L’Ombudsman plaide sa reconduction… dans les médias sociaux
TORONTO – Dans le noir quant au renouvellement de son mandat qui prend fin le vendredi 29 mai, l’Ombudsman de l’Ontario a décidé de jouer le tout pour le tout dans les médias sociaux à deux jours de l’échéance pour convaincre la province de lui accorder un troisième tour de piste.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
Déjà très prolifique sur Twitter, avec plus de 30000 abonnés et presque autant de gazouillis à son actif, André Marin s’est tourné vers le site de microblogues pour demander à la population ontarienne de « faire du bruit », dans la soirée du mercredi 27 mai.
« Je ne veux pas précipiter les choses, mais après plus de 10 ans dans ce poste, on m’a dit que je serais reconduit temporairement pour quatre mois après la fin de mon mandat », a écrit M. Marin sur son compte @Ont_Ombudsman. « Dans moins de 48 heures, vous n’avez plus d’Ombudsman. C’est le temps de vous faire entendre. Malheureusement, nous en sommes rendus là. Faites du bruit s’il vous plaît. »
Le chien de garde du public de l’Ontario a ensuite passé plusieurs heures à partager des gazouillis de ses abonnés, la très grande majorité favorables à sa reconduction pour un troisième mandat.
Figure très médiatique
André Marin n’y a jamais été de main morte avec le gouvernement, que ses enquêtes ont plus d’une fois mis dans l’embarras. Figure très médiatique, il a toujours cultivé les phrases choc et l’art de l’humiliation publique. Pas plus tard que le 25 mai, il disait de la société provinciale d’électricité Hydro One que ses chiffres étaient aussi difficiles à comprendre qu’il est difficile « d’attraper un kangourou sur une trampoline ».
M. Marin a aussi pris l’habitude sur Twitter de partager des tranches de sa vie personnelle, notamment bon nombre de photos de ses deux bergers allemands Chief et Niks.
Le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a réagi avec beaucoup de précaution au coup de gueule de M. Marin dans les médias sociaux, le jeudi 28 mai.
« Nous voulons nous assurer d’avoir un processus d’embauche juste et prévisible pour nos agents du parlement. Les trois partis dans la Législature ont travaillé étroitement ensemble pour développer ce nouveau processus. Il s’agit maintenant d’un panel tripartite », a indiqué Yasir Naqvi, ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, et leader en chambre du gouvernement.
M. Naqvi n’a pas voulu dire si les exhortations de M. Marin pour sa reconduction sur Twitter ou d’autres gazouillis corsés auxquels il a habitués ses abonnés pouvaient éventuellement nuire à sa carrière d’Ombudsman.
« Pas beaucoup aidé »
Le progressiste-conservateur Jim Wilson, lui, s’est montré plus catégorique « Il ne s’est probablement pas beaucoup aidé », a dit l’élu de Simcoe-Grey au sujet de la sortie de M. Marin sur Twitter. « Nous vivons dans un pays libre. Nous avons la liberté d’expression. Mais je ne crois pas que, pour lui, ce fut une sage décision », a-t-il ajouté.
L’opposition officielle à Queen’s Park n’a pas voulu spéculer davantage sur les chances qu’André Marin obtienne un troisième mandat d’Ombudsman. « Nous avons mis en place un processus juste. Il peut demander un nouveau mandat. Nous verrons comment il se défendra dans le processus d’embauche », a commenté M. Wilson.
La chef néo-démocrate Andrea Horwath n’a pas hésité, par contre, à se porter à la défense de l’Ombudsman. Elle a dit interpréter le mutisme du gouvernement à son égard comme un danger pour la démocratie dans la province.
« Les agents indépendants du parlement font un travail extrêmement important. Le fait que le gouvernement résiste à reconduire un de nos principaux agents m’inquiète beaucoup », a déclaré Mme Horwath, le 28 mai. « Si on regarde les millions et les milliards de dollars que notre Ombudsman et notre Vérificatrice générale, par exemple, ont identifié comme étant du gaspillage, ce n’est pas étonnant que les libéraux veuillent les faire taire et leur couper les ailes ».
Le ministre Yasir Naqvi a confirmé le prolongement du mandat d’André Marin à titre d’Ombudsman de l’Ontario jusqu’au 14 septembre. Il s’est aussi engagé à combler temporairement le poste de Commissaire à l’environnement, vacant depuis la retraite de Gord Miller à la mi-mai.