L’Université de l’Ontario français inaugurée, le poing levé

Dyane Adam (au centre) entourée des ministres Ginette Petitpas Taylor et Caroline Mulroney, ainsi que du recteur Pierre Ouellette et de la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier. Crédit image: Rudy Chabannes

TORONTO – Le poing levé de Dyane Adam, la présidente du conseil de gouvernance, au moment de couper le ruban en dit long. Après 40 ans de péripétie, l’Ontario a inauguré ce vendredi son université par et pour les francophones de la province, tout un symbole pour la communauté.

Trois ans presque jour pour jour après les coupes Ford qui enterraient le projet, l’UOF a pris sa revanche sur l’histoire. Ouverte depuis septembre, l’institution a vécu un moment historique ce vendredi, marquée par la présence des ministres Petitpas Taylor, Mulroney, Fortier et Dunlop, retransmis en direct sur les réseaux sociaux.

Dyane Adam a salué le courage des étudiants de la première cohorte qui se sont lancés dans des études à l’UOF « en pleine pandémie, sans repère historique, dans un super campus encore en devenir ». Le chancelier Paul Rouleau a mis de son côté en exergue le rôle d’ancrage de la langue de la minorité qu’aura l’institution.

La ministre des Affaires francophones a évoqué « l’incarnation d’un rêve franco-ontarien de longue haleine » et « l’aboutissement de décennies de revendications tenaces et persévérantes de la part de la communauté ».

Qualifiant l’événement d’« étape importante », son homologue des Collèges et Universités, Jill Dunlop, a déclaré que les francophones étaient des « contributeurs clés dans le développement social, culturel et économique de la province » et qu’une fondation postsecondaire de langue française forte était cruciale car (…) une main d’œuvre bilingue hautement qualifiée bénéficiera à tout l’Ontario ».

« En tant qu’Acadienne, je sais à quel point on a besoin d’institutions fortes pour assurer la vitalité de nos communautés. Je sais aussi que ce n’est pas toujours facile de les défendre. Je veux que vous sachiez à quel point votre lutte a été importante. Depuis que l’idée a vu le jour, vous avez créé un mouvement de solidarité extraordinaire », a lancé Ginette Petitpas Taylor.

La ministre des Langues officielles faisait sa première sortie dans la francophonie ontarienne, depuis sa nomination.

Premier déplacement en Ontario français de la nouvelle ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor. Crédit image : Rudy Chabannes

« Nous l’avons voulue, nous l’avons eue! » a réagi Carol Jolin. Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario est convaincu que « l’UOF deviendra le cœur de l’éducation universitaire de langue française dans la région du Grand Toronto et un moteur important au sein d’un réseau universitaire ontarien comprenant à son bord l’Université de Hearst et l’Université de Sudbury ».

Lancée, éliminée, relancée, inaugurée

Si l’idée d’un tel établissement remonte à plusieurs décennies, c’est véritablement en octobre 2014 que le projet a pris une tournure décisive. Cette année-là, un Sommet provincial sur les États généraux du postsecondaire en Ontario français recommande la création d’une université dans le Centre-Sud-Ouest de la province, doté d’une gouvernance universitaire par et pour les francophones.

L’année suivante, en mai 2015, le projet de loi 104 d’intérêt privé constitutif de l’université, à l’initiative de la députée France Gélinas, est débattu puis appuyé par tous les partis politiques.

L’inauguration a rassemblé bon nombre de leaders communautaires. Crédit image : Rudy Chabannes

En septembre 2016, Dyane Adam est nommée à la tête du Conseil de planification chargé de dessiner les contours de la future institution, avant de prendre les commandes du Conseil de gouvernance, dès mai 2018. Entretemps, la Loi sur l’Université de l’Ontario français reçoit la sanction royale à Queen’s Park, en décembre 2017.

Mais en novembre 2018, coup de tonnerre : le gouvernement progressiste-conservateur raye le projet dans son énoncé économique, pour des raisons financières, alors que l’UOF s’était vu octroyer un budget de 83,5 millions de dollars sur sept ans par le précédent gouvernement libéral.

Jeudi noir et bras de fer politique

Ce jeudi noir précipite la province dans une crise linguistique sans précédent. Le projet est finalement réactivé et, en septembre 2019, les deux paliers de gouvernement du Canada et de l’Ontario finissent par signer une entente de principe sur le financement de l’UOF.

De longues tractations entre les ministres Mulroney et Joly aboutissent à un cofinancement de 126 millions de dollars sur huit ans afin d’accompagner le démarrage de l’établissement.

L’UOF dévoile son emplacement en février 2020 et nomme un premier recteur en août, André Roy, qui cède sa place à un nouveau, Pierre Ouellette, qui entre en poste en juin 2021, peu de temps avant la première rentrée, en septembre 2021. Il y a quelques jours, le juge Paul Rouleau est devenu le premier chancelier de l’établissement.

Pierre Ouellette, recteur de l’UOF. Crédit image : Rudy Chabannes

L’UOF a ouvert ses portes en septembre dernier et compte plus de 150 étudiants inscrits à un de ses quatre programmes ou dans ses microcertificats. Elle prévoit d’ouvrir un carrefour des savoirs et de l’innovation, projet actuellement virtuel, et de monter en puissance dans ses inscriptions en attirant plus d’étudiants issus des écoles secondaires de la province.