Nombre de cas de COVID-19 : le compte n’est plus bon

Le nombre de cas en Ontario est de moins en moins représentatif de la réalité. Crédit image : turk_stock_photographer / iStock / Getty Images Plus via Getty Images

Depuis le début de la pandémie voilà déjà deux ans, chaque jour apporte son lot de nouveaux cas atteints de la COVID-19, un chiffre quotidien au regard duquel les mesures gouvernementales se font et se défont. Toutefois, que cela soit en Ontario ou dans les autres provinces, cette version quantifiée est aujourd’hui largement contestée par les experts, voire qualifiée de non représentative. Déchiffrage.

Les dernières décisions prises par la province en matière de comptabilisation du nombre de cas positifs à la COVID-19 y sont pour beaucoup. La représentativité de cet indicateur majeur qui fait qu’une vague de contamination en est une ou pas avec toutes les mesures qui en découlent est de plus en plus remise en cause par la communauté scientifique. 

« On est rendu à un point où nos données ne peuvent plus nous guider d’un point de vue scientifique », déplore la professeure Nimâ Machouf, épidémiologiste et chargée de cours en santé publique. Pour cette experte, il faut multiplier par cinq le chiffre officiel du nombre des nouveaux cas si l’on veut prétendre à s’approcher de la réalité sur le terrain.

Plus qu’une intuition ou une théorie, c’est un fait. En effet, le 30 décembre dernier, le ministère de l’Éducation ontarien a annoncé, via une note de service, que suite aux modifications visant à limiter l’accès aux tests PCR, les cas dans les écoles ne seront plus signalés et, par ricochet, ils ne seront plus comptabilisés.

Qui plus est, le même jour, le ministère de la Santé de la province a fait savoir que cette dernière ne recommande plus au citoyen lambda d’effectuer un test PCR, car ce mode de dépistage est désormais réservé à certaines catégories de la population dites « à très haut risque » ou à des travailleurs de première ligne.

Pour les personnes symptomatiques, le ministère préconise maintenant des tests rapides, et lorsque le résultat est positif, on conseille l’isolement chez soi sans aller obtenir confirmation avec un test PCR, ce qui revient à dire que ces cas positifs ne sont pas déclarés comme tels et échappent au comptage officiel.

Les tests rapides brouillent les pistes  

« C’est un sacrifice qui nous laisse un peu mal à l’aise parce que c’est un peu fermer les yeux. Mais face à Omicron et sa fulgurante propagation, il faut choisir quelles données il faut sacrifier et l’Ontario a choisi de sacrifier le comptage absolu des cas », reconnaît le Dr Santiago Perez Patrigeon, spécialiste des maladies infectieuses au Centre des sciences de la santé de Kingston avant de relativiser :

« Ce n’est pas forcément une mauvaise chose parce que cela permet à la santé publique de se focaliser sur les situations et les personnes les plus à risque. On avait opté depuis le début pour une stratégie zéro cas. Aujourd’hui, avec Omicron qui est difficile, voire quasi impossible à contenir, on ne peut plus faire la même chose. Il faut se concentrer sur les indicateurs réels comme les hospitalisations et les décès pour évaluer la situation. »

Dr Santiago Perez Patrigeon, spécialiste des maladies infectieuses au Centre des sciences de la santé de Kingston. Gracieuseté

Toutefois, ce spécialiste avance une limite à ce « sacrifice », celui d’accuser un retard permanent sur la pandémie. En effet, les hospitalisations se déclarent en général deux à trois semaines après une vague de contamination, alors qu’à l’inverse, lorsqu’on essayait de compter les cas quotidiens d’une manière exhaustive, c’était ce nombre qui servait à estimer, à l’avance, la tendance des hospitalisations.  

Le salut est dans l’égout

L’horizon n’est pas sombre pour autant, car le Dr Santiago Perez Patrigeon est plutôt du genre optimiste concernant l’avenir. Arguments scientifiques à l’appui, il en veut pour preuves d’autres moyens de mesure peu médiatisés, mais fort utiles.  

« Au lieu de prendre une seule grande mesure, on peut en prendre différentes petites qui sont indirectes certes, mais très représentatives. La surveillance des éclosions en est une parce qu’on peut y comptabiliser tous les cas. C’est un bon indicateur de propagation et on remarque que les cas diminuent considérablement dans les éclosions », explique-t-il.

L’autre variable de taille qu’évoque le scientifique est l’analyse régulière des eaux usées puisque les individus atteints de la COVID-19 expulsent également le virus dans leurs selles. Pour rappel, l’Ontario a développé un programme de surveillance des eaux usées constitué de 170 points ciblés de collecte tels que les hôpitaux, les centres d’épuration ou encore des foyers pour aînés. Là encore, les données sont encourageantes et indiquent l’entame d’une phase de recul de la propagation du virus.  

Enfin, à l’heure de la mise sous presse, les 34 bureaux de la Santé publique de l’Ontario rapportent 3 424 nouveaux cas pour 4 008 hospitalisations, soit plus d’hospitalisations que de cas confirmés, preuve supplémentaire que cet indicateur ne serait plus significatif.