L’Université de l’Ontario français, un choix « irresponsable » pour Ford

le premier ministre Doug Ford, et la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney. Capture écran #ONfr

TORONTO – Dans un point de presse improvisé ce lundi à Queen’s Park, Doug Ford a justifié sa décision de ne pas construire l’Université de l’Ontario français. Pour le premier ministre, le projet était clairement inutile.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Doug Ford a l’habitude de surprendre. Quelques minutes après le départ de son visiteur du jour à Queen’s Park, le premier ministre du Québec, François Legault, il s’est présenté devant les médias pour revenir sur les annonces de jeudi.

Accompagné de la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, Doug Ford s’est montré ferme : « Le choix (de l’Université de l’Ontario français) était totalement irresponsable de la part du précédent gouvernement libéral de Kathleen Wynne. Si quelqu’un veut se plaindre, il faut appeler le bureau de Kathleen Wynne. Quelques jours avant l’élection, ils ont promis une université pour laquelle ils n’avaient pas l’argent (…) Ils le savaient qu’ils n’avaient pas l’argent. »

Harcelé de questions, le premier ministre a renchéri, explications mathématiques à la clé. « Les gens sont mal informés. Il y a dix universités et collèges en Ontario qui offrent plus de 300 programmes en français. »

« Regarder les Franco-Ontariens dans les yeux »

Concernant la visite de M. Legault qui affirme lui avoir fait part de sa déception sur les annonces de jeudi, M. Ford s’est aussi justifié.

« La différence entre moi et le premier ministre François Legault, comme je lui ai dit, est qu’en Ontario, nous avons un déficit de 15 milliards de dollars alors que le Québec a un surplus de 1 milliard de dollars. Il a compris cela. Il représente les électeurs du Québec et ils sont passionnés, comme moi je suis passionné. »

Et d’ajouter : « Il n’y a rien de personnel contre les Franco-Ontariens, et nous avons aussi annulé trois autres projets d’universités anglophones. »

Il ne s’agit toutefois pas de projets d’universités, mais de campus d’universités existantes, à Brampton, Markham et Milton.

Pour la politologue du Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard, le gouvernement progressiste-conservateur poursuit « la même rhétorique budgétaire ». Doug Ford oublierait les « besoins de la région du Centre-Sud-Ouest » et le fait qu’une institution bilingue ne peut être comparée à une institution francophone.

Interrogée sur le risque d’assimilation des étudiants sur les campus bilingues, Mme Mulroney s’est montrée plus ferme qu’à l’accoutumée. « Les libéraux nous ont légué un déficit de 15 milliards de dollars et une dette de 347 milliards de dollars. Nous avons dû prendre des décisions très difficiles. Les libéraux élus en 2003 auraient pu bâtir, ils auraient pu la financer. Mais c’est en 2017 qu’ils ont commencé à mettre de l’avant le projet (…) Nous devons regarder les Franco-Ontariens dans les yeux. »

Une donnée que Stéphanie Chouinard tend à nuancer. « En réalité, Mme Mulroney jette la balle de l’autre côté de la clôture. Les revendications pour une université franco-ontarienne datent des années 70, les libéraux tout comme les progressistes-conservateurs sont donc responsables. »

« Un seul côté de la médaille »

La justification de M. Ford n’a pas tardé à faire réagir certains membres de la communauté. « Ils connaissent très mal leur dossier et regardent juste le même côté de la médaille, celui de l’économie », a fait valoir la directrice générale de l’Association des francophones de la région de York (AFRY) Nadia Martins, invitée à commenter la sortie de M. Ford.

Un son de cloche identique pour le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). Carol Jolin. « Je ne sais pas jusqu’à quel point Doug Ford connaît les défis de l’éducation postsecondaire en français. »

Jeudi dernier, le gouvernement de l’Ontario avait annoncé dans son énoncé économique faire volte-face sur le projet de l’Université franco-ontarienne. Une décision qui contredisait l’engagement pris le 23 juillet par l’équipe progressiste-conservatrice qui avait alors confirmé la mise sur pied de l’établissement postsecondaire.

« C’est une promesse électorale sur laquelle ils (les progressistes-conservateurs) sont revenus. On fait pourtant partie des people à qui M. Ford aime à faire référence. »

À cette annonce, s’ajoutait celle de se débarrasser du Commissariat aux services en français, et d’intégrer son équipe à celle de l’Ombudsman de l’Ontario. « Cela n’aura pas d’impact sur les droits des francophones de l’Ontario », a martelé Mme Mulroney.

Article écrit avec les réactions recueillis à Queen’s Park par Étienne Fortin-Gauthier