Aimé Majeau Beauchamp, c’est non seulement la personne en charge de réaliser J’en perds mes mots, mais c’est aussi une personne non-binaire. Faire un balado sur la langue française lorsqu’on n’utilise ni le féminin ni le masculin, c’est tout un défi. Est-il vraiment possible de vivre dans une langue aussi genrée que le français lorsqu’on est une personne non-binaire ? Dans cet épisode, Aimé part à la rencontre de personnes non-binaires, des linguistes, artistes et militant.es, qui ont trouvé les mots pour se décrire.
Avec Marie-Philippe Drouin et Isabelle Boivin, Alpheratz, Florence Ashley, Greyson Gritt et Diane Labelle.
Musique additionnelle :
- Whatever The Heck You Want de Rea Spoon
- Quiet Years de G.R Gritt
Ressources pour les personnes trans et non-binaires :
- Transgerder Map Canada https://www.transgendermap.com/resources/canada/ontario/
- Enfants transgenres Canada https://enfantstransgenres.ca/
- ASTT(e)Q http://www.astteq.org/fr/ressources.html
Si vous avez un lien particulier avec la langue française et que vous voulez nous le partager, écrivez-nous à onfr@tfo.org
Transcription Audio
NARRATEUR :
J’en perds mes mots !
Un balado d’ONFR+.
ENFANT :
Salut, papa ! Qu’est-ce que tu filmes ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Quand j’étais enfant, ma soeur puis moi, on se baignait souvent dans notre bain tourbillon. Pendant qu’on s’amusait à mettre de l’eau partout, ma mère, elle, elle écoutait ses émissions dans la cuisine, sur notre petite télé cube de 14 pouces.
Des voix d’enfants se font entendre.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mon père, lui, c’était pas rare de le retrouver derrière sa caméra à filmer notre petite vie remplie de Carmen Campagne puis d’acrobaties nautiques. Bref, ça, c’est le milieu dans lequel j’ai grandi. Dans un Québec rural où tout le monde parlait français. Puis où l’anglais, bien, ça se résumait à « yes », « no », toaster, puis « Mister Bean ». En fait, c’est seulement il y a cinq ans, quand je suis déménagé en Ontario, que j’ai commencé à vivre en anglais pour de vrai. Aujourd’hui, c’est l’anglais que je parle à la maison, dans mon one bedroom plus den condo. Mais le français, il fait toujours partie de moi, de mon identité. Ma langue maternelle, elle est presque sacrée. « Reste calme, puis parle français. » Mais récemment, ma vie a changé, puis mon lien avec le français aussi. Dans cet épisode, je vous raconte mon histoire, celle de mon rapport à ma langue, mais surtout celle de mon genre. Parce que mon genre, bien, il existe pas vraiment en français. Je m’appelle Aimé Majeau Beauchamp, et voici le premier épisode de « J’en perds mes mots ! » On est en juillet 2020, en pleine canicule. On est assis autour du feu, mes parents, ma soeur, mon frère, puis moi. C’est super paisible. On entend les criquets. On regarde les étoiles. J’ai le trac. Je suis sur le point de leur parler de moi. Il y a quelque chose qui me tracasse depuis un bout, puis que j’arrive pas vraiment à expliquer.
Un extrait de cette conversation est présenté.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Moi, dans ma peau, je me sens pas comme une femme. Fait que quand on n’utilise que des mots féminins pour me décrire, bien, c’est comme si toi, on te disait « madame », tu sais. Toi, si quelqu’un dit « elle »… Tu trouverais que ça te représenterait pas. Bien moi, c’est un peu la même chose. Dans le sens où je trouve qu’en français, j’ai tout le temps l’impression que je me fais remettre dans la face qu’on me voit comme une femme puis que je suis une femme, puis que c’est pas comme ça que moi je me sens.
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Parce qu’il y a pas de mots. Bien là, oui, mais…
L’extrait prend fin.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Je l’ai dit. Puis j’avoue que de me réécouter, ça me donne un peu le vertige. Expliquer à mon père de 64 ans c’est quoi la non-binarité. Lui expliquer qu’après 27 ans, sa fille ne veut plus se faire appeler comme ça. Que son enfant est non binaire. C’était pas la chose la plus facile que j’ai faite dans ma vie. Mettons. Bon, c’était pas la première fois que je leur parlais de mon genre. Mais je leur avais jamais vraiment expliqué qu’est-ce que ça veut dire d’être non binaire. C’est pas que je voulais pas. C’est que j’avais pas les mots pour me décrire. Tu sais, pour parler de moi, de mon genre dans une langue aussi genrée que le français. Comment expliquer à ma famille que je suis non binaire, si je sais même pas quel pronom utiliser ou quelle terminaison, ou… Est-ce que je suis une soeur, un frère, un oncle, une tante, un cousin, une cousine ? Puis j’avoue que c’est ça qui m’a longtemps bloqué. J’ai pas réalisé que j’étais non binaire du jour au lendemain. C’est un sentiment qui m’a toujours habité, comme si une partie de moi me criait de l’écouter, mais dans une langue que je connaissais pas encore. Puis la goutte qui a fait déborder le vase, c’est un énième questionnaire qui me demandait : « Êtes-vous un homme ou une femme ? » Je sais pas pourquoi cette journée-là exactement, mais il y avait pas de retour en arrière. On s’entend, j’ai jamais aimé répondre à cette question-là, mais pour la première fois, j’ai compris pourquoi. J’ai réalisé que c’est les options en soi qui faisaient pas de sens, que j’en ai jamais voulu, puis que j’en veux plus de ces cases-là. Mais bien vite, je me suis rendu compte que c’était pas si simple d’être ni homme ni femme.
Un autre extrait de sa conversation avec sa famille est présenté.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Je me disais je me sens pas bien qu’on me genre au féminin, mais je sentais que j’avais pas d’autres choix, parce que je me disais : Bien, de toute façon, la langue française est genrée, fait que c’est ça. J’ai pas le choix. C’est comme ça. Que c’est soit que je vais être un exemple d’une alternative puis d’une troisième voie, ou je choisis de continuer de me faire genrer au féminin, puis de jamais vraiment me sentir bien là-dedans, tu sais.
L’extrait prend fin.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Puis j’ai commencé à me sentir comme pris en otage.
Une VOIX se fait entendre, chuchotant et se répétant en écho.
VOIX :
Attends d’être vraiment sûr. Attends d’avoir les mots pour l’expliquer. Attends que les gens soient prêts. Attends. Il y a pas de… Attends. C’est pas si… Attends… Attends.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Aujourd’hui, je suis tanné d’attendre. Fait que j’ai décidé de partir à la recherche de gens qui sont comme moi. Francophones et non-binaires.
Une chanson en anglais sur la question du genre se fait entendre.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Ma première quête, c’est de trouver une personne qui vit sa non-binarité de façon assumée et qui a trouvé les mots pour se décrire. Et c’est dans le fin fond des Laurentides que je l’ai trouvée.
Un extrait d’une conversation est présenté.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Allô ! Comment ça va ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Ça va bien, toi ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’est correct si je me parque ici ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Oui, oui.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Marie-Philippe Drouin m’accueille dans la maison de son ami à Sainte-Adèle, au Québec.
MARIE-PHILIPPE DROUIN se présente.
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Je m’appelle Marie-Philippe Drouin. J’utilise le pronom « iel », « i e l », avec les accords alternés, donc en alternance masculin et féminin. Je suis une personne trans, non binaire, francophone qui vit dans la jolie ville de Québec.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Le prénom « iel », « i e l », c’est un mélange du pronom féminin « elle », et masculin « il ». Marie-Philippe me raconte la première fois qu’iel a été en contact avec le concept de non-binarité, alors qu’elle travaillait dans un organisme LGBT pour les jeunes.
MARIE-PHILIPPE témoigne.
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
C’était la première fois dans ma vie que j’entendais parler de la non-binarité dans le genre, puis ç’a fait comme un mind blown. Oh my God ! Mais c’est ça que je suis. Ça fait tellement de sens avec comment je me réfléchis, comment je me perçois, mais aussi de voir toute mon histoire à travers cette nouvelle lunette là, ç’a vraiment fait du sens.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Tu sais, quand je vous disais qu’avant de savoir que j’étais non binaire, j’avais toujours eu cette voix en moi, mais qui me parlait dans une langue étrangère. Mais d’avoir un cours 101 sur la non-binarité, c’est un peu comme d’apprendre les rudiments de cette langue-là, et peut-être que vous aussi, ça peut vous aider à comprendre. Les personnes non binaires ou trans non binaires ont un genre qui correspond pas à celui assigné à la naissance. Mais contrairement aux personnes trans binaires comme les femmes trans ou les hommes trans, elles se reconnaissent pas non plus dans aucun des deux genres. Moi par exemple, j’ai été assigné femme à la naissance, mais je me suis jamais senti complètement femme. Je me sens pas tout à fait comme un homme non plus. Il y a des jours où je me sens plus un que l’autre, mais parfois je me sens ni l’un ni l’autre. Bon, non-binaire, c’est un terme parapluie pour plusieurs sous-catégories comme fluide dans le genre, agenre, demi-genre, mais je veux pas aller trop dans les détails ici.
Un autre extrait de conversation avec la famille d’AIMÉ est présenté.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Elle se sent ni comme un homme ni comme une femme. Elle est non-genré.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Bien résumé, papa.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Qu’est-ce qui différencie le plus une personne qui est non binaire ?
MÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Comment on fait pour savoir ?
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais c’est que tu le sais pas tant que t’as pas parlé à cette personne-là.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Ma soeur a raison. On peut pas deviner le genre d’une personne. Désolé pour ceux qui pensaient avoir le radar. There’s no such thing. L’identité de genre et l’expression de genre, c’est deux choses. Après, il y a certaines personnes non binaires qui vont être plus androgynes ou qui vont apporter des changements physiques à leur corps comme faire de l’hormonothérapie ou avoir recours à de la chirurgie, mais ce qui compte, c’est comment tu te sens à l’intérieur, pas ce que t’as l’air à l’extérieur.
Un autre extrait de conversation avec sa famille est présenté.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Dans ma tête, je suis un petit peu mêlé, là. Le côté sexuel de la chose, puis le côté de comment une personne peut se sentir.
MÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’est parce que nous, on mélange les deux, mais c’est deux affaires séparées.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Ouais, c’est deux affaires séparées.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
L’attirance, le désir sexuel ou romantique, ç’a rien à voir avec le genre. Les personnes non binaires peuvent être attirées autant par des hommes que par des femmes que par d’autres personnes non binaires. Il y a pas beaucoup de données sur les personnes non binaires, mais pour vous donner une idée de grandeur, en 2018, on comptait 75 000 personnes trans et non binaires au Canada. OK. Fin de la parenthèse informative. On retourne à Marie-Philippe et ses pronoms.
Une conversation entre AIMÉ et MARIE-PHILIPPE est présentée.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Comment est-ce que tu les as choisis ? Est-ce que ç’a été un processus ? Est-ce que t’as fait plusieurs essais ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Euh, oui puis non. Je pense que mes pronoms, c’est pas quelque chose qui est figé ou qui est intransigeant. Quand je suis avec une personne que je sais qui c’est, on peut utiliser n’importe quel pronom puis n’importe quel accord, parce que mon souci, c’est que notre dialogue puis notre conversation soient faciles et constructifs, pas qu’il y ait une barrière linguistique due au fait qu’on maîtrise pas certains mots ou un certain langage.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Qu’est-ce que ça te fait quand même s’il y a des gens qui vont utiliser les mauvais pronoms ou te mégenrer ? Comme est-ce que tu « deales » avec ça ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Mais c’est ça, la grosse différence est au niveau de : est-ce que c’est un enjeu d’ignorance ou c’est un enjeu de non-reconnaissance, où ce que tu sais, je te l’ai dit, puis tu continues de me mégenrer. Ce qui relève de l’ignorance dans une société où on nous apprend pas à laisser les gens autodéterminer leur genre, c’est une chose. Ce qui appartient à la mauvaise foi puis au déni de l’identité de quelqu’un d’autre, c’est une autre chose.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Se faire mégenrer, ça arrive pas seulement lorsqu’on s’adresse à nous, mais souvent lorsqu’on parle de nous à la troisième personne. Pour Isabelle, la blonde de Marie-Philippe, c’est pas toujours évident de parler de Marie-Philippe.
ISABELLE BOIVIN témoigne.
ISABELLE BOIVIN :
Moi, je m’appelle Isabelle Boivin, et mes pronoms sont elle. Je suis une femme cisgenre. Tout de plus plate.
Elle rit.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Cisgenre, ça veut dire dont le genre correspond à celui assigné à la naissance. Donc, si t’es pas transgenre, t’es cisgenre.
ISABELLE poursuit son témoignage.
ISABELLE BOIVIN :
Dans le fond, on a eu des discussions dès le début de la transition sociale pour savoir, dans le fond, qu’est-ce que Marie-Philippe était à l’aise que je dise quand elle était pas là. Si on est à l’épicerie ou sur le coin de la rue, puis que pour faciliter la discussion, on dit : « Oui, Marie-Philippe, c’est ma blonde. », c’est pas nice, puis les deux, on en est conscientes puis on le sait, mais on commencera pas à parler avec tous les inconnus sur le coin de la rue de c’est quoi notre réalité.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Pour les partenaires, c’est une grosse adaptation. Ç’a pas toujours été facile pour Isabelle qui a pris un certain temps avant de bien comprendre ce que vit Marie-Philippe.
ISABELLE poursuit son témoignage.
ISABELLE BOIVIN :
Bien, je voyais la montagne que ç’allait représenter d’explications, d’obstinations, de confrontations. Là aujourd’hui, je me sens vraiment plus à l’écoute, puis vraiment je me sens en mesure, j’ai les mots, j’ai compris les concepts qui rendent l’explication plus facile à donner pour moi, mais au début, je… C’est ça. Au début, je trouvais ça… Je voyais que ç’allait être très compliqué.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Si c’est difficile pour les partenaires, c’est un autre game lorsqu’on a des enfants.
Un extrait de conversation est présenté.
ISABELLE BOIVIN :
S’adressant à sa fille
Est-ce que tu veux écouter Passe-Partout tantôt ?
Des propos d’enfants se font entendre de manière indistincte.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Marie-Philippe et Isabelle sont les parents de Neve, une petite fille de 2 ans. La naissance de Neve est arrivée quelques mois après le coming out de Marie-Philippe.
MARIE-PHILIPPE témoigne.
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Moi, je me définis comme un parent. Donc, j’utilise pas le titre « mère » ou « père ». Moi, je suis le dada de Neve. Neve m’appelle dadou. Dada ou dadou. Après ça, l’enjeu, c’est de le faire reconnaître par les autres, puis de faire en sorte que les autres l’utilisent. Parce que les enjeux, c’est par exemple si on me lit au féminin puis je vais porter mon enfant à la garderie, on va dire : « Dis bye à maman. » Puis là, Neve, elle va chercher sa mère. Mais sa mère, c’est Isabelle. Parce que moi, c’est dadou. Fait que là, elle est comme « Maman ? Elle est où, maman ? » Puis là, des fois, t’es comme : « OK. » Là de toujours spécifier : « Là, je vais venir chercher Neve, mais il faut lui dire que c’est dadou qui va venir la chercher à la garderie. Parce que si tu lui dis que maman va venir la chercher, elle va s’attendre à ce qu’Isabelle vienne la chercher. » Puis si c’est moi qui vient la chercher, elle va être déçue, parce que ses attentes, elle s’attend pas à ce que ce soit moi. Donc, l’importance des mots, c’est là.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Marie-Philippe et Isabelle sont vraiment beaux à voir. Je veux dire belles. « Belleaux ». À les écouter parler, je me dis que finalement, c’est peut-être pas si pire de vivre en français quand on est non binaires. Mais il y a quand même toute la question des nouveaux mots qui me laissent perplexe.
Un extrait de conversation se fait entendre.
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
L’anglais, c’est plus facile.
FRÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais les langues latines,
elles sont pas mal toutes féminin-masculin. Je pense c’est plus propre à cette racine-là si je me trompe pas. Comme l’espagnol, l’italien doit être la même chose pareil. En mandarin, t’as pas…
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
En mandarin, t’as pas de féminin-masculin.
MÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Il y a pas féminin-masculin en mandarin ?
FRÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Non.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Le genre, il est partout dans la langue française. Est-ce qu’on peut vraiment créer un genre neutre sans remettre en question le fondement de la langue française ? J’en discute avec Alpheratz qui est linguiste et spécialiste de la grammaire. Alpheratz est aussi une personne non binaire, mais à la place du pronom « iel », Alpheratz utilise « al », pronom qu’al propose dans sa grammaire du français inclusif.
ALPHERATZ s’exprime en entrevue.
ALPHERATZ :
Les propositions que je fais ont pour objectif d’être plus fonctionnelles que les propositions que je constate. Un exemple. Dans le genre neutre, on peut classer le mot « lecteurice ». Le mot « lecteurice » est formé du masculin « lecteur » et du suffixe qui désigne le féminin « rice », ce qui donne « lecteurice ». Ce mot peut paraître trop binaire pour une pensée qui voudrait utiliser une troisième voie et exprimer une troisième voie dans l’ontologie, dans l’identité de genre, et donc je propose de réactiver, d’utiliser un suffixe qui est déjà utilisé en français, c’est le suffixe « aire ». Et je propose comme alternative à « lecteurice » « lectaire ». Je propose une alternative au pronom « iel » qui est également binaire, sur le modèle de « lecteurice », le pronom « al ». Mais d’autres ont créé le pronom « ul », mais vous avez le pronom « ol » qui, comme « al », est très ancien, qui existait en ancien et moyen français. Le pronom « iel », d’après les attestations que j’en ai, est plus récent, mais ce n’est pas une réactivation.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’est fou de penser qu’il y avait des pronoms neutres il y a plusieurs siècles de ça. En fait, les pronoms neutres étaient utilisés au Moyen-âge.
ALPHERATZ poursuit son témoignage.
ALPHERATZ :
On parle de l’époque de l’ancien français et du moyen français, c’est-à-dire entre le neuvième et le quinzième siècle. On retrouve des pronoms de genre neutre qui ont existé avant d’être abandonné dans les usages majoritaires. La pensée à ce moment-là s’est affinée pour accorder la prédominance au masculin, et ce masculin a supplanté le neutre pour aboutir à la situation du français standard où, en français, nous n’avons que deux genres.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
« Al », « ol », « ul », « iel », « ille »… Ça fait beaucoup de pronoms neutres. Mais comment est-ce qu’on s’y retrouve ? Comment est-ce qu’on choisit le sien ? De mon côté, j’ai décidé de m’exercer à les utiliser. « Ul n’est pas allé au cinéma depuis des mois et est tanné de rester chez ul. » « Ol ne sait pas ce qu’ol veut. Ol change toujours d’idée. » « Iel n’est pas vraiment iel-même ces temps-ci. Iel se fait peur à iel-même. » « Iel et ol se ressemblent, mais iels n’ont pas les mêmes parents. » Ça prend un peu de temps à s’habituer quand même. Est-ce que ce serait pas mieux s’il y en avait qu’un seul ? Un pronom officiel neutre ?
ALPHERATZ poursuit son témoignage.
ALPHERATZ :
« Iel » a un avantage qu’il est employé de façon beaucoup plus importante que ces pronoms non binaires qui sont apparus plus tard. Aussi « al », faut le dire. Et que ce soit « al », « iel », « ol », « ul » ou « ille », peu importe si j’ose dire. L’important, c’est que la pensée que ces pronoms expriment, à savoir qu’al peut y avoir une troisième voie, et non pas seulement une façon binariste de concevoir le monde. C’est ça, pour moi, la chose la plus importante.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Puis quand je vous écoute parler, je trouve que le « al » coule vraiment bien, puis vous êtes la seule personne que je connais qui utilise le « al ». Qu’est-ce que vous avez entendu ? Est-ce que vous avez entendu d’autres commentaires comme le mien par rapport à ce pronom-là en particulier ?
ALPHERATZ :
Un peu de tout. Il y a des gens qui aiment, il y a des gens qui n’aiment pas. « Al » ressemble beaucoup à « elle ». On peut le confondre avec « elle ».
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
« Al » ressemble à « elle », au pronom que j’ai utilisé toute ma vie. C’est pour ça que je trouve ça si naturel, si facile. Parce que c’est pas trop différent. Juste assez pour marquer ma différence. Mais ça sonne encore comme du français. J’ai une confidence à vous faire. La première fois que j’ai lu une grammaire inclusive, c’était pas celle d’Alpheratz. C’est mon ami qui me l’avait offerte pour Noël. C’était fait par un collectif queer de Montréal. J’étais tellement content. J’étais énervé. J’avais tellement hâte de la lire, d’enfin pouvoir trouver les mots pour parler de moi. Mais c’est pas vraiment comme ça que ça s’est passé.
Une VOIX qui se répète en écho se fait entendre.
VOIX :
Heureuxe… Sportife… Belleau… Créatifive… Éducateurice… Ambitieuxe…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
C’était difficile à lire. Pas seulement à prononcer, mais émotionnellement difficile. Je me suis dit : Pour vivre comme non-binaire, je vais non seulement devoir réapprendre à parler ma propre langue, mais je vais aussi devoir demander aux autres de faire même chose. Mais le pire, c’est que j’ai développé une forme de mépris face à ces mots-là. Parce qu’en les regardant, je pouvais pas m’empêcher de me voir moi.
Une VOIX se fait entendre, chuchotant et se répétant en écho.
VOIX :
Weird… Anormal…
Un autre extrait de conversation avec la famille d’AIMÉ est présenté.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais même en anglais, les gens sont genrés.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Oui, mais c’est bien moins genré.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Le she puis le he.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
OK. Ouais, mais écoute. Mettons là, quand je te dis : « Eille, je me sens paresseux. » Oh, I feel lazy. C’est pas genré, ça.
FRÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Puis les choses ont pas de sexe non plus.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Non.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Fait qu’il y a tout ça qui est genre dans le day to day. C’est beaucoup plus facile de parler puis de parler de quelqu’un.
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Oui, pour tout le reste.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Ce sentiment, je le ressens pas vraiment en anglais. C’est pour ça que pendant un moment, j’ai fait mon coming out en anglais seulement.
Une conversation en anglais se fait entendre.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
En anglais, j’utilise le pronom theytheythey themthey au singulier.
Une transaction en anglais se fait entendre.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Ce que vous entendez en ce moment, c’est mon chum qui me commande de la crème glacée. C’est lui qui l’utilise, le prénom they quand il parle de moi. they singulier, c’est le prénom neutre le plus courant qui existe d’ailleurs depuis plusieurs siècles, mais qui a refait surface il y a quelques années seulement. they singulier a même été désigné comme mot de l’année 2019 par le dictionnaire Webster-Merriam. Même s’il reste encore marginal, il est tout de même beaucoup plus reconnu que ses équivalents français. Quand tu vis dans un milieu majoritairement anglo, c’est plus facile d’être non binaire. Mais ç’a aussi un effet pervers. Cet effet-là, c’est de se contenter de vivre en anglais. De mettre le français de côté en quelque sorte.
Une chanson en anglais se fait entendre.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
La personne que vous entendez chanter, c’est l’artiste anishinabee-métis Greyson Gritt ou plutôt G.R. Gritt. Greyson et moi, on a plusieurs points en commun. On est les deux non binaires. On vit dans des bassins anglophones. Lui à Sudbury, moi à Toronto. Mais surtout, on a de la misère à faire le switch au français neutre.
G.R. GREYSON s’exprime en entrevue.
G.R. GREYSON :
En français, j’utilise les pronoms « il ». Je me souviens comme changer à they them, puis faire des Google searchs à trouver d’autres prénoms en anglais. Puis il y avait pas tant d’informations que ça, sept-huit ans passés. Donc, le premier que j’avais découvert, c’était « ol », puis j’ai essayé d’utiliser ça, mais à la fin de la journée, c’était pas comme quelque chose… En anglais, quand j’ai découvert they, j’étais comme : « Ah oui ! C’est ça, là. J’aime beaucoup ça. » Mais en français, c’était comme : « Ol ? » J’étais comme…
Il pousse une exclamation d’hésitation.
G.R. GREYSON :
Je pense pas que ça me décrit. Je pense pas que ça va me faire du bien. Puis aussi, « Ol est venu nous visiter », mais ça change pas. « Ol », il est tu
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
un musicien ou musicienne ? Comment tu te sens quand tu passes d’un univers à l’autre ? Justement, ah bien, en français, c’est « il » puis tout est masculin, et en anglais, tout est gender neutral. Comment est-ce que tu vis cette différence-là ?
G.R. GREYSON :
Euh, c’est… C’est comme t’as fait ta décision, puis là, quand tu te promènes dans la communauté française, you put on your armour, t’as ton shield, puis tu te prépares émotionnellement puis t’es comme : OK, je me prépare puis… T’es fortifié genre, puis tu le sais que « il », ça te convient pas, mais t’as fait ta décision, parce que c’est le meilleur que t’as comme c’est là. À un moment donné, je le sais que je vais devenir tellement inconfortable qu’il va falloir que je le change. Donc, c’est comme… I’m holding out jusqu’à ce que je ne peux plus le faire, puis là, c’est comme : « OK, je suis tanné. » Puis là, ça va être « ol » ou « iel », puis je vais corriger les gens puis ça va prendre une couple d’années. Changer à they them en anglais, ç’a pris des années pour que je puisse entrer des cercles et puis les gens savent que c’est mon pronom, puis ils vont l’utiliser, mais ça prend des années puis des années puis des années.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Greyson a changé ses pronoms en anglais il y a environ huit ans. Les commentaires qu’il entendait à l’époque, bien, ils ressemblent beaucoup à ceux qu’on entend aujourd’hui du côté francophone.
G.R. GREYSON poursuit son témoignage.
G.R. GREYSON :
Je me souviens comme les gens, ils avaient des opinions à partager. En personne, sur Facebook. Tu sais, le monde, ils se pensaient des experts dans le langage anglais. Donc, c’est comme : « Dans le dictionnaire… » Blablabla… Puis c’était comme : « Oh mon Dieu ! Est-ce que tu t’es opposé quand le mot Internet, il a été mis dans le dictionnaire, ou Google ? » Écoute, ça fait depuis le quatorzième, quinzième, seizième siècle qu’on utilise they singulier, donc… Tu sais… Va-t’en, là !
Il rit.
G.R. GREYSON :
Ça m’a beaucoup affecté, parce que c’est des gens que je pensais des fois que c’était mes amis ou on était dans la même communauté, puis finalement ils disent : « Bien, moi, je vais pas utiliser ça, parce que c’est pas… It’s not grammatically correct ». Je suis comme : « Oh mon Dieu ! Le langage, il faut que ça change, sinon ça meurt. »
Un extrait d’une émission en anglais où un personnage non binaire se présente se fait entendre.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Ce que vous entendez, c’est la série américaine « Billions », une des rares séries où on retrouve un personnage non binaire. Qu’est-ce que ça va prendre pour que le « iel » soit aussi reconnu que le they ? J’en discute avec Florence Ashley, transféminine et non binaire. Florence, c’est presque une sommité lorsqu’on parle d’enjeux trans et de français neutre au Québec, et a d’ailleurs écrit plusieurs articles sur le sujet parus autant dans les médias francophones qu’anglophones. Selon Florence, il y a encore beaucoup de travail à faire pour arriver à une réelle ouverture du côté francophone.
FLORENCE ASHLEY s’exprime en entrevue.
FLORENCE ASHLEY :
Ce cas, c’est difficile honnêtement. La publication française m’a un peu découragée.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Dans certains textes envoyés, Florence a utilisé des termes neutres qui ne sont pas encore officialisés. Résultat : la majorité des éditeurs ont enlevé et réécrit les textes de Florence sans la consulter.
AIMÉ parle avec FLORENCE.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Sans te demander ta permission ?
FLORENCE ASHLEY :
C’est sûr pas par exemple des places comme Fugues ou d’autres magazines. Urbania non plus. Donc, ça, ç’a pas été des problèmes. Mais quand on parle de comme La Presse, Le Devoir, Journal Métro, Journal de Montréal, même si je me bats pour ça, c’est non. Le neutre, ça se fait pas. Les pronoms, c’est plus facile souvent que les accords, mais il y a vraiment… Les gens bloquent sur les accords dans les médias. Il y a comme : « C’est pas du bon français… » Blablabla…
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’est vrai que depuis le début du podcast, je me suis surtout concentré sur les pronoms, alors que la plus grande difficulté pour les personnes non binaires, c’est les accords. Parce que contrairement à l’anglais, on peut pas simplement dire aux gens d’utiliser « iel » sans leur donner les outils pour accorder « iel ». Il y a d’autres étapes à franchir avant d’en arriver là.
FLORENCE poursuit son témoignage.
FLORENCE ASHLEY :
La plupart des gens qui veulent suffisamment neutraliser le texte pour utiliser « iel » vont vouloir faire les accords. Si les accords sont trop difficiles, ils vont juste pas utiliser le « iel ». Donc, je pense que la difficulté se pose là. Je pense que la première étape, c’est de normaliser suffisamment à l’écrit. Ça, ça passe notamment par les grands journaux. Mais moi, honnêtement, ce qui m’inspire le plus en ce moment, puis qui me donne comme le goût de voir ce qui va se faire, c’est ce qui se fait dans le gouvernement fédéral avec Laurent Aussant et les gens du Bureau de la traduction et tout ça qui font vraiment des choses vraiment intéressantes puis souvent beaucoup plus… On dirait qu’il y a comme moins peur d’avoir de l’originalité.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Dans les dernières années, Service Canada a d’ailleurs abandonné les termes genrés « madame », « monsieur », « père » et « mère ». Maintenant, je peux même avoir un passeport non genré.
Un autre extrait de conversation avec la famille d’AIMÉ est présenté.
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Non, mais tu sais, la mode de faire des vêtements non genrés, c’est parce qu’on a vraiment genré à l’outrance tous les aspects de la société.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Le bleu puis le rose.
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais moi, ma question que je me pose, si on avait pas autant mis dans des cases différentes les genres, si on aurait besoin…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
De sortir de ces cases-là ?
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Ouais. C’est ça ma question.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Imaginez vivre dans une société où le genre serait secondaire, banal, comme la couleur de nos cheveux ou notre signe du zodiaque. Dans les sociétés occidentales, le genre, c’est un marqueur social fondamental, mais c’est pas le cas dans toutes les cultures. Si l’anglais me permet de mettre l’interrupteur genre à « off » une fois de temps en temps, plus souvent qu’en français en tout cas, il existe des langues complètement non genrées. Des langues très proches de nous géographiquement, mais qui, à force de se faire taper dessus à coup d’évangélisation et de pensionnat, ont presque disparu.
AIMÉ s’entretient avec DIANE LABELLE.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Bonjour, Diane. « Sekoh ». Ça va bien ?
DIANE LABELLE :
Oui, ça va bien. Merci. « Sekoh ».
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Diane Labelle, c’est une aînée mohawk, ou plutôt Kanien’kehá:ka. Elle habite Kahnawake, sur la Rive Sud de Montréal. Dans la langue Kanien’kehá, il y a pas de féminin ou de masculin comme c’est le cas en français.
DIANE témoigne.
DIANE LABELLE :
Tout, c’est neutre. Alors, pour nous, la définition est plus animé ou non animé. Alors, qu’est-ce qui a de vie et qu’est-ce qui n’a pas de vie. Alors, c’est vraiment la fonction ou l’action qui mène et qui est centralisée dans les langues autochtones. Alors, la différence, c’est qu’on n’a pas vraiment besoin de pronoms dans ce cas-là. Comme en français, si on a le mot « chaise ». D’accord ? Le mot « chaise », déjà aussitôt que je mentionne « chaise », on a une idée dans notre tête qu’est-ce que ça veut dire une chaise. Vraiment, dans notre langue, ça veut dire « la place où touchent mes cuisses ». Peut-être que ça serait « je m’accote sur la table, sur un arbre, une clôture, sur une personne ». Tout être vivant a la capacité d’appuyer ses cuisses ou une partie de son corps, sur quelque chose. D’accord ? Ce n’est pas nécessaire de dire que c’est masculin, féminin. D’accord ? C’est la fonction qui n’a pas de genre.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais à ce moment-là, justement, est-ce que c’est le terme « genre » qui est problématique ? De la façon dont vous parlez, j’ai l’impression que c’est comme si en fait il y en a pas vraiment de genres.
DIANE LABELLE :
Il y en a pas de genres. Il y a des personnes et on diffère d’un à l’autre comme les arbres sont différents un de l’autre. Fait que c’est vraiment le fait qu’on définit le monde basé sur des genres qui est problématique.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Diane, c’est aussi une personne bispirituelle, ou two-spirit en anglais. La bispiritualité, j’en ai souvent entendu parler. J’ai toujours vu ça comme la version autochtone de la non-binarité. Mais dans les faits, c’est beaucoup plus que ça.
AIMÉ poursuit sa conversation avec DIANE.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Est-ce qu’il existe un mot en Kanien’kehá pour expliquer la bispiritualité ?
DIANE LABELLE :
Alors, c’est la notion de ne pas être un ou l’autre qui est important. Mais ça, ça peut changer basé sur le contexte. Et un des amis m’avait expliqué que : « Oui, je peux te définir dans le sens que tu fais partie de l’eau. Si tu fais partie de l’eau, tu n’es pas à la hauteur de la surface ni au bas de l’eau. Tu es entre les deux. » Il explique, il dit : « Si on voit les courants et si on vient analyser l’eau, on a une certaine chaleur en haut, sur les premiers pieds de l’eau, qui change un peu dans le milieu, mais n’est pas aussi froid que le bas. Mais il touche aux deux. Et des fois, quand le courant change, il y a un mélange qui se fait. »
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Le mot « bispirituel », il a été inventé dans les années 60 pour donner une forme de visibilité à des gens qui se reconnaissaient pas vraiment dans la binarité.
DIANE poursuit son témoignage.
DIANE LABELLE :
Tu sais, il y a des individus dans les communautés qui agissaient, qui avaient des comportements différents. Ces catégories n’étaient pas là avant la colonisation, mais il faut penser que nous, on est tous passés par les pensionnats aussi, alors il y a beaucoup de colonisation dans les nations autochtones présentement, et il y a des individus qui sont capables de jouer plusieurs rôles basés sur ce qui est nécessaire dans les nations. Alors, à un moment, je peux être mère, mais ça ne veut pas dire que je suis toujours limité à cette définition de maman ou de mère. Je peux aussi jouer le rôle de père et être appelé père. Je peux être oncle ou tante. Je peux être plusieurs choses au courant de ma vie. Alors, c’est d’être capable d’embrasser ces rôles et d’accepter que rien n’est défini ou coulé dans le ciment.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’est rafraîchissant, la vision de Diane. Cette liberté, cette fluidité. Ça fait du bien. Dans mon cas, ça me confirme aussi comment je me sens par rapport à mon genre, par rapport à mes pronoms. C’est maintenant clair pour moi que je n’en veux plus de « elle ». Alors, je vais y aller avec le pronom le plus commun, le plus mainstream, le plus connu des inconnus, « iel ». Celui qui va à la limite me simplifier la vie. Puis « iel », ça rime avec « ciel », « miel », « actuariel ». On s’habitue. Alors, me revoici autour du feu avec ma famille. Je leur explique que j’aimerais ça enregistrer notre conversation pour mon balado. Et même si ça peut paraître un peu paradoxal, la présence de l’enregistreur, bien, elle me rassure. Ça me rappelle les entrevues que j’ai menées pour en arriver là, mais surtout que je suis pas seul. Je leur annonce donc que je vais dorénavant utiliser le pronom « iel », que je ne veux plus qu’on parle de moi comme étant la fille, la tante, la soeur, mais comme étant l’enfant, la tancle, et le froeur.
Un autre extrait de la conversation avec la famille d’AIMÉ est présenté.
PARENTS D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Iel, iel…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Fait qu’au lieu de dire « elle est partie », on dit « iel est parti ».
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Iel est parti.
FRÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais ça paraît pas beaucoup. On est tellement habitués, après des années, décennies de… Je veux dire, c’est vraiment imbriqué en nous, mais je pense avec quelque temps d’ajustement, tu sais.
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais « ma tancle », ça, ça me…
FRÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Exact.
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Ça va être assez facile. Le « iel », aussi.
MÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
On dirait c’est une autre langue. On dirait que ça fait comme… On dirait que c’est pas français. « Iel ».
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Dans la société, entre nous autres, on peut se faire une convention. Mais entre moi puis toi, dans la société, moi, si je parle à 99 % de mon entourage, ils connaissent pas ça, « iel ». Parce que je pense pas que la société présentement soit habituée à changer de vocabulaire.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mon père est un peu sur la défensive, mais il a pas tort. Si ma famille semble assez ouverte à changer son langage pour moi, le reste de la société, elle, je suis pas sûr. Est-ce que les gens vont accepter de changer leur manière de parler ? Après avoir fait mon coming out à ma famille puis mes amis francophones, après leur avoir présenté les mots que j’ai choisis, je reste un peu sur ma faim. Je réalise que choisir les bons termes puis demander aux gens de les utiliser, c’est une chose. Mais de voir ces termes-là rentrer dans l’usage, être utilisés dans les médias de masse, c’en est une autre. C’est pas facile de changer nos habitudes. On sort de notre zone de confort et c’est jamais plaisant. Mais la réalité, c’est que la seule constante, c’est le changement.
Un autre extrait de conversation avec sa famille est présenté.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Bien, pour nous autres, à part le fait de présentement essayer de changer notre vocabulaire, il y a pas vraiment d’autres changements…
FRÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Le plus important, c’est de l’accepter…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais c’est ça, puis honnêtement…
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais je l’ai accepté, moi…
FRÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Non, mais j’ai pas dit que t’avais pas accepté…
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’est de comprendre. J’ai accepté, moi. Comme je te l’ai dit tantôt, je comprenais pas vraiment ce que c’était une personne qui est non genrée. Puis en plus de ça, elle a commencé à dire « iel », puis « toncle »…
SOEUR D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
« Tancle », papa.
PÈRE D’AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
« Tancle », peu importe, là… Pour moi, c’est une adaptation, là. Puis ça se peut que je me trompe même. Puis si mettons je dis « elle » au lieu de dire « iel », tu vois ça comme un manque de respect envers toi, j’imagine ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Non, parce que comme je dis, ça prend du temps. Mais si je vois que tu fais aucun effort et que tu t’en fous, là, ça va me faire de la peine. Parce que je prends le temps de t’expliquer puis de te le demander. Mais tu sais, c’est sûr que ça va être long, là.
AIMÉ s’adresse au public de l’émission.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Pourquoi est-ce que je lève le ton avec mon père ? Parce que c’est pas juste une question de langue. C’est une question de qui je suis, de comment je me définis. Pour moi, c’est une question d’être vu, mais surtout d’être respecté. C’est tout ça qui se cache derrière les mots.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Vous venez d’entendre l’épisode « Masculin, féminin, ou moi ».
Recherche, animation et réalisation : Aimé Majeau Beauchamp.
Musique originale : Mehdi Cayenne.
Mixage : Pierre Luc Barr.
Production : Gisèle Quenneville.
La série « J’en perds mes mots ! est présentée par ONFR+ ». Abonnez-vous au balado pour ne pas rater les prochains épisodes. Et si vous aimez et que vous voulez nous le faire savoir, nous, on aime bien ça les petites étoiles. Je vous dis ça comme ça. À bientôt.
Plusieurs extraits d’entrevue se succèdent.
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Et c’est pas plus difficile de faire comme : « Bonjour, je m’appelle Marie-Philippe. J’utilise les pronoms iel avec les accords alternés. » Toi. Voilà. Tu viens de laisser la possibilité à quelqu’un d’autre de s’autodéterminer.
G.R. GREYSON :
J’ai vraiment hâte à voir ce qu’on va retrouver après avoir poussé pour des années puis des années pour ça et cet équilibre-là.
FLORENCE ASHLEY :
On s’invente juste comme un genre grammatical qui va couvrir tout le monde. Puis ça va être nice.
English Translation
NARRATOR :
J’en perds mes mots.
A podcast by ONFR+.
CHILD :
Hi, Dad ! What’re you filming ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
When I was a kid, my sister and I would often splash around in the hot tub. While we were busy getting water all over the place, Mom would watch shows in the kitchen, on our little 14-inch TV.
Children’s voices are heard.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
As for Dad, it wasn’t rare to see him behind a camera, filming our little life, full of songs by Carmen Campagne and nautical acrobatics. That’s the life I grew up in. In rural Quebec, where everyone spoke French. And our English could be summed up with “yes”, “no”, “toaster”, and “Mister Bean”. Actually, it was only some five years ago that I moved to Ontario and began living in English for real. Today, it’s English I speak at home, in my one bedroom plus den condo. But French remains a part of me, a part of my identity. My mother tongue is almost sacred to me. “Keep calm and speak French.” Recently, though, my life changed, and so did my connection to French. In this episode, I’ll be telling you about my story, my connection to my language, but especially my gender. Because my gender doesn’t really exist in French. My name is Aimé Majeau Beauchamp, and here is the first episode of “J’en perds mes mots” The scene is in July 2020, in the middle of a heatwave. We’re sitting around the campfire, my parents, my sister, my brother, and me. It’s super peaceful. We can hear the crickets chirping. We’re stargazing. I’m absurdly nervous. I’m about to tell them something about myself. I’ve had something on my mind for a while, and I can’t fully explain it.
An excerpt of the conversation begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
As far as I’m concerned, in my skin, I don’t feel like a woman. So when people use feminine words to describe me, it’s like somebody calling you “Mrs.”, you know ? Or if somebody referred to you as “her”… You’d think it doesn’t represent you. Well, that’s sort of how I feel. In a way, I think that in French, I’m continually getting the feeling that people are shoving it down my throat, that I’m perceived as a woman, and that I am a woman, and that’s not how I feel.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
Because there are no words. Well, there are, but…
The clip ends.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
I said it. And to be honest, listening back to it now, I get a little dizzy. Explaining to my 64-year-old dad what non-binary means. Explaining that, after 27 years, his daughter doesn’t want to be called that anymore. That his child is non-binary. It wasn’t the easiest thing I’ve ever done. To put it mildly. I mean, it wasn’t the first time I had told them about my gender. But I hadn’t really explained what it meant to be non-binary. Not that I didn’t want to. It’s just, I didn’t have the words with which to describe myself. You know, to talk about myself, about my gender, in a language as gendered as French. How can I explain to my family that I am non-binary if I don’t even know what pronoun to use, or what grammatical ending, or… Am I a sister, a brother, an uncle, an aunt, a male cousin, a female cousin ? And to be honest, that is where I kept hitting a wall for a long time. I didn’t realize I was non-binary overnight. It was a feeling that had always been inside me, like a part of me was screaming to be heard, but in a language I didn’t know yet. And the final straw was an umpteenth questionnaire, asking me, “Are you a man or a woman ?” I don’t know why it happened that day in particular, but there was no going back. To be fair, I’d never liked answering that question. But it was the first time I understood why. I realized the options themselves didn’t make sense, that I’d never wanted them, that I never wanted to see those checkboxes again. But I also quickly realized it wasn’t as simple as being neither a man nor a woman.
Another bit of conversation with the family begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
I figured that I didn’t feel good about being gendered as a woman, but I felt I didn’t have any other options, because I thought, well, anyway, the French language is gendered. That’s all there is to it. I don’t have a choice. That’s the way it is. Either I become an example of an alternative third path, or I keep getting gendered as a woman and never feel good about it.
The clip ends.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Then I started feeling like I was taken hostage.
A VOICE is overheard, whispering and echoing.
VOICE :
Wait until you’re really sure. Wait to have the words to explain it. Wait for people to be ready. Wait. There’s no… Wait. It’s not that important… Wait… Wait.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
Well, I’m sick of waiting. So I decided to seek out people like me. French-speaking and non-binary.
An English song about gender issues is heard.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
My first quest was to find someone who was confidently living a non-binary life and who had found the words to describe themselves. And I found them, in some remote spot of the Laurentides.
An excerpt of the conversation begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Hello ! How are you ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
I’m fine, how are you ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Do you mind if I park here ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Sure, sure.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Marie-Philippe Drouin welcomes me at her friend’s house in Sainte-Adèle, Quebec.
MARIE-PHILIPPE DROUIN introduces themselves.
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
My name is Marie-Philippe Drouin. I use the “iel” pronoun, or “I-E-L”, with alternating grammatical genders, so I alternate between the masculine and the feminine. I am a French-speaking, trans, non-binary person living in lovely Quebec City.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
The “iel” “I-E-L” pronoun is a mix of the feminine pronoun “elle” and the masculine pronoun “il”. Marie-Philippe tells me that the first time they discovered the concept of non-binary persons was when they were working in an LGBT group for youths.
MARIE-PHILIPPE testifies.
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
It was the first time in my life that I ever heard of non-binary gender. In a way, I was mind blown. Oh my God ! That’s what I am. It makes so much sense given the way I think, how I perceive myself, but also to see my whole life through this new lens… It made so much sense.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
You know, I said that before I knew I was non-binary, I always had this voice inside me that spoke to me in a foreign language. But getting a Non-Binary 101 class would be like learning the basics of that language, and maybe it can help you understand it too. Non-binary or trans non-binary people have a gender that does not match the one they were assigned at birth. But unlike binary trans people, like trans women or trans men, these people don’t identify with either gender. I, for instance, was assigned female at birth, but I’ve never felt completely like a woman. I don’t feel completely like a man either. There are days when I feel more one than the other, but sometimes I feel neither. And non-binary is an umbrella term for several subcategories, like gender-fluid, agender, half-gender, but I don’t want to get into the details here.
Another bit of conversation with AIMÉ’s family begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
She feels neither like a man, neither like a woman. She is non-gendered.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
That’s a good summary, Dad.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
What sets a non-binary person apart the most ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S MOTHER :
How do you know ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
It’s just, you don’t know if you’ve never spoken to the person.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
My sister is right. You can’t guess a person’s gender. Sorry for those of you who thought you had a radar. There’s no such thing. Gender identity and gender expression are two different things. There are some non-binary people who are going to appear more androgynous or who are going to make physical changes to their bodies, like having hormone therapy or surgery, but it’s how you feel on the inside that matters, not how you look on the outside.
Another bit of conversation with the family begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
In my mind, I’m a little confused. There’s the sexual aspect of the matter, and the aspect of how the person might feel.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S MOTHER :
Because we confuse the two, but they’re two separate things.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
Yeah, it’S two distinct things.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Interest, sexual desire or romantic attraction has nothing to do with gender. Non-binary persons can be attracted by men, or women, or other non-binary people. There isn’t much data on non-binary people, but to give you a sense of scale, in 2018, there were 75 000 trans and non-binary persons in Canada. Okay. Enough with the informational aside. Let’s get back to Marie-Philippe and pronouns.
A conversation between AIMÉ and MARIE-PHILIPPE begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
How did you pick them ? Was it a whole process ? Did you try out a few things ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Well, yes and no. I think that my pronouns are neither fixed nor unyielding. When I’m with a person I know, we can use any pronoun and any agreement, because my concern is that our dialogue and our conversation be easy and constructive, not that there be a language barrier due to the fact that we haven’t mastered certain words or a certain language.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
How do you feel when some people use the wrong pronouns or misgender you ? How do you deal with that ?
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
Well, that’s the thing. The big difference is whether it’s a matter of ignorance or a matter of non-recognition, where it’s like, you know, I told you, and yet you keep on misgendering me. What comes from ignorance, in a society where we’re taught to not let people determine their gender themselves, is one thing. And what comes from bad faith and denying someone else’s identity is another entirely.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Getting misgendered happens not only when we are spoken to, but often when we are spoken of. For Isabelle, Marie-Philippe’s girlfriend, it’s not always easy to talk about Marie-Philippe.
ISABELLE BOIVIN testifies.
ISABELLE BOIVIN :
My name is Isabelle Boivin and my pronouns are she and her. I’m a cisgendered woman. The most boring type.
She laughs.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Cisgender means that a person’s gender matches the one assigned at birth. So if you’re not transgender, you’re cisgender.
ISABELLE continues.
ISABELLE BOIVIN :
Basically, we had discussions right from the start of the social transition to find out what Marie-Philippe was comfortable with me saying when she wasn’t there. If we’re at the grocery store or on the street corner, to make it easier to talk, we say, “Yes, Marie-Philippe is my girlfriend,” which isn’t nice, and we’re both aware of it, we know it, but we won’t start telling all these strangers on the street about what our reality is.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
For partners, it’s a big adjustment. It wasn’t always easy for Isabelle, who needed a while to understand what Marie-Philippe was going through.
ISABELLE continues.
ISABELLE BOIVIN :
Well, I could see the mountain of explanations, obstinacy and confrontations that this would entail. Today, I really feel like I’m more in tune. I feel I’m able… I have the words, I’ve grasped the concepts that make it easier for me to explain, but in the beginning, I… That’s it. In the beginning, I found it… I could tell it was going to be complicated.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
And while it’s difficult for the partners, it’s another game entirely when you have children.
An excerpt from the conversation begins.
ISABELLE BOIVIN :
Speaking to her daughter
Do you want to watch Passe-Partout later ?
Children’s voices are heard, indistinctly.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Marie-Philippe and Isabelle are the parents of Neve, a 2-year-old girl. Neve was born a few months after Marie-Philippe’s coming out… Abnormal…
Another bit of conversation with AIMÉ’s family begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
But words are gendered even in English.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Yes, but far less often.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
There’s she and he.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Okay. Yeah, but listen. Let’s say I say, “Hey, I feel lazy.” Oh, I feel lazy. That isn’t gendered.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S BROTHER :
And things aren’t gendered either.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
No.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
So there’s all that in the day to day. It’s much easier to talk, and to talk about somebody.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
Yes, for everything else.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
I don’t really get that feeling in English. That’s why, for a time, I did my coming out in English only.
An English conversation is heard.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
In English, I use the pronoun they, in the singular.
An English transaction is heard.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
What you’re hearing now is my boyfriend ordering ice cream for me. He’s the one using the pronoun they to speak about me. they singular is the most common neutral pronoun. It has existed for several centuries, but it resurfaced only just a few years ago. they singular was even designated Word of the Year 2019 by the Merriam-Webster dictionary. Although it remains marginally used, it is far more acknowledged than its French equivalents. When you live in a majority English-speaking environment, it’s much easier to be non-binary. But that also produces a perverse effect. And that effect is that you grow comfortable living just in English. You put French aside, in a way.
A song in English is heard.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
The person you’re hearing now is Anishinabe-Metis artist Greyson Gritt, or G.R. Gritt. Greyson and I have several things in common. We’re both non-binary. We both live in English-speaking communities. He’s in Sudbury, and I’m in Toronto. But, especially, we struggle to switch to a neutral French.
G.R. GREYSON speaks during an interview.
G.R. GREYSON :
In French I use the “il” pronoun. I remember switching to they them, then doing some Google searches to find other pronouns in English. There wasn’t much to find, some seven or eight years ago. So the first one I discovered was “ol”, and I tried to use that, but at the end of the day, it wasn’t like… In English, when I discovered they, I was like, “Right, yes ! That’s the one. I like it.” But in French, it was like, “Ol ?” I was like…
He makes a noise of hesitation.
G.R. GREYSON :
I don’t think it describes me. I don’t think that’ll feel good to me. And anyway, “Ol est venu nous visiter” doesn’t change much. Is “Ol” a male “musicien” or a female “musicienne” ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
How do you feel when you go from one world to the other ? That’s the thing, in French, it’s “il”, and everything is in the masculine, but in English, everything is gender neutral. How do you experience that difference ?
G.R. GREYSON :
Uh, it’s… It’s like you’ve made up your mind, but when you go around the French-speaking community you put on your armour, you have your shield, and you prepare yourself emotionally, you’re like, “Okay, I’m getting ready, and… You’re fortified, in a way, and you know “il” doesn’t fit you, but you made your decision, because it’s the best you’ve got at that point. At some point, I know I’ll get so uncomfortable that I’ll have to change it. So, it’s like… I’m holding out until I can’t stand it anymore, and then it’ll be like, “Okay, I’m sick of it.” Then, I’ll be “ol” or “iel”, and I’ll correct people. It’ll take a couple of years. Switching to they them in English took me years for it to take root in my circles, for people to know that’s my pronoun, and they use it now. But it takes years and years and years.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Greyson changed their English pronouns some eight years ago. The comments they’d hear back then sound a lot like those we hear today in French.
G.R. GREYSON continues.
G.R. GREYSON :
I remember that people, like, they had opinions they wanted to share. In person, on Facebook. You know, people thought they were experts of the English language. So it was like, “In the dictionary…” Blah blah blah… And it was like, “Oh, my God ! Did you oppose the word Internet when it was added to the dictionary ? What about Google ?” Look, we’ve been using they singular since the fourteenth, fifteenth, sixteenth centuries, so… You know… Go away !
They laugh.
G.R. GREYSON :
It really affected me, because they were people I thought of as friends, or we were in the same community, and in the end they’d say, “Well, I won’t be using it, because it’s not… It’s not grammatically correct.” I’m like, “Oh, my God ! Language needs to evolve or it dies.”
An excerpt of an English-language show where a non-binary person introduces themselves is heard.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
What you’re hearing is the American series “Billions”, one of the rare few series that features a non-binary character. What will it take for “iel” to be as widely used as they ? I discussed it with Florence Ashley, a transfeminine non-binary person. Florence is a specialist of trans issues and neutral French in Quebec, and they have written several articles on the topic, published both in French-language and English-language media. According to Florence, there remains a lot of work to create real openness in French.
FLORENCE ASHLEY speaks during an interview.
FLORENCE ASHLEY :
This case is honestly difficult. French-language publishers discouraged me somewhat.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
In some texts they wrote, Florence had used neutral terms that are not yet official. As a result, most editors removed them and rewrote Florence’s texts without consulting them.
AIMÉ speaks with FLORENCE.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Without asking for your permission ?
FLORENCE ASHLEY :
Obviously not in places like Fugues or other magazines. Urbania was fine. Those publications weren’t a problem. But when you look at news outlets like La Presse, Le Devoir, Journal Métro, Journal de Montréal ― even if you argue in favour of it, the answer remains no. Neutral forms are not accepted. Pronouns are often easier than matters of subject-verb agreement, but there really is… People in the media hit a block on the matter of conjugation. It’s like, “But this isn’t proper French…” Blah blah blah…
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
It’s true that, since the start of this podcast, I’ve mostly focused on pronouns, but the biggest issue for non-binary persons is conjugation. Because, as opposed to English, we can’t just tell people to use “iel” without telling them how to make sure their verb conjugations agree with “iel”. There are other steps to get through before we get there.
FLORENCE continues.
FLORENCE ASHLEY :
Most people who are sufficiently willing to make their texts neutral and use “iel” will still want to conjugate. If conjugation is too difficult, they’ll just skip using the “iel”. So I think the challenge lies there. I think the first step is to normalize the written forms. And that begins namely with major newspapers. But, honestly, what inspires me most right now and which makes me interested in seeing what comes next is what the federal government is doing, with Laurent Aussant and people at the Translation Bureau and other such agencies, who are really doing interesting stuff and much more… It’s like they’re not afraid to be original.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Over the past few years, Service Canada has given up on using gendered terms like “Mrs.”, “Mr.”, “father” and “mother”. I can even get myself a non-gendered passport now.
Another bit of conversation with AIMÉ’s family begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
But you know, the new fashion of making gender-neutral clothes is that we really overgendered every single aspect of society.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
Blue and pink.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
For me, the thing I keep wondering, is if we hadn’t worked so hard to keep these genders apart, would we even need…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To leave the gendered boxes that were created ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
Yeah. That’s what I wonder.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Imagine living in a society where gender was secondary, almost banal, like hair colour or your zodiac sign. In Western societies, gender is a fundamental social marker, but that isn’t the case in all cultures. While English allows me to switch to “off” from time to time, at least more than in French, there are languages that are completely non-gendered. Languages that are very close to us, geographically, but which, through the repeated assaults of evangelization and residential schools, have nearly vanished.
AIMÉ speaks to DIANE LABELLE.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Hello Diane. “Sekoh.” How are you ?
DIANE LABELLE :
I’m fine. Thank you. “Sekoh.”
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Diane Labelle is a Mohawk elder, or, rather, Kanien’kehá:ka. She lives in Kahnawake, on the Montreal South Shore. The Kanien’kehá language doesn’t use masculine or feminine forms, unlike French.
DIANE testifies.
DIANE LABELLE :
Everything is neutral. For us, the definition lies in whether something is animate or inanimate. In other words, what has life and what doesn’t have life. So it’s really the function or the action that leads and which Indigenous languages focus on. The difference is that we don’t really need pronouns in this case. Like, in French, you have the word for chair. Right ? The word “chaise” ― as soon as I mention “chaise”, we have an idea in our head of what a chair is. Really, in our language, it means “the place that my thighs touch”. Like it’d be, “I lean on the table, on a tree, on a fence, on a person.” Every living being has the ability to rest its thighs or part of its body on something. Right ? There’s no need to specify that it’s male or female. Right ? A function has no gender.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
But then, would it be the term “gender” that is problematic ? The way you talk, I get the impression that it’s as if there aren’t really any genders.
DIANE LABELLE :
There are no genders. There are people ; and we are different the way trees are different. So ultimately, it’s the fact that we define people based on gender that is problematic.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Diane is also a bispiritual person, two-spirited in English. Two-spirit is something I’ve heard about often. I always perceived it as the Indigenous version of non-binarity. But in reality, it’s much more than that.
AIMÉ continues the conversation with DIANE.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Is there a word in Kanien’kehá to explain Two-spirit ?
DIANE LABELLE :
So, the important concept is that of being neither one nor the other. But this will change depending on context. A friend once explained it this way : “Yes, I can define you, in the sense you are part of the water. If you are part of the water, you are neither the surface nor the riverbed. You are between the two.” His explanation was, “If you see the currents and you analyze the water, you see more heat near the surface, in the first few feet of depth, and this changes as you go deeper, as it grows colder near the bottom. But it is water the whole time. And sometimes, when the current changes, the temperatures mix.”
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
The word “Two-spirit” was invented in the 60s to give some visibility to people who didn’t really recognize themselves in the binarity.
DIANE continues.
DIANE LABELLE :
You know, there are people in the communities who were acting―·who had different behaviour. These categories weren’t there before the colonization, but you have to think that we all went through residential schools too, so there’s a lot of colonization in Indigenous nations right now, and within these nations there are people who can play many roles based on what is needed. So, at some point, I might be a mother, but that doesn’t mean I’m always limited to that definition of mother or mommy. I might also play the role of father and be called as such. I can be an aunt or an uncle. I can be many things over the course of my life. So it’s about being able to embrace those roles and accept that nothing is defined or set in stone.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Diane’s vision is refreshing. The freedom, the fluidity. It’s comforting. In my case, it also confirms how I feel about my gender, about my pronouns. It’s clear to me now that I am done with “elle”. So I’ll be going ahead with the most common pronoun, the most mainstream, the most known among the unknowns, “iel”. One can hope that will make my life easier. And “iel” rhymes with the words for “sky”, “honey”, and “actuarial”. You get used to it. Now here I am, once again sitting around the firepit with my family. I explain I’d like to record our conversation for my podcast. And though it might seem a little paradoxical, the recorder’s presence comforts me. I remember the interviews I held to get here, and that I’m not alone. I announce that I’ll now be using the “iel” pronoun. That I no longer want to be the daughter, the aunt, the sister, but that I am the child, the auncle, the broster.
Another bit of conversation with AIMÉ’s family begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S PARENTS :
Iel, iel…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
So instead of saying “elle is gone,” you would say “iel is gone.”
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
Iel is gone.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S BROTHER :
But it doesn’t sound like a huge difference. We’re so used to… I mean, after years, decades of… I mean, it’s really rooted within us. But I think after an adjustment period, you know…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
But “my auncle” kinda… It…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S BROTHER :
Exactly.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
It’ll be pretty easy. “Iel” too.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S MOTHER :
It’s like another language. It’s like… It’s like it’s not French. “Iel”.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
In society, amongst ourselves, we can create a convention. But between us, in society, if I speak to 99 % of my acquaintances, they don’t know “iel”. I don’t think society right now is used to changing its vocabulary.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
My father is a little on the defensive, but he’s not wrong. Although my family seems open enough to changing its language for me, I’m not so sure about the rest of society. Will people agree to change the way they speak ? Having done my coming out to my family and my Francophone friends, having told them what words I’ve chosen, I still feel like something’s missing. I realize that choosing the right terms and asking people to use them is one thing. But seeing those terms actually become widespread and used in mainstream media is another matter entirely. It’s hard to change the way we’ve always done things. Leaving one’s comfort zone is never pleasant. But the reality is that the only constant is change.
Another bit of conversation with the family begins.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
I mean, for us, aside from the fact of trying to change our vocabulary, there aren’t many other changes…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S BROTHER :
The most important thing is to accept it…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
That’s the thing, and honestly…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
But I have accepted it…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S BROTHER :
I didn’t say you didn’t…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
It’s about understanding. I’ve accepted it. As I said earlier, I didn’t really understand what a non-gendered person is. And then she started saying “iel”, and “tuncle”…
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S SISTER :
“Auncle”, Dad.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP’S FATHER :
“Auncle”, whatever… For me, it’s going to be about getting used to it. And I might still get it wrong. So if I say “elle” instead of “iel”, you’ll perceive it as an insult, I guess ?
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
No, because as I said, it takes time. But if I see you’re not making an effort, and that you don’t care, that’s when I’ll feel hurt. Because I took the time to explain and to ask. But, you know, of course it’ll take time.
AIMÉ speaks to the audience
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Why am I raising my voice with my dad ? Because it’s not just about language. It’s about who I am, how I define myself. To me, it’s about being seen, but especially about being respected. That’s what lies beyond the words.
NARRATOR :
You just listened to “Masculine, Feminine, Or Me.”
Research, Host, Director : Aimé Majeau Beauchamp.
Original Music : Mehdi Cayenne.
Mixing : Pierre Luc Barr.
Production : Gisèle Quenneville.
This series is a presentation by ONFR+. Subscribe to the podcast so you don’t miss the next episodes. And if you enjoy it and want to let us know, we sure love seeing little stars. Just saying. See you soon.
Various interview excerpts play in succession.
MARIE-PHILIPPE DROUIN :
And it’s no more difficult to be like, “Hi, my name is Marie-Philippe. I use ‘iel’ with alternating conjugation.” What about you. That’s it. You just left someone the opportunity to self-define.
G.R. GREYSON :
I really can’t wait to see what we’ll find out after pushing for years and years to achieve this balance.
FLORENCE ASHLEY :
We could just invent a grammatical gender that will cover everyone. That’ll be nice.