Madeleine Meilleur retire sa candidature

Madeleine Meilleur devant le comité permanent aux langues officielles, le jeudi 18 mai. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a indiqué, le mercredi 7 juin, que Madeleine Meilleur retirait sa candidature au poste de commissaire aux langues officielles du Canada.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Contestée par l’opposition à la Chambre des communes et par une partie de la francophonie canadienne, la nomination de Mme Meilleur a connu un ultime rebondissement ce mercredi.

Dans une lettre adressée à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, et datée du 6 juin, l’ancienne procureure générale de l’Ontario a indiqué sa décision de retirer sa candidature.

« Comme vous le savez, ma nomination a fait l’objet de controverse, ce que je regrette beaucoup. Considérant cette situation, j’en ai conclu que ma capacité d’assumer cette fonction pleinement et d’agir au nom des Canadiens serait grandement compromise », peut-on lire dans son courrier.

Malgré ses tentatives, #ONfr n’est pas parvenu à joindre Mme Meilleur. La ministre Joly a pour sa part dit respecter sa décision.

« J’ai eu l’occasion de lui parler un peu plus tôt aujourd’hui. Madeleine Meilleur, pendant 30 ans, a été une ardente défenderesse des droits linguistiques au pays. J’espère sincèrement qu’elle va continuer de militer en faveur de la cause, parce que la cause a besoin d’elle. »

Ce retrait intervient alors que les sénateurs devaient se prononcer dans les prochaines heures sur la proposition du gouvernement de Justin Trudeau de nommer l’ancienne ministre libérale ontarienne à la tête de l’institution de défense des langues officielles.

Le résultat du vote au Sénat s’annonçait incertain après la comparution de Mme Meilleur devant le Sénat, le lundi 5 juin, durant laquelle plusieurs sénateurs l’avaient questionnée sur son indépendance politique.

 

Réactions mitigées dans la francophonie canadienne

La nomination de Mme Meilleur faisait l’objet de cinq plaintes au commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada. La dernière, déposée le 7 juin, provenait de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), très active dans ce dossier.

« Nous sommes heureux, c’est un soulagement! », a commenté le président de l’organisme, Kevin Arseneau. « Notre position a toujours été claire et désormais, nous voulons que le processus reprenne du départ, le plus rapidement possible, qu’il soit transparent et véritablement indépendant, et que les communautés de langue officielle en situation minoritaire soient consultées pour choisir le meilleur candidat. »

La nomination de Mme Meilleur avait créé des divergences au sein de la francophonie de l’extérieur du Québec, comme l’a encore démontré la réaction du président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, à l’annonce du retrait de Mme Meilleur. Celui-ci s’est dit « surpris ».

« Nous étions à l’aise avec cette nomination. »

Le président de l’AFO regrette que la controverse ait nui à la visibilité des débats comme celui entourant le prochain Plan pluriannuel sur les langues officielles.

Pour la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Sylviane Lanthier, la page est désormais tournée.

« Le fait que Mme Meilleur se retire peut apaiser les différents points de vue. Ça nous permet de passer à un autre chapitre. »

 

Mme Meilleur paie les pots cassés, dit le NPD

La FCFA rend hommage à la décision de Mme Meilleur.

« Le geste qu’a posé Mme Meilleur est un bon geste. On sait qu’elle voulait vraiment le poste de commissaire aux langues officielles et dans les circonstances, c’est tout à son honneur. Ça veut dire qu’elle met les intérêts de la dualité linguistique et des communautés minoritaires au-delà de ses intérêts personnels. »

La présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier. (Archives #ONfr)
La présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier. Archives #ONfr

Selon la présidente de l’organisme, les parlementaires doivent désormais faire un examen de conscience et trouver un processus de nomination qui fera l’unanimité, sans partisanerie. La FCFA maintient également sa demande de rencontre avec le premier ministre Justin Trudeau afin de parler des enjeux des communautés francophones en situation minoritaire et de l’importance des langues officielles.

Du côté de l’opposition, la porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Sylvie Boucher, ne cache pas sa satisfaction.

« C’était la meilleure chose qu’elle pouvait faire! Le processus était trop partisan et Mme Meilleur n’était certainement pas la meilleure candidate comme on a pu le voir lors de son passage devant le comité [permanent des langues officielles], puis devant le Sénat. Maintenant, il reste à savoir pourquoi elle se récuse et s’il lui a été promis un autre poste en échange? »

Mme Boucher juge que tout le processus doit être repris à zéro et que l’absence d’activités et de contributions politiques pendant au moins cinq ans devrait être un prérequis pour toute nomination.

Un avis que ne partage pas M. Choquette.

« Il suffit juste au gouvernement de respecter la Loi sur les langues officielles. S’il l’avait fait en consultant vraiment les deux chefs des partis d’opposition, ils lui auraient dit que cette nomination n’était pas possible du fait de la proximité de Mme Meilleur avec le Parti libéral. »

Le critique néo-démocrate aux langues officielles regrette qu’aujourd’hui, ce soit Mme Meilleur la principale victime de la controverse.

« Il faut souligner l’humilité et la dignité de sa décision. Elle paie les pots cassés du manque de respect de la Loi sur les langues officielles de M. Trudeau et de Mme Joly. Désormais, le gouvernement doit laisser retomber la poussière et prendre le temps de consulter la FCFA et le Quebec Community Groups Network, ainsi que les chefs des partis d’opposition. »

La ministre du Patrimoine canadien a indiqué qu’elle en dira plus sur les conséquences de ce retrait dans les jours à venir, afin de préciser les prochaines étapes.

Première conséquence, le gouvernement devra sans doute prolonger le contrat par intérim de Ghislaine Saikaley à la tête du CLO qui arrive à échéance le 17 juin.

« La commissaire par intérim fait un excellent travail, alors cela ne nous inquiète pas », lance Mme Lanthier. « Je pense qu’il est plus important d’avoir une réflexion et un processus qui mène à une nomination acceptée par tout le monde que de se précipiter. »