Mise à jour économique : l’ombre ou la lumière pour les francophones?

Le président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, Carol Jolin.
Le président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, Carol Jolin. Archives ONFR+

TORONTO – Il y a un an jour pour jour, l’énoncé économique du gouvernement libéral avait consacré la reconnaissance du bilinguisme de la Ville d’Ottawa et entériné la création de l’Université de l’Ontario français. Les pronostics sont aujourd’hui plus sombres à la veille du premier exercice en la matière du gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
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SÉBASTIEN PIERROZ
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Le ton est même donné. Il y a quelques jours, le ministre des Finances, Victor Fedeli, a évoqué quatre idées qui inspirent les actions du gouvernement, lors d’un discours devant les Courtiers indépendants en sécurité financière. « Le respect des payeurs de taxes », « l’Ontario comme moteur de la Confédération », « une province championne des entrepreneurs » et « un respect pour les payeurs de taxes ». Voilà les piliers de la nouvelle approche conservatrice ontarienne qui guident l’élaboration de la mise à jour économique.

« On peut effectivement prévoir des tendances lourdes », analyse la politologue au Collège militaire royal du Canada, à Kingston, Stéphanie Chouinard. « Le gouvernement Ford a tenté de mettre la table en annonçant les conclusions de l’étude. »

Depuis des semaines, certains acteurs clés de la francophonie ontarienne modifient leur approche face au gouvernement. Plus question de parler des bénéfices sociaux de leurs projets. Dorénavant, ils parlent d’économies d’argent, de gains d’efficacité et de retombées économiques.

Ainsi, on évoque les retombées potentielles du tourisme francophone, les économies à faire en soignant mieux les francophones et du besoin de former de la main d’œuvre bilingue.

« Il ne faut pas essayer de voir comment le gouvernement peut vous aider, il faut penser comment vous pouvez aider le gouvernement », disait d’ailleurs Stewart Kiff, lobbyiste de plusieurs groupes francophones lors d’un atelier à l’occasion du congrès de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), récemment. « Le gouvernement Ford cherche des partenaires et déteste les personnes qui se positionnent contre lui », ajoutait-il.

En entrevue pour #ONfr, le président de l’organisme, Carol Jolin, reste prudent. « Ce n’est pas mon genre de faire des spéculations sur cette mise à jour économique. On va se rendre à la rivière déjà, et après on va la traverser. »

Des attentes tout de même? « Pour le moment, plusieurs projets ont avancé, mais on attend toujours le renouvellement du Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO), la confirmation de l’argent du Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO) ou encore, le poste de conseiller aux Affaires francophones. »

Le cas de l’Université de l’Ontario français

Le dossier de l’Université de l’Ontario français est un enjeu clé de la francophonie ontarienne. Déjà en septembre, son recteur par intérim, Normand Labrie, se faisait réaliste avec les annonces à venir. « On peut s’attendre à avoir certaines coupures par rapport aux projections qu’on s’était fixées. Auquel cas, il faudra composer avec ce qu’on a, non pas ce qu’on pensait avoir (…) Est-ce que ce sera le maximum qu’on voudrait avoir? Je crois que le message public qu’on entend ne va pas dans ce sens-là », avait-il indiqué à #ONfr.

Rappelons que le gouvernement libéral avait promis 83,5 millions de dollars sur sept ans pour le projet, dont huit millions dès 2018-2019, dix millions l’année suivante et 25 millions de dollars en 2020-2021.

« On aimerait que ce budget initial soit bien sûr confirmé », laisse entendre la co-présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), Marie-Pierre Héroux.

La francophonie ontarienne peut raisonnablement s’attendre à écoper des décisions du gouvernement Ford. « Le trou fiscal est profond, tout le monde devra faire des sacrifices sans exception », a réitéré le ministre des Finances, la semaine dernière.

« Les francophones vont être touchés comme le reste de la population de l’Ontario », laisse entendre Mme Chouinard. « Il faudra voir les éventuelles réductions de services et peut-être une volte-face sur le dossier de l’Université de l’Ontario français. »

Autres annonces

Le monde des affaires, incluant les acteurs francophones du milieu, pourrait cependant se réjouir jeudi en apprenant les différentes annonces faites. Le ministre Fedeli promet qu’on réduira le fardeau administratif, la bureaucratie et le nombre de règlements qui encadrent les entreprises ontariennes. « L’Ontario compte 380 000 règlements qui encadrent les entreprises. La Colombie-Britannique en a deux fois moins, soit 200 000 », a-t-il affirmé.

La ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, a d’ailleurs mené une tournée des acteurs francophones du milieu entrepreneurial. De quoi penser que l’énoncé économique pourrait être teinté par les conclusions de cet exercice.

Mais certains indices révèlent que des changements plus ambitieux sont à venir : « Nous transformons une machine », « Il y aura un changement de culture », « Transformation du gouvernement en institution moderne », « Un gouvernement basé sur l’expérience client », ont entonné plusieurs ministres clés au cours des derniers jours.

Le ministre des Finances, Victor Fedeli. Archives #ONfr

Mais du même souffle, Vic Fedeli a affirmé la semaine dernière qu’il espérait que les choses se fassent en douceur. « Si nous le faisons trop vite, les agents de crédit et les citoyens ne vont pas l’accepter. Ce sera une réforme graduelle du service public où le payeur de taxe sera placé au centre de tout », a-t-il soutenu, toujours lors de son discours au congrès des Courtiers indépendants en sécurité financière.

« M. Ford ne pourra pas combler les 15 milliards de dollars de déficit budgétaire en une seule année », conclut Mme Chouinard. « Mais en faisant des compressions, il pourrait envoyer le message que son gouvernement a tenu ses promesses. »


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