« L’incendie de Notre-Dame devrait nous réveiller en Ontario français »

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L’émotion est toujours vive trois jours après l’incendie qui a en partie détruit la cathédrale Notre-Dame, à Paris. Les ravages par le feu des lieux de culte, l’Ontario français en a connus beaucoup. Pour les historiens Michel Prévost et Jean Yves Pelletier, la tragédie de Paris doit aussi appeler à une prise de conscience.

La liste des églises détruites ou sévèrement endommagées par les flammes est longue dans la province.

« La deuxième église Saint-Jean-Baptiste, construite en 1882, a été la proie des flammes le 8 février 1931. On a reconstruit l’église et la troisième église a été ouverte le 21 février 1932. À Vanier, l’église Notre-Dame-de-Lourdes est détruite par le feu le 27 mai 1973. L’église est reconstruite et ouverte la veille de Noël 1975 », rappelle M. Pelletier.

« L’église Sacré-Cœur, construite au début des années 1890, a été détruite par un incendie le 10 juin 1907 et la deuxième église est à son tour détruite par le feu le 24 novembre 1978. Une troisième église est ouverte le 8 décembre 1981. »

Et de poursuivre : « Vous constaterez par mon énumération que chacune des églises victime des flammes a été reconstruite et ce serait peut-être encore le cas aujourd’hui, si ces lieux de culte étaient à reconstruire. Mais il n’y a pas de certitude, car la gestion des églises est dans un état précaire. »

Dernier dégât en date : l’incendie fatal pour l’église de Saint-Isidore, dans l’Est ontarien, en juillet 2016. Une destruction alors attribuée à un violent orage.

L’église de St-Isidore dans l’Est ontarien dévastée par les flammes, en juillet 2016. Crédit image : JFDroneMaster

Si dans la plupart des cas, les églises sont donc remises sur pied, il demeure bien souvent impossible de les reconstruire telles quelles.

« L’incendie de Notre-Dame de Paris devrait nous réveiller et pousser les communautés à désigner leur église monument historique pour qu’elles soient reconstruites à l’identique, en cas d’incendie. On imagine trop souvent que ça n’arrive qu’aux autres », analyse Michel Prévost, président de la Société d’histoire de l’Outaouais et ancien archiviste en chef de l’Université d’Ottawa.

Absence d’un cadre solide

« Le fait que beaucoup d’églises en Ontario, tant anglophones que francophones, ne soient pas désignées en vertu de la Loi sur le patrimoine signifie, lorsqu’il y a un incendie, qu’elles n’ont aucune obligations d’être reconstruites ou restaurées selon les normes en patrimoine. »

Autre écueil, selon l’historien, l’absence d’un Conseil du patrimoine religieux en Ontario, à la différence du Québec. Avec pour conséquence que les lieux de culte ont des difficultés pour entretenir et restaurer les églises.

Le président de la Société d’histoire de l’Outaouais et ancien archiviste en chef de l’Université d’Ottawa, Michel Prévost. Archives #ONfr

Malgré les mauvaises expériences pour l’Ontario français, M. Prévost est d’avis que les églises sont moins exposées qu’avant aux incendies.

« Beaucoup, autrefois, ont brûlé à cause du chauffage, qui était constitué essentiellement de bois. Aujourd’hui, le système de chauffage est d’appoint, et les normes à respecter sont importantes. D’une manière ou d’une autre, tous les bâtiments anciens ou historiques sont menacés, on l’a vu avec l’incendie du restaurant Vittoria Trattoria du Marché By, à Ottawa, il y a quelques jours. »

Les deux historiens sont d’avis que les églises franco-ontariennes ne sont ni plus ni moins susceptibles d’être exposées aux flammes que les lieux de culte anglophones ou sur le territoire québécois.

Désaffection des lieux de culte

Un autre problème bien plus pernicieux s’imposerait même : la désaffection des églises.

« On constate que de nombreuses paroisses sont en voie de disparition, les églises étant vendues et reconverties ou bien succombant sous le pic du démolisseur », analyse M. Pelletier.

« La principale raison étant que la pratique religieuse diminue à un rythme qui s’accélère et la diminution du nombre de paroissiens a pour effet que l’on n’arrive plus à défrayer les coûts d’entretien d’une église. »