Manitoba : prolongement des États généraux de la francophonie

Le Manitoba compte 44 000 francophones au dernier recensement.

WINNIPEG – La vaste consultation sur les besoins francophones dans le Manitoba continuera cet été. Initialement prévus jusqu’en juin, les États généraux de la francophonie de la province poursuivront la tenue de leurs cafés-citoyens jusqu’au 25 septembre. C’est du moins ce qu’affirme la Société franco-manitobaine (SFM) qui chapeaute le projet.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

« Cela va dans le sens du grand intérêt rencontré », explique la coordonnatrice de l’évènement, Nathalie Gagné. « Depuis janvier, nous avons eu un total de 91 cafés-citoyens à travers la province lesquels ont réuni un total de 960 personnes. »

Bâtis sur un modèle semblable à ceux d’Ottawa en 2012, les États généraux du Manitoba possèdent une finalité tout de même différente. Il appartiendra effectivement à un groupe de chercheurs de l’Université de Saint-Boniface d’analyser les demandes établies par la communauté et d’en dévoiler un rapport. Un exercice attendu « fin 2015, voire début 2016 », selon la coordonnatrice.

À Ottawa, ce fut l’ACFO locale en partenariat avec les résidents qui fut chargé pendant deux ans de dresser les pistes d’actions. Le tout après qu’un grand sommet en novembre 2012 eut centré cinq domaines principaux, incluant la mise en place du bilinguisme officiel à la municipalité.

« Nous avions besoin d’États généraux, car la communauté franco-manitobaine a beaucoup changé », illustre Mme Gagné. « Il y a dorénavant moins de francophones de souche. Il s’agit d’une francophonie plus internationale. »

 

Défis

Les défis rappelés par les États généraux pourraient être nombreux pour les 44 000 Franco-Manitobains. À commencer par le « manque de services en français », d’après le directeur général de la SFM, Daniel Boucher. « Il y a vraiment un manque de personnel. Il faudrait s’organiser plus au niveau de la formation des employés. »

Car à la différence d’une majorité de Franco-Ontariens protégés en vertu de la Loi sur les services en français (loi 8 de 1986), le Manitoba reste soumis à une simple politique. Paradoxe? C’est pourtant un gouvernement NPD (souvent réputé plus proche des francophones), et aux commandes de la province depuis 1999, qui tarde à enchâsser cette politique dans la loi.

« Il y a une ouverture du gouvernement sur le projet », fait valoir prudemment M. Boucher, quand d’autres en coulisse parlent de « peur d’un suicide politique » pour le premier ministre Greg Selinger.

Au chapitre de la construction d’écoles, le DG de l’organisme porte-parole des Franco-Manitobains se fait beaucoup plus pressant. « Nous sommes victimes d’un manque de financement. »

La Division scolaire franco-manitobaine, comprendre le système d’éducation en français, reste à ses yeux pauvre en moyens. « Nous sommes toujours en compétition avec les écoles anglophones et celles d’immersion pour attirer des élèves. Or, le manque d’argent nous rend moins compétitifs. »

Des propos symptomatiques aussi de la longue bataille vécue par les Franco-Manitobains pour l’éducation. Ce n’est qu’en 1993 par une décision de la Cour suprême du Canada que ceux-ci ont arraché la gestion de la vingtaine d’écoles francophones. Un retard à cause de la volonté du premier ministre conservateur de l’époque, Gary Filmon, de se rendre devant le plus haut tribunal du pays. Le but? Contester une décision pourtant favorable de la Cour suprême provinciale en 1985 sur cette même gestion.

 

Comptage

Autre actuel cheval de bataille de la SFM, susceptible d’être relancé par les États généraux : la définition même d’un francophone. Récemment, l’organisme a intenté une poursuite juridique contre le gouvernement fédéral pour élargir l’appellation actuelle, utilisée notamment par Statistique Canada lors de ses recensements.

Basée essentiellement sur la langue maternelle et la première langue officielle parlée, la définition du gouvernement fédéral serait « périmée » ne cesse de rappeler M. Boucher qui mise sur un principe beaucoup plus élargi. Avec éventuellement comme modèle, la définition « inclusive » de la francophonie (DIF) introduite par le gouvernement de l’Ontario en 2009.

Pour « gonfler » un peu le nombre de francophones, la SFM espère aussi une proportion de 7% de nouveaux arrivants demeurant francophones. Un objectif préconisé par le gouvernement provincial, et actuellement sous la responsabilité entière du fédéral. « La cible n’est pas encore respectée », conclut M. Boucher.