimes de l’arrivée au pouvoir de Doug Ford.

Par soucis de trouver des « efficacités », et probablement par manque d’intérêt, le nouveau premier ministre a sabré dans les dépenses liées à l’écologie : retrait de la province du marché du carbone. Un accord  avec la Californie et le Québec qui permettait grosso modo aux compagnies qui polluent moins qu’une cible préétablie de vendre ou d’acheter de nouveaux droits d’émission.

Sur sa lancée, Doug Ford a annoncé mettre fin à la taxe sur le carbone. « Des taxes oppressives qui rendent la vie inabordable pour les familles et menacent des milliers d’emplois en Ontario », expliquait-il dans le discours du Trône par la voix de la lieutenante gouverneure.

Autres mesures : le retrait des termes « Changements climatiques » du titre de ministre de l’Environnement et l’annulation des subventions pour les autos électriques.

Quelque 758 contrats d’énergies éoliennes ont par ailleurs été abandonnés. Une décision tout de même vue comme une victoire par le groupe Sauvons La Nation vivement opposé au projet de parc éolien Champs de l’Est, dans la municipalité de l’Est ontarien.

L’autoroute des « efficacités »

En réalité, personne n’est vraiment contre la protection de l’environnement. Mais les investissements pour y parvenir ont un coût et s’inscrivent surtout dans le long terme. Doug Ford montre clairement qu’il veut faire très vite, quitte à faire de précieux sacrifices.

On saura au cours des prochains mois si l’autoroute des « efficacités » est la bonne direction pour la province. À défaut de contrer les décisions de Doug Ford, le Parti vert offre un balancier important.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 30 juillet.