NOS HISTOIRES, NOTRE HISTOIRE ÉPISODE 3
Confrère de classe du controversé dictateur haïtien Papa Doc, témoin des purges sanglantes du dictateur dominicain Rafael Trujillo, le docteur Firmin Monestime arrive au Canada, depuis Haïti, avec l’idée ferme de recommencer sa vie.
Et quelle vie sera-t-elle !
Médecin de campagne dévoué, père de famille généreux et politicien mordant, Firmin Monestime deviendra aussi, par pur hasard, le tout premier maire noir au Canada, et ce… à Mattawa.
110 ans après sa naissance et 42 ans après sa mort, ONFR+ retrace le parcours de ce personnage plus grand que nature…
VALA MONESTIME BELTER :
Il travaillait fort,
il aimait la politique.
Il aimait pas la chicane,
mais il aimait chicaner.
PIERRETTE BURKE :
Jamais pensé qu’on aurait vu
Monsieur Diefenbaker à Mattawa.
Ah ! Un petit village comme ça.
VALA MONESTIME BELTER :
Ils ont juste embrassé
cet homme d’un autre pays,
d’une autre couleur,
d’une autre langue, même.
Puis ils l’ont fait maire.
ONFR+ Société présente
Nos histoires,
Notre histoire
Docteur Firmin Monestime
Premier maire noir du Canada
1964 – 1977
SÉBASTIEN PIERROZ s’adresse au public de l’émission.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Son parcours est l’une des
plus grandes histoires à succès
du Canada. En 1964, Firmin
Monestime, un immigrant
haïtien, devient le tout
premier maire noir du Canada.
Plus de 40 ans après son décès,
son influence plane encore
sur sa ville d’accueil : Mattawa.
Une photo d’archive représentant FIRMIN MONESTIME prononçant un discours à l’extérieur est présentée.
SÉBASTIEN PIERROZ :
S’adressant au public de l’émission
1940 : Firmin Monestime, un jeune
médecin de 31 ans, débarque
à Québec et passe plusieurs
années à Ottawa à compléter
sa formation médicale canadienne
et à apprendre l’anglais.
En 1963, période où le
ségrégationnisme fait rage
aux États-Unis, Firmin
Monestime est élu conseiller
municipal à Mattawa.
L’année suivante, il devient
maire.
Un article de journal portant sur l’élection de FIRMIN MONESTIME à la mairie est présenté.
SÉBASTIEN PIERROZ :
C’est le début d’une
grande aventure. Il sera réélu
maire jusqu’à sa mort, en 1977.
Une vidéo d’archive est présentée. Dans la vidéo, FIRMIN MONESTIME est interviewé.
FIRMIN MONESTIME :
Oh, je suis à Mattawa
depuis le 24 août 1951.
SÉBASTIEN PIERROZ est dans un parc de Mattawa, où il interviewe VALA MONESTIME BELTER, la fille de FIRMIN MONESTIME.
SÉBASTIEN PIERROZ :
On est, ici, juste devant
Mattawa, la ville où votre
père a été maire de 1964
à 1977. Décrivez-nous en
quelques mots votre père.
VALA MONESTIME BELTER :
Il était gentil,
un bon papa. Il pouvait pas
dire des bonnes jokes.
Des photos de familles où FIRMIN MONESTIME est en compagnie de ses enfants sont présentées.
VALA MONESTIME BELTER :
Il travaillait fort,
il aimait la politique.
Il aimait pas la chicane,
mais il aimait chicaner.
Des photos du mariage de FIRMIN MONESTIME avec son épouse sont présentées.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Votre père était Haïtien,
votre maman était Russe.
Quelle était la culture,
la langue, à la maison ?
VALA MONESTIME BELTER :
Alors, ma mère a dit que
mon père nous a donné le dernier
nom, alors nous étions des
Monestime. Ça fait une grande
place dans notre vie.
D’autres photos de famille sont présentées.
VALA MONESTIME BELTER :
Ça, c’était l’Haïtien. Puis,
ma mère nous a donné notre
premier nom, qui était russe.
Notre langage à la maison,
je pense que c’était toujours
russe. On était à l’école
française, on était orthodoxe
en religion. Nos amis étaient
francophones, alors c’était
un mélange. C’était pas
l’une ni l’autre, mais c’était
ensemble… une famille.
Des vidéos d’archive présentant le village de Mattawa sot présentées.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Lorsque votre père arrive
à Mattawa en 1951, c’est
un homme noir, Mattawa est
un petit village. Comment
il a été accueilli ?
VALA MONESTIME BELTER :
Il a dit, souvent, que c’était
le vent qui l’a apporté à
Mattawa. Alors, il a rencontré
un vieux copain, quelqu’un
qu’il a opéré à Ottawa
ça fait peut-être
quatre, cinq ans avant.
Puis, l’homme lui a dit
que c’était un M. Martin
qui était chez François.
D’autres vidéos d’archives montrant les rues de Mattawa sont présentées.
FIRMIN MONESTIME : Narrateur
J’ai rencontré un restaurant, là,
où je mangeais bien. J’ai
rencontré un ami qui me
connaissait. J’étais
à destination de Timmins.
VALA MONESTIME BELTER :
Puis, il a dit à mon père
qu’ils ont perdu leur docteur la
semaine dernière. Est-ce qu’il
pouvait peut-être rester ?
Puis, mon père a dit : « non ».
Puis, l’ami lui a dit : « Couche
ici ! Puis, on va parler demain
matin. » Alors, demain matin,
ils ont donné une auto
à mon père et un appartement.
D’autres vidéos d’archives montrant les rues de Mattawa sont présentées.
FIRMIN MONESTIME : Narrateur
C’est le ventre
qui m’a tenu ici.
VALA MONESTIME BELTER :
Ça dit beaucoup des personnes
de Mattawa. Ils ont juste
embrassé cet homme d’un autre
pays, d’une autre couleur,
d’une autre langue, même.
Puis, ils l’ont fait maire.
PIERRETTE BURKE, ancienne fonctionnaire à la ville de Mattawa, est interviewée. Derrière elle se trouve un portrait de FIRMIN MONESTIME.
PIERRETTE BURKE :
J’ai commencé à le connaître
en 1956. C’est l’année que
j’ai commencé à travailler.
Il était mon docteur.
Une photo d’un groupe de docteurs parmi lesquels se trouve FIRMIN MONESTIME est présentée.
PIERRETTE BURKE :
C’est dans
ce temps-là que, en 1961, qu’il
s’est présenté. Il rentrait pour
visiter le greffier pour savoir
comment peut-il être élu
comme conseiller de la ville,
pour des renseignements sur la
municipalité.
Une photo du bureau municipal de la ville de Mattawa est présentée.
PIERRETTE BURKE :
Et puis, un jour,
il est rentré puis il a décidé :
« Tiens, je vais courir
comme conseiller. »
D’anciennes affiches électorales pour la candidature de FIRMIN MONESTIME sont présentées.
PIERRETTE BURKE :
Les élections étaient à toutes
les années, alors il a été élu
comme conseiller, oui.
Dans un cadre se trouve une photo de FIRMIN MONESTIME, devenu maire, en compagnie des autres conseillers municipaux.
PIERRETTE BURKE :
Tout a changé dans notre bureau, là,
parce que le docteur était
un homme qui était toujours là.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Et quel était
son rôle de maire ?
VALA MONESTIME BELTER :
Il disait que Mattawa
était le centre du Canada
et le coeur du Canada.
Il arrivait pour aller à
Toronto, Queens Park, puis dire :
« à Mattawa, on a besoin de ci,
Mattawa on a besoin de ça. »
PIERRETTE BURKE :
Quand il voulait avoir quelque
chose, il rentrait dire au
greffier : « Téléphonez le membre
du parlement tout de suite ! »
Fallait qu’il aille à celui
qui est en tête des départements
qu’il voulait parler.
Des photos de FIRMIN MONESTIME issues de différentes coupures de journaux sont présentées.
PIERRETTE BURKE :
Il parlait pas à personne, pas
de secrétaire, rien. Il voulait
parler aux membres du parlement.
Après un an, deux ans ce ça, il
s’est aperçu qu’il pouvait pas
faire ce qu’il voulait. Mais ses
désirs, ses rêves étaient là.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Sans doute un de ses legs
les plus importants, le Centre
de santé Algonquin, est-ce
que ça lui a pris beaucoup
d’énergie, ce projet ?
Des photos du centre de santé Algonquin sont présentées.
VALA MONESTIME BELTER :
En ce temps-là, si on était
vieux et malade, il fallait que
vous déménagiez à North Bay.
Et, dans ce temps-là, North
Bay était seulement pas
une heure par retour ;
on n’avait pas d’auto.
C’était, pour lui, quelque chose
qui était nécessaire ici,
à Mattawa, parce que pour que
tu peux demeurer ici, dans
ta communauté, mais aussi
pour des raisons économiques :
ça pouvait donner du travail
aux autres personnes. Puis,
le gouvernement voulait pas
le construire ici,
alors mon père a…
he mortgaged his house
Alors, c’était un risque,
mais il pensait que
c’était nécessaire.
SÉBASTIEN PIERROZ :
On sent qu’il avait plein
de qualités, mais est-ce
qu’il avait aussi un
défaut qui s’en dégageait ?
PIERRETTE BURKE :
Il faisait bien du
gambling,
aussi. Ha, ha, ha ! Il aimait ça,
il a perdu son automobile en
jouant aux cartes. Ha, ha, ha !
SÉBASTIEN PIERROZ :
S’adressant à VALA MONESTIME BELTER
Votre père était le docteur
du village. Quelle était la
place du médecin à cette époque ?
VALA MONESTIME BELTER :
C’est avant le temps de
OHIP, alors il y avait pas
d’assurances que le gouvernement
payait. Alors, tout le monde
devait payer eux-mêmes.
Une photo de FIRMIN MONESTIME en sarrau de médecin au chevet d’un patient est présentée.
VALA MONESTIME BELTER :
Mattawa était pauvre, alors
beaucoup de paiements étaient
avec des tourtières ou quelque
chose comme ça. Une dinde,
une fois ; une tortue, une fois.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Votre père était un fervent
partisan conservateur. Il a même
été candidat à la présidence du
Parti progressiste-conservateur
en 1971. Quelles étaient
les valeurs qui l’attiraient
dans ce parti ?
VALA MONESTIME BELTER :
Quand mon père est devenu
un Canadien en 1957, après ça,
le premier ministre John
Diefenbaker a fait une loi
que toutes les personnes
sont égales. Ce droit-là
a attiré mon père au parti.
Une photo de FIRMIN MONESTIME en compagnie de politiciens est présentée.
PIERRETTE BURKE :
Il faisait venir les membres
du parlement pour visiter
Mattawa, pour être capable
d’avoir de l’argent pour faire
ce qu’il voulait faire. Alors,
jamais pensé qu’on aurait vu
Monsieur Diefenbaker à Mattawa.
Un petit village comme ça.
Une découpure de journal montrant FIRMIN MONESTIME en compagnie de JOHN DIEFENBAKER est présentée.
PIERRETTE BURKE :
Et puis, Monsieur Davis, puis,
mon Dieu, Bob Rae, puis… Ah
mon Dieu ! On avait 8 ou 11 d’eux
autres qui sont tous venus ici.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Est-ce que Mattawa, selon
vous, est aujourd’hui un village
accueillant pour les immigrants ?
Des images vidéos du Mattawa d’aujourd’hui sont présentées.
VALA MONESTIME BELTER :
Oh oui, certainement !
Certainement. De tout le monde.
On pouvait avoir beaucoup plus,
mais ceux qui sont ici sont
bienvenus. Ils sont partis
de la fabrique de la communauté,
ils sont des
businessmen,
ils sont des médecins, ils sont
des… sont tout le monde.
VALA MONESTIME BELTER est dans une pièce d’un musée consacrée à son père. Elle observe attentivement l’une des photos au mur.
SÉBASTIEN PIERROZ : Narrateur
Est-ce que vous avez
l’impression que, grâce à vous,
à votre famille, Mattawa est
plus métissée aujourd’hui ?
VALA MONESTIME BELTER : Narratrice
Je pense pas que c’est
grâce à nous, je pense
que c’est grâce à Mattawa.
La suite de l’interview d’archive de FIRMIN MONESTIME est présentée.
FIRMIN MONESTIME :
C’est pas pour vanter
la ville de Mattawa que
je vous dis… mais ce sont
des gens d’un esprit cordial.
SÉBASTIEN PIERROZ s’adresse au public de l’émission.
SÉBASTIEN PIERROZ :
Sur les pas de Firmin
Monestime, les minorités
visibles et immigrantes sont
de plus en plus nombreuses à
se lancer en politique. En 1968,
Lincoln Alexander deviendra
le tout premier député noir
du parlement canadien et
sera, quelques années plus
tard, assermenté comme
lieutenant-gouverneur
de l’Ontario.
Là aussi, une première au pays
pour une personne de race noire.
En 2005, Michaëlle Jean sera
la toute première gouverneure
générale noire du Canada.
À quand un premier ministre
issu d’une minorité visible ?
Générique de fermeture