L’Ontario écarte son Ombudsman

André Marin a donné ce qui pourrait être son dernier point de presse en tant qu'Ombudsman de l'Ontario, le 14 septembre.

TORONTO – Le gouvernement de l’Ontario a choisi de montrer la porte à son Ombudsman des dix dernières années, André Marin, plutôt que de prolonger son mandat jusqu’à la fin du processus de sélection du prochain chien de garde de la province.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

La décision, sans précédent, a fait des remous lors de la rentrée parlementaire d’automne, le lundi 14 septembre.

Le gouvernement libéral à Queen’s Park avait déjà prolongé le mandat de M. Marin une première fois, fin mai, le temps de mener un processus de sélection auquel l’Ombudsman sortant a participé.

Cette première sélection a cependant mené dans un cul-de-sac, début septembre, après que les membres d’un comité tripartite de la Législature n’eurent pas réussi à s’entendre sur une reconduction de M. Marin pour un troisième mandat ou son remplacement par un nouvel Ombudsman.

Les libéraux de Kathleen Wynne ont tenté sans succès, le 14 septembre, de faire adopter une résolution à l’unanimité dans la Législature pour que M. Marin soit temporairement remplacé par une adjointe, le temps de mener à bien un second processus de sélection.

« Le poste d’Ombudsman est très important », a insisté Yasir Naqvi, leader en chambre du gouvernement, à sa sortie de la première période de questions de la nouvelle session à Queen’s Park. « Nous avions accepté de prolonger le mandat de Marin seulement pour lui permettre de finir le travail qu’il avait commencé, comme son rapport annuel qu’il a maintenant déposé. C’est une pratique commune, lorsqu’il y a un poste vacant, de nommer un adjoint par intérim. »

Les progressistes-conservateurs de Patrick Brown ont appuyé la résolution des libéraux pour nommer un Ombudsman par intérim. Mais du même souffle, l’opposition officielle a accusé le gouvernement de piper les dés en montrant la porte, ne serait-ce que temporairement, à André Marin.

 

Prolonger ou remplacer?

Les néo-démocrates d’Andrea Horwath, opposés à la destitution de M. Marin, ont tenté à leur tour de faire adopter une résolution qui aurait prolongé le mandat de l’Ombudsman de six mois. En vain.

« Les libéraux n’ont jamais aimé M. Marin et ils font tout leur possible pour qu’il ne soit pas reconduit dans ses fonctions », a pesté Mme Horwath lors d’un point de presse. « Je crois qu’il serait préférable de suivre les pratiques habituelles de la Législature et prolonger le mandat de M. Marin jusqu’à ce qu’un nouvel Ombudsman – ou M. Marin lui-même – soit nommé. »

La rumeur veut que le candidat préféré des libéraux pour le poste d’Ombudsman soit Howard Sapers, qui est présentement l’Enquêteur correctionnel du Canada mais qui a aussi été chef par intérim du Parti libéral de l’Alberta.

La chef du NPD ontarien a parlé de M. Sapers comme d’un choix potentiellement « partisan ».

André Marin s’est dit, pour sa part, « inquiet » de la tournure des événements. « Naturellement, certains de mes constats comme Ombudsman ont déplu à certains. Ce qu’on constate aujourd’hui, par contre, est la politisation du processus de sélection. Et j’en suis profondément déçu », a-t-il réagi lors d’un point de presse de dernière minute, le 14 septembre.

 

Processus public?

Le chien de garde à Queen’s Park depuis 2005 a promis de postuler une seconde fois pour conserver son emploi, implorant par la même occasion le gouvernement de « garder la politique en dehors du processus » de sélection. Il a suggéré, par ailleurs, que les entrevues des candidats pour le poste soient menées publiquement.

Très prolifique sur Twitter, avec plus de 32000 abonnés et presque autant de gazouillis à son actif, l’Ombudsman avait provoqué un malaise, fin mai, lorsqu’il avait exhorté sur le site de mircoblogues la population ontarienne à « faire du bruit » pour assurer sa reconduction pour un troisième mandat.

Un mois plus tôt, M. Marin s’était aussi servi de Twitter pour vilipender un élu municipal, Conrad Lamadeleine, qui contestait ouvertement un de ses rapports. « Le maire de Casselman toujours en crisse (sic). Relax chum », avait-il alors gazouillé. Avant de qualifier l’édile de l’Est ontairen de « p’tit moineau enragé ».

L’Ombudsman a dit par la suite regretter certains de ses commentaires les plus virulents sur la twittosphère.