Militantisme francophone : une passion de famille pour Marie-Pierre Héroux

[LA RENCONTRE D’ONFR]

SUDBURY – Marie-Pierre Héroux est engagée dans la jeunesse franco-ontarienne depuis son tout jeune âge. Passionnée par le fait français dans sa province, cette jeune femme originaire d’Embrun recevra le prix Thomas-Godefroy de l’Association canadienne française de l’Ontario (ACFO) de Prescott et Russell le 24 mars.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

D’où vous vient cette passion pour l’Ontario français?

Je viens d’une famille franco-ontarienne, donc la culture du fait français a toujours été en avant-plan dans ma jeunesse. Quand je suis arrivée au primaire, je me souviens d’un cours qui parlait de la culture (francophone) afin que nous bâtissions notre identité francophone. Lorsque j’écoutais ce professeur nous parler des Franco-Ontariens et de leurs problèmes, ça m’a vraiment ouvert les yeux. J’ai compris à ce moment que l’on devait se battre pour faire entendre notre voix.

Vous allez recevoir le prix jeunesse Thomas-Godefroy de l’ACFO de Prescott-Russell. Comment voyez-vous cette distinction?

C’est un grand honneur d’être reconnue pour mon engagement communautaire. Surtout quand on pense que mon frère a reçu le même prix en 2014 en tant que président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), on voit que ça devient une histoire de famille pour nous.

Comment voyez-vous le fait français dans la région de Prescott-Russell?

On voit beaucoup des familles d’Embrun, d’où je viens, quitter pour emménager à Ottawa. C’est sûr que c’est décevant surtout quand on pense au riche héritage franco-ontarien de l’est de la province. Une chance qu’il y a des organismes qui font bouger les choses pour nous rappeler l’importance de notre présence dans la région. J’ai hâte de voir le monument franco-ontarien qui va être érigé à Embrun justement pour commémorer cela.

La co-présidente du RÉFO, Marie-Pierre Héroux. Crédit image : Gracieuseté

Vous avez récemment fait une sortie publique pour dénoncer l’anglicisation de l’Université Laurentienne, à Sudbury, où vous étudiez. Pourquoi est-ce que vous teniez à le faire?

À l’Université Laurentienne, ça reste un campus bilingue. Souvent, on voit que les cours en français, qui sont moins populaires, sont annulés sans raison, ce qui est fâchant quand on veut les suivre. On voit aussi que l’espace francophone sur le campus n’est pas toujours parfait. C’est souvent dur de se retrouver comme francophone. Il faut rappeler que le campus est bilingue et que ça veut dire qu’il y a deux langues qui se côtoient. Ce n’est pas seulement l’anglais que les choses se font.

Quand on annule les cours, on ne donne vraiment pas de raison?

Ça m’est arrivé une fois quand j’étais dans ma première année et on ne m’avait pas dit pourquoi. On m’a seulement dit de choisir autre chose. Je n’ai jamais su le fond de l’histoire.

Qu’est-ce qui vous a amené à militer pour la cause de l’université franco-ontarienne?

À force de côtoyer les mouvements jeunesse, j’avais déjà été conscientisée au besoin d’une université franco-ontarienne. Par contre, c’est en entrant à l’Université Laurentienne que j’ai concrètement vécu les problèmes d’être une étudiante francophone dans un milieu bilingue. J’ai vu des cours en français être annulés, j’ai vécu le milieu scolaire anglophone et l’association étudiante qui se dit bilingue, mais où tout se passe en anglais au final. C’est ça qui m’a encore plus donné le goût de pousser pour le projet.

Est-ce que vous croyez vraiment que rapatrier les programmes francophones à l’Université de l’Ontario français est une bonne solution?

C’est important parce que l’on ne veut pas qu’il y ait une compétition dans les premières années avec les autres établissements bilingues. On veut que le projet réussisse. Il ne faut pas oublier que nous n’avons qu’une chance pour que ce projet ait du succès. Si on manque notre opportunité, on ne pourra jamais revenir en arrière. Quand on y pense, l’exclusivité des cours en français a été faite quand on a créé le réseau collégial (au début des années 90). On avait des institutions bilingues au début et aujourd’hui, nous avons des établissements francophones. Si ça a fonctionné à ce moment, pourquoi ça ne marcherait pas aujourd’hui?

Cette solution ne fait pas l’unanimité dans la communauté, est-ce que c’est vraiment ce que les Franco-Ontariens veulent?

Si on regarde les États généraux, c’était la demande qui avait été faite depuis le début. Donc, je dirais que oui, c’est la demande de la jeunesse et des organismes.

Est-ce que vous trouvez difficile de mobiliser les jeunes?

Non, la jeunesse est mobilisée quand il le faut. Je l’ai vu de mes propres yeux quand j’ai participé à la marche citoyenne pour le bilinguisme d’Ottawa. Personnellement, j’étais dans l’équipe de coordination et quand j’ai vu près de 1 200 jeunes dans la rue, ça m’a inspiré. Si ça, ce n’est pas une jeunesse mobilisée, alors je ne sais pas c’est quoi.

Que diriez-vous aux jeunes pour les mobiliser pour des causes?

Je leur dirais qu’en ce moment, ce sont des adultes qui prennent des décisions pour nous, mais ce n’est pas eux qui vont devoir vivre avec les conséquences. La véritable question est : pourquoi on ne veut pas faire partie du changement? C’est un peu ce que je dirais.

Quels sont les défis de demain pour la jeunesse franco-ontarienne?

Il faut faire aboutir le projet de l’université franco-ontarienne avec des campus régionaux. Le défi pour la jeunesse va être de rester mobilisée et motivée. Peu importe ce que disent les gens plus âgés sur notre implication politique, nous sommes des experts parce que nous vivons actuellement dans ce système d’éducation où nous n’avons pas le choix d’une université franco-ontarienne. Lorsqu’il est question de bâtir le monde de demain, on sait ce que l’on veut.

Comment faire pour impliquer les jeunes dans le processus décisionnel?

Il faut que tous les conseils d’administration des organismes aient un poste jeunesse à sa table de discussion. On doit avoir une voix. Même si nous sommes jeunes, nous avons des passions et nous avons de bonnes idées que nous voulons partager.

En terminant, si vous étiez à la place de Kathleen Wynne, quelle serait votre première mesure pour les francophones?

C’est sûr que je pousserais pour notre projet d’université franco-ontarienne avec des campus régionaux en commençant, mais je voudrais toujours travailler pour impliquer davantage les francophones et la jeunesse dans les prises de décision. Il faut augmenter les espaces francophones et notre place dans l’espace public pour s’assurer que nous soyons encore présents en Ontario pour les 400 prochaines années.


LES DATES-CLÉS DE MARIE-PIERRE HÉROUX :

1998 : Naissance à New Liskaed 

2013 : Premier mandat consécutif en tant que Représentante régionale de l’Est pour le Conseil de Représentation de la FESFO

2015 : Élue élève-conseillère au Conseil scolaire du district catholique de l’est ontarien (CSDCEO) pour l’année scolaire 2015-2016

2016 : Débute son baccalauréat en histoire à l’Université Laurentienne à Sudbury 

2018 : Devient co-présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (REFO) 

Chaque fin de semaine, #ONfr rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.