Moderniser la Loi sur les langues officielles : une urgence, disent les sénateurs

Le président du comité sénatorial des langues officielles, René Cormier. Crédit image: Sénat du Canada

MONCTON – Dans leur deuxième rapport consacré à la modernisation de la Loi sur les langues officielles, les membres du comité sénatorial permanent des langues officielles se disent persuadés de la nécessité, voire de l’urgence, d’actualiser la Loi pour répondre aux réalités du 21e siècle.

Dévoilée ce jeudi à Moncton, cette deuxième étude, d’une série de six rapports, aborde la perspective des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Et au regard des témoignages reçus, les sénateurs jugent qu’il faut une refonte majeure de la Loi, dont la première version fêtera ses 50 ans en 2019.

« Ce qui est clair, c’est que les communautés veulent que cette Loi soit actualisée pour avoir plus de mordant et qu’on précise certaines notions importantes de la Loi qui concernent la vitalité des communautés et la promotion des deux langues officielles. Le concept de « mesures positives », par exemple, est encore trop flou et le gouvernement va devoir le définir plus clairement », explique le président du comité, René Cormier.

Le récent jugement de la Cour fédérale en Colombie-Britannique qui renvoie au gouvernement la responsabilité de dire ce qu’il entend par « mesures positives » rend la situation d’autant plus pressante, peut-on lire dans le rapport.

Car après plusieurs modifications, dont la dernière en 2005, à l’initiative du Sénat, obligeant notamment le gouvernement fédéral à prendre des « mesures positives » pour permettre l’épanouissement des communautés et la promotion des deux langues officielles, force est de constater que « sur le terrain, les résultats concrets se font parfois attendre », constatent les sénateurs.

Consensus

Plusieurs propositions rejoignent celles formulées dans le premier rapport, dévoilé en février dernier, présentant la perspective de la jeunesse canadienne, dont notamment l’importance de réviser la Loi de façon périodique.

Plus de consultations, un meilleur décompte des ayants droit dans le recensement de Statistique Canada, davantage de redditions de compte notamment pour les transferts aux provinces, plus d’accès aux services fédéraux dans les deux langues officielles ou encore, une représentation équitable des francophones et anglophones dans la fonction publique fédérale… autant de propositions formulées par les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

« Les témoignages et mémoires que nous avons reçus ont dépassé nos attentes. Les communautés se sont prononcées sur toutes les parties de la Loi avec des propositions claires et une cohérence des points de vue », rapporte M. Cormier.


« J’aimerais que mes petits-enfants n’aient pas à se battre tout le temps » – Marc-André Ouellette, Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (extrait du rapport)


Le comité sénatorial reconnaît d’ailleurs qu’il y a un certain consensus autour des modifications à apporter à la Loi, aussi bien chez les francophones de l’extérieur du Québec que chez les Anglo-Québécois.

« On pourrait croire à priori qu’il y a une grande différence dans les besoins, mais ils s’entendent pour demander plus de mordant à la Loi. Les Anglo-Québécois demandent également plus de services fédéraux bilingues dans les régions rurales québécoises et un meilleur accès à la fonction publique fédérale au Québec », résume M. Cormier.

Revendications de longue date, les communautés demandent également de renforcer les pouvoirs du commissaire aux langues officielles du Canada et la mise en place de sanctions pour les manquements observés à la Loi. Elles souhaiteraient également que la mise en œuvre de la Loi soit confiée à une agence centrale au sein du gouvernement, que ce soit le Bureau du conseil privé, le Conseil du Trésor ou encore, Patrimoine canadien, afin d’en assurer la bonne application.

« Il y a une forte demande pour plus de leadership », ajoute le président du comité.

Prochaine étape

Les sénateurs attendent l’issue de leurs consultations, désormais auprès des personnes qui ont été témoins de l’évolution de la Loi, du secteur de la justice et des institutions fédérales, et la publication des trois études restantes, pour formuler leurs recommandations au gouvernement, dans un rapport final attendu en juin 2019.

Parallèlement, le commissaire aux langues officielles du Canada est lui aussi en pleine réflexion sur cette question et a décidé d’en faire une priorité de son mandat. La modernisation de la Loi fait aussi partie de la lettre de mandat de la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, qui doit « commencer un examen dans le but de moderniser la Loi sur les langues officielles ».

« C’est positif que le gouvernement ait énoncé clairement son intention de moderniser la Loi, mais avec les élections [en octobre 2019], ça va être difficile », juge M. Cormier. « Mais on adhère au sentiment des communautés qu’il faut agir rapidement. »

De son côté, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada devrait présenter son propre projet de loi, en novembre.


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